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dimanche 16 février 2014

Modestie centrafricaine, éléments de réponse sous-informée

(par le torrentiel) Croissant de lune, Je trouve ton message, m'apprête à le lire dans son intégralité, mais commence par sauter sur le premier mot : j'aurais commis un "lapsus" en disant que les minorités musulmanes qui avaient "sustenté" le dernier coup d'Etat étaient des migrants. Je n'ai fait que reprendre l'information qui circule. Ces migrants habitent le centre afrique de ^raîche date. Leur agrégation dans le pays ne s'est pas faite sans heurt. L'esprit conquérant de ces populations et l'esprit factieux de ces terres africaines a beaucoup nui à leur installation. D'où cette rivalité actuelle, apparemment. Je te rappelle que le recours à "l'ivoirité" a été le fait des Ivoiriens, sous l'oeil désapprobateur, mais impuissant de dominique de villepin négociant les accords de Marcoussis. Autrement dit, la "préférence nationale" serait valable dans ces pays mal délimités, mais qui n'en ont pas moins, pour certains, comme la côte d'Ivoire, le centre afrique et d'autres, acquis une conscience nationale. J'ignore si Alassane Ouattara est d'une lignée royale du pays, j'en doute fort. Ce que je sais, c'est qu'il a été empêché de se présenter à l'élection présidentielle ivoirienne à défaut d'ivoirité. Or il était le candidat de la "communauté internationale" ou, si tu préfères, du mondialisme ou de "l'Empire". Il a pu finalement parvenir à ses fins. Son régime ne peut pas être plus brutal que le régime précédent ; pourtant, on y fait état de privilèges mafieux, mais la vie a l'air plus douce que sous Laurent Gbagbo. Donc les mondialistes ne se trompent pas toujours. Je veux bien acquiescer à tout ce que tu dis de l'africain musulman, mais j'ai l'impression que tu le tires de ton propre fonds et du transfert de représentations que tu fais par rapport à la société musulmane idéale, dont tu exportes le modèle en afrique. tu ne me parais pas connaître l'afrique beaucoup mieux que moi qui ne l'ai approché que par ses gens d'ambassades, dans divers bars africains, quelquefois plus ou moins clandestins, que j'ai fréquentés. J'en ai retiré une vision nécessairement tronquée et un peu parisienne, complétée de l'"afrique religieuse" que je connais également un peu, mais tout ça ne nous dit pas l'afrique profonde. D'autant que l'Arabe et le noir d'afrique sont relativement étrangers l'un à l'autre et s'entendent souvent fort mal ; ou, pour employer un mot dont je commence à croire qu'il faudrait le bannir de son vocabulaire à de très rares exceptions près, ils sont racistes l'un envers l'autre. Tu écris : "Qu'une faction ou l'autre ait eu l'avantage, les marchés étaient tenus, les marchands circulaient. L'atteinte aux marchands, c'est une atteinte aux Musulmans, parce que dans ce pays, on est à peu près sûr que quiconque tient étalage est Musulman ou presque." Cette vision d'une afrique autarcique et vivrière ne correspond malheureusement pas à la réalité de l'économie africaine, même s'il vaudrait mieux pour l'Afrique qu'il en aille ainsi. Là où ton raisonnement approche de la propagande, c'est qu'il tourne à ce syllogisme : l'Afrique est une économie marchande ; les marchands sont toujours musulmans ; donc il faut toujours défendre les musulmans en afrique. Ca ne tient pas, d'abord parce que ce n'est qu'un raisonnement qui fait fi de la réalité non marchande de cette économie trop peu vivrière ; ensuite parce qu'à ce compte, pourvu qu'ils approvisionnent leurs concitoyens, tout marchand plus ou moins implanté dans le pays pourrait terroriser les populations sans qu'on n'ait rien à y redire, comme la vengeance dont tes marchands musulmans implantés de fraîche date font l'objet semble démontrer que ç'a été le cas. Enfin, dans le grand "souk dans le désert" que tu nous décris, seuls les musulmans tiendraient échope ou à peu près. C'est méconnaître tout à fait l'atavisme marchand universellement réparti dans toutes les sociétés dont l'économie repose sur le lieu qu'est le marché. En Israël, il y a autant de juifs que d'Arabes qui vendent les mêmes choses dans nombre de marchés de villes à dominante palestinienne, mais à quartier juif prolétaire. Tu nous parles de l'Afrique comme si s'y promenaient les tribus de marchands des premiers pays berbères. L'Afrique est un peu plus moderne que l'image d'epinal que tu décris. Quant à tes reproches à la france, admets tout d'abord qu'ils sont de principe. Quoi que la France fasse ou ne fasse pas, tu trouveras à y redire. Sur le point de l'ingérance, certes, l'ingérance est un mal en soi, nous sommes à peu près d'accord là-dessus. Mais conviens en ce cas qu'on a fait à la france le reproche de ne pas s'être ingéré au rwanda et que ç'aurait été sa principale contribution au génocide, outre qu'elle n'aurait pas cessé d'armer la communauté génocidaire Sur le point de la confessionalisation médiatique, tu commets une erreur chronologique. Ces distinguos entre chrétiens et musulmans n'ont été émis qu'après le commencement de l'intervention française et de la force africaine, aux effectifs plus nombreux. C'a été une explication à destination du public français pour gommer le caractère ethnique du conflit en le confessionalisant. Ca s'est révélé contreproductif, parce que l'ancienne puissance coloniale a donnéé l'impression de prendre par principe le parti chrétien. Or le contraire s'est révélé en côte d'Ivoire, donc cette pétition de principe ne fonctionne pas systématiquement, même si elle a également joué au Mali, où il faudrait être sûr que le prétexte invoqué n'était qu'un prétexte, à