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lundi 25 mars 2024

Malaise dans la victimisation

Justice au Singulier: Trop de victimes, trop de héros... (philippebilger.com)


Il y a au moins quatre choses qui me gênent dans la dérive actuelle de la victimisation-culpabilisation:


-D'abord beaucoup trop de gens revendiquent un statut de victime à partir duquel ils ne pourront jamais rien reconstruire, surtout s'ils ont subi un vrai trauma. Le statut de victime  a pris une telle importance que le mot de "résilience", comme horizon pour la victime de dépassement de son statut de victime, est devenu un gros mot.


-L'idée que la "concurrence victimaire" a été inventée par ceux-là mêmes qui, depuis la Shoah, n'entendent plus qu'il y ait d'autres victimes qu'elles-mêmes, qui seraient devenues des archétypes de la victime idéale, au moment même où ils tirent argument de l'"holocauste", mot contesté au demeurant,  pour se considérer comme des victimes représentatives de toutes les victimes, en même temps qu'ils prétendent que "qui tue l'homme tue l'humanité" (et pourtant il y aurait des victimes plus représentatives que les autres). Et s'il y a des victimes éternelles, il ne faudrait pas que les autres victimes fassent état de leur état de victime.


-Le fait qu'il y aurait des coupables absolus comme il y aurait des victimes idéales. D'autant que l'homme naîtrait coupable devant Dieu, comme m'en a fait état un pasteur souvent déjà cité par moi. Ayant été biberonné à la culpabilité, je serais un de ces coupables idéaux. Et comme cette position est intenable, j'oscille entre cette culpabilisation complaisante et un déni tout aussi complaisant, où, finalement, je ne me trouve pas si mal à peu de frais et à bon compte. Car après tout, peu de gens, dans ma situation, auraient eu mon courage et auraient fait aussi bien que moi, voire auraient fait autant d'efforts. Ben voyons! La vérité est toujours entre les deux. 


Je ne veux pas croire que les monstres ne soient pas des êtres humains qui ont mal tourné. Je ne veux pas croire qu'il y ait une humanité monstrueuse. Et si je suis un monstre, je veux continuer d'émarger à l'humanité.


-Enfin, nous sommes en manque de héros? Je ne crois pas qu'il y ait assaut d'héroïsation dans notre société. Il y a panthéonisation abusive (pour moi Robert Badinter n'est pas un héros) comme il y a eu jadis érection de saints de vitrail là où la vie des hommes n'est jamais en noir et blanc, mais toujours en blanc et noir et doit toujours être resituée dans un contexte. Le manichéisme est la même hérésie quand elle parle des êtres humains que quand elle suppose deux dieux, un dieu du bien et un dieu du mal. 


Arnaud Beltrame pouvait être un héros, comme il y eut "la Nuit des héros" présentée successivement par Laurent Cabrol et Michel Creton. Je crois aux héros du quotidien, mais je ne crois pas aux pères de famille, héros du quotidien selon Charles Péguy, car ils ont fait de leur progéniture des enfants-roiss, trop impuissants pour s'être voulus les rois d'eux-mêmes ou les "roi(s) de rien", selon l'expression de Michel Delpêche. .   


Je crois surtout que, dans notre société, tout le monde regarde ses pieds, mais presque plus personne ne regarde personne. Il y a eu un abaissement du regard qui devrait entraîner un recouvrement du regard qu'on appellera sans doute une révolution du regard, dans notre société qui ne saurait vivre sans se donner les atours de la révolution. 


Je crois surtout que notre société adore évoquer les mots des réalités dont la réalité lui manque. Exemple: le premier article de la loi Veil affirme que le droit à la vie ne saurait souffrir d'exception. Suit une vingtaine d'articles qui énumèrent les exceptions au droit à la vie. Et avec la constitutionnalisation de la "liberté d'avorter", c'est finalement le droit à la vie qui fait exception.... 

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