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mercredi 13 mars 2024

La philosophie est un roman conceptuel

Contribution à une discussion avec des camarades commentateurs du blog de Philippe Bilger dont presque tous ont déjà été cités ici.

@Lodi | 13 mars 2024 à 07:30 et @Lucile | 12 mars 2024 à 19:43

 Merci à l'un de me trouver inspirant (c'est réciproque et j'ai publié un de vos derniers commentaires en vous citant sur ma page Facebook en contrepoint de mon ire contre la constitutionnalisation de l'avortement!) et à non point l'autre, mais  à la Dame (et la dame des pensées de Tipaza) d'être d'accord avec moi sur le côté "conceptuel" de ma définition pour une fois très économe de mots de la philosophie,  mais non sur le côté "roman", ou alors "roman historique". 

Je vais néanmoins essayer de défendre mon point de vue, non sans avoir remercié Ugo des définitions de la philosophie par les philosophes qu'il a colligées pour fonder ce débat. 

Là où il me semble qu'il y a roman conceptuel dans la philosophie, c'est que le concept se trouve dans le déroulé de l'écriture qui cherche et recueille quelque chose à l'appui d'une démonstration qui essaie de se faire jour. Tout à coup apparaît le concept dans le déroulé prospectif, qui s'enroule dans le système et trouve sa place dans l'analyse.

Car le roman est historique comme le concept a une prétention scientifique. Le roman comprend l'analyse comme il  présente un résumé du dialogue qui s'épanouira au théâtre. L'analyse se déguise en méthode scientifique (et Descartes sera très bon dans cette prétention à déduire toute la vérité de son premier doute méthodique), comme le dialogue théâtral ancrera l'épopée, la théogonie et la cosmogonie dans la persuasion des peuples. Tout dialogue a d'abord une visée rhétorique.

Dans l'épopée, les peuples inscriront leur histoire dans la légende.  La cosmogonie développera la fiction théogonique. Celle-ci est plus intéressante du point de vue romanesque: la théogonie transpose dans la métaphysique la manière dont le romancier crée ses personnages au plan poétique ou littéraire. (J'aime à dire que l'islam met des noms de personnage sur le dieu des philosophes, contrairement au christianisme qui a trop développé l'analyse en la tordant pour rester strictement conceptuel, au sens où Robert Marchenoir voudrait voir une philosophie dans le christianisme.) Le personnage théogonique est un "délire de référence" calqué sur des questions existentielles. 

La théogonie démontre encore que nos dieux sont plus dépendants de leur liturgie que la liturgie n'est dépendante d'eux, en tant que la liturgie est le théâtre de Dieu, ce qui peut paraître un lieu commun.

Mais la théogonie pousse le  concept tel qu'il se déroule dans le roman qui le fait apparaître dans sa tendance la plus allégorique. Omettons le nom des dieux en termes de personnages et  remplaçons-les par des concepts tels que "la Raison" par exemple. La Raison est un concept accrocheur par lequel on se raccroche à un monde commun qui ne fait qu'exprimer qu'on a besoin d'un "on" qui donne raison aux idées les plus communes et les plus majoritaires, grâce auxquelles on pourrait neutraliser le plus petit commun dénominateur (qui en mathématiques est le plus grand) dans notre compréhension du monde. 

La raison est le concept des concepts, mais  elle est une allégorie comme la Passion, les Idées , la Politique ou n'importe quel autre topos contemplatif. Aucun d'entre eux n'existe en dehors du langage. tous en sont dépendants. Tous s'enroulent dans le roman du verbe, et pourtant les concepts ne sont que des mots recueillis dans la poésie de l'écriture qui est un tamisage où le langage ne définit pas, mais découvre et associe pour la symbolique d'une époque donnée. 

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