savoir que certaines minorités ne se comportaient pas en talibans, mais là comme ailleurs, l'alliance des Nords-maliens paraissait composite. Tu feins de croire que le discours médiatique français est le même de France inter à RFI, la seule de nos radios qui soit beaucoup écoutée en afrique. Je n'ose croire que c'est parce que tu n'as jamais écouté RFI ou même regardé "france 24" qui est beaucoup moins caricaturale que la version publicisée par le quai d'Orsay à destination du public français. La raison en est simple : l'Africain connaît l'Afrique, et lui servir une version confessionnelle d'un conflit plus compliqué ne prendrait tout simplement pas auprès de lui. Je ne suis pas sûr que l'influence de la france soit toute-puissante sur les parlementaires centre-africains dans le choix de leur présidente. Je dis qu'elle n'est pas toute-puissante, je ne suis pas naïf au point de la croire nulle. Autre contre-vérité par rapport aux informations dont je dispose : les forces françaises ne se sont pas repliées loin de la capitale, elles ne se sont jamais déployées ailleurs, compte tenu de leur trop petit nombre. Quant à savoir si les forces d'interposition ont tué, tu n'en sais rien et moi non plus, donc tu parles dans le vide, en fonction de tes préjugés, parce que tu n'admets pas que des "casques bleus" puissent occasionner des morts, a fortiori quand ceux-ci sont théoriquement dirigés par une ancienne puissance coloniale, qui n'est pas numériquement supérieure. Maintenant, dans le cas d'espèce, je trouve de la dernière maladresse que la france ait prétendu prendre la tête de cette opération. J'y vois un effet de plus de la gauche mollettiste incarnée par François hollande, atlantiste et néo-colonialiste. Donc tu ne me feras pas dire du bien de cette intervention. Mais autre chose est de n'en pas dire du bien, autre chose est de la diaboliser par principe, parce qu'elle est française, et parce que tu veux faire fi du monde tel qu'il est en attendant qu'il s'organise en "démocratie de nations". Je rappelle que "la brutalité libérée de l'africain profond" n'est à cette heure pas musulmane. Se pose donc la question du désarmement. Comment se fait-il, étant donné la pauvreté militaire des forces d'interposition, que ceux-ci se soient laissés désarmer et pas les milices dites chrétiennes ? De même, au terme de quel chantage le Président putschiste a-t-il démissionné sitôt que la france est entrée en action ? On peut y voir une terreur post-coloniale, mais on imagine aisément que le chantage a été plus subtil. La question du désarmement est plus mystérieuse. Au résultat, on imagine qu'il a été "assymétrique". Or la force d'interposition était à la fois impuissante et divisée. Donc coment ce désarmement s'est-il déroulé ? Au terme de quel marché, respecté par les uns et manifestement pas par les autres ? comment une force d'interposition chétive a-t-elle pu imposer ce marché et comment l'a-t-elle fait respecter ? Comment est-il possible qu'un camp se soit fait duper et l'autre n'ait rien voulu déposer ? Voilà sur quoi il faudrait avoir des informations documentées. En quoi l'OCI devait-elle intervenir dans un pays qui ne relevait pas de son précarré ? L'OUA aurait dû être apte à se charger seule du conflit, mais elle n'y parvient pas mieux que la ligue arabe ne parvient à imposer ses solutions dans les pays qui la concernent. D'où cet appel résignés à l'ingérance. Or pays africains et arabes ont une diplomatie qui devrait respecter leurs concitoyens en ne planquant pas leurs valises diplomatiques pleines de billets dans les pays qui s'ingèrent. Il tient à ces diplomaties de ne pas entrer dans le jeu concussionnaire qui leur est proposé. Si tu es équilibré, tu dois autant souhaiter les moraliser que moraliser le dominant parce qu'il est dominant. La responsabilité est toujours réciproque. Les personnes que tu prends la main dans la valise ne sont pas des opprimés sans culture. Ils sont très cultivés et ne se sentent pas obligés à leur responsabiliité d'élites. C'est comme ça qu'à la suite de circulaires très favorables aux étudiants étrangers, tu te retrouves en Ile-de-France avec plus de médecins béninois et sénégalais qu'au sénégal et au Bénin. Voilà un vrai mal africain, qui n'a rien à envier à l'inertie verbeuse des diplomaties arabes en terre palestiniienne. Le mal vient d'abord de là. C'est une vision post-coloniale beaucoup trop facile que d'en faire porter la responsabilité à la France ou à l'Occident. Tu veux que la france soit "scripturaire" de l'afrique ? Elle le demeure ; mais pourquoi les élites africaines ou arabes se réfugient-elles en France, si ce n'est par indifférence patriotique ou, comme en Algérie, par crainte qu'il soit porté atteinte à l'intégrité physique de certains réfugiés au cas où ils voudraient revenir ? Comment le caractère inédit de cette situation ne t'étonne-t-il pas, que des vainqueurs trouvent refuge chez les vaincus qu'ils ont combattu avec l'ardeur de lajeunesse ! Le problème est d'abord là et pas ailleurs. Etant donné que le coup d'etat égyptien est un véritable scandale, je me désolidarise de la diaspora copte en france, dont ce que j'ai entendu a pris fait et cause pour ce coup d'etat, et je comprends a priori la décision des "frères musulmans" d'avoir entrepris la lutte armée sans me prononcer sur "la marche islamique", car j'aimerais être sûr qu'elle soit l'amie du genre humain, ce qui ne me paraît jamais le sort des religions fédérées, il y a là comme une impossibilité historique, du moins on n'a jamais connu de précédent favorable. le torrentiel

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