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samedi 10 septembre 2022

La France en deuil d'une reine

    1. Elisabeth II a accompli "un destin qui a sublimé la royauté et parfois même suscité, dans d'autres pays, l'envie de changer de régime..." (Philippe Bilger))

Et pourquoi pas dans le nôtre? Je suis rien moins que monarchiste, mais notre fascination pour la monarchie britannique fait que rappeler les princes de la maison de France ne semble pas même nous effleurer. Nous suffit-il qu'Élisabeth II ait été notre reine par procuration, au point de nous faire oublier la notion de perfide albion ou pire encore d'ennemi héréditaire? Élisabeth II nous aurait-elle fait oublier Jeanne d'Arc, parce que ses attitudes "l'avait constituée comme un membre de notre famille, de cette communauté universelle qui sait, sans s'égarer jamais, pleurer ceux qui méritent authentiquement de l'être"? (PB) d'où vient que nous ne savons pas juger les gens de leur vivant, mais que l'opinion ne se trompe jamais sur les morts? 


    2. Élisabeth II était à la fois fidèle au Commonwealth et à l'Union européenne, dont elle avait discrètement arboré le drapeau pour dire son opposition implicite au Brexit. Pourquoi le Commonwealth est-il resté le grand oublié de tous ceux qui s'opposaient farouchement au Brexit? Les citoyens britanniques peuvent-ils être simultanément attachés à ce qui reste de leur empire et faire allégeance à ce qui devrait être leur destin commun du fait d'une proximité géographique et parce que le marché commun avait fait de l'Union européenne son partenaire commercial le plus proche? Le commerce n'a-t-il pas partie liée avec cette zone d'influence que l'Empire britannique, tel un nouvel Empire romain, garde encore de nos jours sur "la moitié du monde connu", dans une union dont le souverain britannique n'est pas le souverain universel, mais ce n'est pas nécessaire à son influence...? Pourquoi la France a perdu le souffle de croire en la francophonie, comme on oublie que le Royaume-Uni croit au Commonwealth? La francophonie n'est-elle pas la sphère d'influence naturelle de notre pays comme le suppose François Asselineau avec un souffle convaincant? Que nous y croyions si peu a fait porter à la tête de la francophonie une ancienne ministre rwandaise cependant que le Rwanda quittait la francophonie pour rejoindre le Commonwealth, et cet événement ne nous fait pas réfléchir? La Grande-Bretagne, dont on a dit qu'elle avait colonisé sans se faire aimer et que l'opinion publique européenne voyait isolé après le Brexit, continue de maintenir avec ses anciennes colonies un lien vivant, pendant que nous nous berçons de l'illusion lyrique et gaullienne qu'il y avait un pacte entre la grandeur de la France et la liberté du monde... Nous avons cru que le Brexit faisait de la Grande-Bretagne un pays fini tandis qu'il lui donne des perspectives et que c'est la bureaucratie européenne qui fait mourir l'idée européenne de sa belle mort au moment où elle croit malin d'acheter un seul type de vaccins génétiquement invasifs pour lutter contre la Covid ou d'adopter des sanctions contre la Russie au risque d'une escalade mondiale à l'occasion de la guerre en Ukraine. 


    3. Beaucoup ont dit que la reine Élisabeth était impénétrable. On la dit également de François Hollande ou d'Emmanuel Macron. Mais il n'y a pas la même qualité dans la manière dont ces personnages sont impénétrables: nos deux derniers présidents le sont en cultivant un mystère où il n'y a rien à percer; Élisabeth II l'était dans une transparence que montrait sa voix cristalline, qui n'a guère changé au fil des ans, sauf lorsque les ravages de l'âge avaient inévitablement modifié sa voix, mais non pas la clarté de son âme.



    4. Celui que nous devons désormais nous habituer à appeler Charles III nous adressé dans son "Discours du roi" un portrait de sa mère dont il nous disait qu'elle adorait les traditions, mais savait épouser les évolutions qu'avait introduite la transformation des moeurs, avec laquelle fut obligée de composer la monarchie anglaise. Tel est le conservatisme de la reine, devant arbitrer entre des coutumes qu'elle voulait continuer de suivre à la lettre, et une évolution qui la laissait parfois pantoise et devant laquelle elle ne savait comment réagir. Martin Buber dit que "l'homme a soif de continuité". Combien c'est vrai ! Mais le conservatisme n'est pas à l'abri des surprises et quand on est pris de cours, on fait des erreurs. Nécessairement la reine s'est trompée en ne voulant pas faire passer ses émotions à force de pudeur! 


Élisabeth II a su rester fidèle au serment qu'elle avait fait à l'âge de vingt et un ans de servir ses sujets et d'accomplir ses devoirs. Elle bénissait ceux qui sauraient le comprendre et essayer de suivre sa trace. Puissions-nous être de ceux-là! 

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