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lundi 23 août 2010

LES METONYMIES DE DIEU‏

(Rappelons que la métonymie est une figure de rhétorique qui consiste à employer la partie pour le tout).



saint-Mathieu nous montre que « le trône de dieu, c’est le ciel ». L’estrade du trône (dont parle le second livre des rois au chapitre 16 et que le roi Achaz fait supprimer du Temple de Yahvé) symbolise sans doute cet aspect célestiel de dieu. « Dieu Règne parmi les ovations » et son trône est dans le ciel. C’est pourquoi, lorsque nous disions à l’âge classique (et Dom Juan n’était pas avare de cette périphrase sous la plume de Molière), par métonymie, « le ciel » pour parler de dieu, nous ne nous trompions pas vraiment davantage, quoique sur un autre plan, que lorsque nous disions « la Nature » pour parler du dieu créateur, quoique par cette métonymie-là, nous donnions à entendre que c’était la créature, la nature, qui faisait œuvre créatrice. Mais la nature ou création est Langage de dieu, et « la terre et les cieux racontent la gloire de dieu ». La métonymie de Nature pour Dieu peut donc être perçue comme une manière de dire que, si ce langage fait tellement corps avec ce qu’il contient que, héraut de dieu, il est le récitant, le récit et, par une Grâce infuse de dieu, le récité. La nature fait entrer par voie d’individuation nos organismes créés dans la dimension à la fois fonctionnelle, temporelle et personnelle de la Création. Car la Création est organique. Bien sûr, confondre la Nature avec dieu, c’est assimiler l’organe à la fonction. La métonymie de la Nature pour Dieu a ceci de déroutant qu’elle procède d’un panthéisme trop charnel, d’un immanentisme trop corporel. Dieu n’est pas immanent à l’univers, mais Il Se veut Présent dans l’univers. Ce que renferme la métonymie du « ciel » pour dieu est que Dieu veut S’assimiler aux organes auxquels Il a assigné certaines fonctions, et Il veut S’y assimiler au point d’être mangé ; Il S’incarne pour Se rendre comestible ; Il habite le ciel, puis le Temple, puis nos cœurs pour faire corps avec notre besoin de demeurer, pour qu’il ne soit pas dit que dieu Soit plus aspatial qu’Il ne serait intemporel. L’éternité en dieu n’implique ni l’intemporalité, ni l’aspatialité. La finalité intime de l’espace, sa face cachée, pour ainsi dire, étant donné que l’espace est potentiellement une surface plane subordonnée à l’étendue, est d’avoir une intention. L’espace est une étendue intérieurement intentionnelle. Dieu Se fait spatial pour que l’espace soit intensif. Intensif plus qu’extensif ou expansif, intensif et non « fortuit », comme le fait croire cette dernière assimilation métonymique de dieu au Sort de la fatalité destinale, qu’à la Renaissance, on exprimait en invoquant « la Fortune » pour mettre Dieu à part du jeu d’épreuves, qui ne pratiquait pas une « rétribution (juste) des actes » qui eût égard aux mérites. Dieu Se grime en Hasard pour faire la part du jeu :

« La vie est un jeu, accepte-le », a dit mère Thérésa de calcutta, d’une manière où il ne se peut pas qu’elle n’ait voulu inculturer (ou qu’elle se soit laissée aculturer) par l’illusion, la maia » hindoue,la bienheureuse fondatrice des petites sœurs de la charité ayant vécu dans l’orbite culturelle de cette idée de la vie comme illusion.



« Le sort en est jeté, l’esprit-saint peut quelquefois se faire l’arbitre de certains tirages au sort, et cependant rien n’est fortuit : le Hasard est le nom que prend la Providence lorsqu’elle veut Se cacher ; le Verbe est moins le Maître du jeu (encore que « la Sagesse ait joué sur la terre » et ç’a été Sa manière de créer, nous dit le siracide) qu’Il n’est principe et Providence. Rien n’est fortuit, mais rien n’est nécessaire ; rien n’est joué, surtout pas notre conscience, prise dans une dimension personnelle bien qu’étymologiquement, la personne ne soit qu’un masque, qu’une fonction, qu’un rôle. Notre habitacle est un jeu de rôles. Et pourtant, Dieu vient satisfaire notre passion de demeurer. Y satisfaisant, Il Se fait mortel pour que nous connaissions l’immortalité. Mais Il Se fait aussi demeure pour que, contrairement à Lui qui n’a pas où reposer Sa Tête et Dont nous pouvons prendre exemple, nous ayons où nous abriter. Dieu Se fait Demeure pour satisfaire notre besoin pyramidal. En témoigne que, de même qu’il arrive à la Nature d’être commise à parler de dieu jusqu’à emprunter la fonction verbale, un autre aspect de cette fonction nous est présenté par ce signe : la première lettre du premier mot de la bible, « bereschit » (cette première lettre étant le beith), a la forme d’une maison. Dieu Se fait récit de création pour que nous trouvions Maison de Parole. Nous sommes les destinataires de Sa Libéralité répandue à profusion, mais nous devons nous la destiner. La Grâce ne fait pas tout, nous devons nous faire porte-paroles et « devenir ce que nous disons ». En effet, nous devons moins « devenir ce que nous faisons » que ce que nous disons : c’est peut-être ce qui se cache derrière l’intuition new agiste qu’ »il n’y a rien à faire » aussi bien que derrière l’insistance paulinienne et luthérienne à parler de « justification par la foi ». Nous devons devenir les destinataires de ce qui nous est destiné. Nous devons « devenir ce que nous disons » pour que nos œuvres s’y conforment, non par la vertu performative d’une magie qui aurait droit de cité si le monde était inhabitable au lieu d’être un espace habité, mais par simple attraction du faire au dire. Nous devons devenir ce que nous disons pour que nos œuvres nous deviennent. Nous devons devenir notre dire pour aller vers « où nous sommes ». La bonne question de la condition humaine n’est pas celle qu’elle se pose :

« qui suis-je ? », mais celle que Dieu lui pose :

« Où es-tu » ? Le « Va vers toi » que Dieu, qui est Stabilité et Mouvement perpétuels, propose à Abraham, peut se traduire en termes nietzscheens ainsi :

« Deviens vers où tu vas » !

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