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vendredi 11 mai 2018

L'athéorie


En lisant la fiche Wikipédia du dictionnaire des idées reçues, j’apprends que l’auteur « utilise souvent al’infinitif à valeur d’impératif impersonnel. » Et cela me fait ressouvenir de mon adolescence où je me méfiais de la grammaire qu’on m’enseignait, et où je confondais la littérature avec la dualité des synonymes, entre lesquels je jugeais qu’il ne pouvait y en avoir qu’un de bon, l’autre étant forcément mauvais. En guise de choix du mot juste, l’exclusivité (entre autres) accordée à « manière » contre « façon », fit écrire à Nathalie G. sur le Versabraille, dans un chapitre qu’elle me consacra sous le titre « Weinspomme » : » De toute façon, le mot façon est une façon de dire manière ». Mon choix de « manière » contre façon prouvait que j’étais déjà contre la contrefaçon des génériques. À cette époque, je refusais de croire la grammaire, du moment qu’elle avalisait le style télégraphique et les phrases sans verbe, le recours au mot « ça », aux tirets et à l’infinitif détourné de sa fonction complétive ou de sujet d’une proposition qui portait son nom. En lisant cet après-midi que l’infinitif remplissait un vide de l’impératif, celui de l’impersonnel, outre le défaut de la première personne du singulier et des troisièmes personnes du singulier et du pluriel (car l’infinitif est un mode défectif), je mesurai le temps perdu.

 

Ne croyant pas à la grammaire en haine  de l’amputation du verbe conjugué, garant d’une structure de phrase où il serait actif à la place du sujet, j’ai, durant toutes mes études de lettres et encore aujourd’hui, nourri une grande suspicion contre la théorie littéraire, dont l’importance qu’elle a prise dans les études de lettres comme réflexion masturbatoire prenant la littérature pour objet transitionnel de sa propre recherche, au lieu de fouiller la mémoire ou l’esprit, s’introspectant de Gérard Genette à Maurice Blanchot, ne s’explique pas plus à l’Université qu’il n’est légitime, au lycée,  qu’on dégoûte des élèves de lire, en les obligeant à écrire des essais littéraires, et donc à faire de la critique littéraire avant d’avoir rien lu, par pur bachotage.

 

Quelle ne fut pas ma surprise, reprenant mes études à Lille et m’étant promis d’avoir moins d’œillères, de découvrir que les structuralistes étaient aristotéliciens avant que d’être marxistes. Ils inscrivaient le temps dans l‘espace du langage, c’était leur manière de le matérialiser et de le couper de l’éternité pour le perdre de mots.

 

Drôle d’érotique que celle des lettres, qui reculent les limites de la pudeur jusqu’à l’exhibition sans attentat, tout en rendant sa critique métaipsiste, abstraite et onaniste au moment même où s’effectue cet effeuillage et ce passage du stade anal au stade génital le plus cru, sur une ligne qui va de Pantagruel à histoire d’O, en pleine libération sexuelle. 

 

Mais pour moi qui ne voulais pas croire à la théorie pour faire des phrases simples ou complexes, mais jamais elliptiques, que de temps perdu ! De même que je ne m’inscrivais pas dans l‘histoire, car je refusais cette dimension cathoo-laïcisée de la culture, qui avait transformé le culte des saints en dialogue avec les grands morts. Si on faisait s’effondrer les phrases, je  ne voulais plus rien savoir, et la littérature ne devait pas me raconter d’histoires.

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