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mardi 10 avril 2018

Macron et les catholiques? Un bilan en demi-teinte

Commentaire posté sur la page Facebook de Patrice de Plumkett.


 1. Les évêques n'ont pas fait de politique? Ils avaient dit qu'ils n'en feraient pas. Ils n'ont pas su y résister.
       a) Ils ont dit qu'ils étaient pour la famille.
       b) Ils ont dit qu'ils étaient pour l'accueil massif des migrants, ce qui n'est guère compatible avec le patrimonialisme familialiste.
      c) Ils ont fait un peu de bioéthique, bien que le cardinal Vueillot ait dit à ses séminaristes: "Ne devenez jamais vieux!"
      d) Ils se sont placés sous l'étendard de la fragilité, comme Jean Vanier qui organise à grand prix des conférences sur ce thème, notamment en louant la Mutualité ou en se déplaçant sur tout le territoire pour vendre la fragilité. Avez-vous remarqué que la plupart des compagnons de l'ARche sont des bourgeois? C'était également le cas hier, aussi bien s'agissant de Charles (qui accompagnait Vanina) que de la co-locataire de l'ex-SDF Martine, qui était triomphante dans son aisance à vivre aux côtés d'une personne fragile, qui couronnait presque son éclatant bien-être par ce surcroît d'équilibre d'aimer les pauvres et de le faire savoir, en ne mettant guère en valeur sa binôme (ou bifemme). Macron était dans son jus: des premiers de cordée lui faisaient la leçon.
       e) Lês évêques le sommaient de veiller sur les chrétiens d'Orient, il en a profité la nuit même pour ordonner une intervention en Sirie qui les fragilise et est probablement injuste, car le dépassement de "la ligne rouge" par Bachar El-Assad n'est pas avéré et, quand bien même, une intervention française et américaine ne ferait qu'aggraver la situation.
       f) La CEF a une fois de plus prouvé son impolitisme, ou son incompétence en matière politique, ou l'incohérence de ses options contradictoires, même si les évêques n'aiment rien tant qu'à s'improviser sociologues, et si la figure de mgr Pontier était émouvante et magnifique, empreinte de sagesse, notamment avec cette formule qui remplacerait avantageusement le "vivre ensemble" (puisque la convivialité appartient à une autre sphère et que la convivence est pédante: la "vie commune".
   2.
       a) Auprès des cathooliques, Macron baignait dans son jus. C'était un milieu qu'il connaissait comme ancien élève des jésuites. Pourtant, n'est-il pas triste de voir ce fruit de l'enseignement privé qu'est l'itinéraire de Macron: un adolescent demande lebaptême, et sa foi se dégrade en un simple transcendentalisme travaillé par "la question intranquille du salut". Macron n'aurait-il pas dû suivre le conseil de son père d'attendre pour être baptisé, car mieux vaut un bon athéisme que cette mauvaise foi, même pétrie de références au personnalisme d'Emmanuel Mounier?
       b) Une de mes amies me disait que de Macron, on pouvait tirer le pire et le meilleur, "en fonction de l'orientation de sa femme qui devrait l'emmener sur la voie de la pénitence. Elle est rimbaldienne comme moi, mais elle aime trop le clinquant", ajoutait-elle.  Or Brigitte Macron est inaccessible à la pénitence: elle a une peur bravache de Dieu, peur qui la fit fanfaronner devant Philippe Besson: "Hein? Tu croyais que nous serions allés à la messe de Pâques? Eh bien non."
  Mais l'intranquillité d'Emmanuel Macron s'est accusée en ceci, qu'il n'a pas pu s'empêcher de dire à mgr Pontier: "Je comprends que vous défendiez la famille, j'oserais dire les familles." "Emmanuel Macron nous parle d'avenir, mais il n'a pas d'enfants", a diagnostiqué l'épouvantail-clignotant de la République, qui "pose de bonnes questions, mais donne de mauvaises réponses", a prononcé Laurent Fabius. Et Macron n'aime pas que ses parents soient sur la photo. Emmanuel Macron a une famille contrarié. Il est contrarié dans son désir de "faire famille" ou de recomposer sa famille. Il ne peut le faire qu'au prix de la disparition de Louis-André Auzière ou de Françoise et Jean-Michelle Macron au profit de Manette qui n'est plus là pour lui dire son fait. En cela il est un enfant de son siècle.
       c) Emmanuel Macron a fait auprès des catholiques ce qu'il excelle à faire auprès de tout le monde: il les a séduits, par un discours pourtant plus profond que d'habitude. Les croyants modérés dont je suis, qui ne sont pourtant pas "modérément croyants", sont sortis contents de son allocution. Pourtant il leur a fait du magistral: "et en même temps". "Je n'ai pas d'agenda caché, mais je n'écouterai pas votre parole intempestive, inactuelle."
       3. Les tartufes du Salon Beige et autres catholiques malveillants, qui ne croient que pour en découdre, ont eu tôt fait de ne rien approuver du discours du président de la République. Il ne leur avait pas souhaité "joyeuses Pâques", ce n'était pas bien; et hier il ne leur a pas promis la lune alors qu'ils n'en attendaient pas moins que le ciel, c'est donc largement insuffisant. "Dieu seul suffit", Macron ne suffit pas.
   4. SAchons gré à Emmanuel Macron, qui "connaît la maison":
       a) d'essayer  de substituer "la sève catholique" aux "racines chrétiennes".
      b) De s'opposer à la stratégie de l'enfouissement, en demandant aux catholiques, à travers "le don de [leur] engagement", de prolonger leurs engagements associatifs en un engagement politique, pour ne pas se complaire dans la stratégie de la goutte d'eau et pour que l'État ne s'habitue pas à ce que les catholiques soient là pour panser "la souffrance sociale", fût-ce au prix appréciable que l'Église soit la maison de tous, comme cette rencontre l'a prouvé, où les évêques promettaient de ne pas défendre des intérêts catégoriels et s'y sont globalement tenus.
       c) De resituer le don que l'Église peut faire de sa sagesse en celle de son humilité: l'Église n'est pas "la gardienne des bonnes mœurs", mais est responsable de la "remise en question" évangélique. "Je suis venu pour une remise en question", dit Jésus à la fin du récit de l'aveugle né en Saint-Marc.
      d) Mais donner quittus à Emmanuel Macron de belles intuitions pour l'Église ne va pas sans exercer un droit d'inventaire préalable: a-t-il le droit de nous demander "le don de [notre] liberté spirituelle" si, pour sa part, il espère que beaucoup de jeunes rêvent de devenir milliardaires? Macron, entre Dieu et Mammon, il faut choisir, comme entre l'intelligence artificielle et la spiritualité!

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