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vendredi 17 octobre 2025

Ëtre catholique avec ses petites hérésies personnelles


J'ouïs dire par #RenéPoujol que #DenisMoreau a tout récemment commis un livre sur la manière dont nous sommes tous hérétiques et dont nous héritons des hérésies anciennes que nous recyclons en les remettant à notre sauce. Faisant partie des publics "empêchés de lire" comme on dit pudiquement, je ne suis pas sûr d'avoir le temps ni l'occasion de lire ce livre ou de le faire transcrire, mais je m'en réjouirais beaucoup, car plus j'avance, plus je me dis qu'il est plus vivant d'assumer une part d'hérésie que de se croire orthodoxe, non par simple provocation -encore que le plaisir de provoquer ne manque pas de sel et soit vocationnel au sens fort où il appelle à savoir ce qu'on choisit-, mais d'abord parce que l'hérésie, au sens étymologique, est "le choix" même si c'est un choix qui élit une vérité en oubliant la vérité contraire comme le disait Blaise Pascal cité par #GuillaumedeTanouarn. "Laisse-moi vivre mes petites hérésies", me disait mon amie #CatherineMagondelaGiclay au temps où nous nourrissions avec profit une relation réelle et virtuelle, fût-elle téléphonique, moins épisodique que ce qu'elle est devenue, mon blog s'en est souvent fait l'écho. Catherine était marcionite et pas moi, elle n'était pas loin de faire de la Vierge Marie le quatrième personnage de la Trinité et l'appelait "Notre-Dame de l'Esprit". Qu'elle ait ainsi ouvert pour moi le voile de la Trinité sur cettte part de mystère m'a permis de mieux me ranger sous la bannière de Marie.

Relationnellement, on ne croit pas en toute rigueur doctrinale, mais on croit avec ce qu'on a envie de croire en fonction de ce qu'on est et cela n'est pas rien, même si des esprits chagrins voudraient que notre petite personne ne comptât pour rien auprès de la doctrine: "Je suis celui qui suis et tues es celle qui n'est pas" est une drôle de façon d'aimer prodiguée par Dieu à sainte Catherine de Sienne, mais ma relation à Dieu est vivante et comme telle, s'expose à l'hérésie. Elle est vivante, car elle ne se fait pas de l'Etre à quelqu'un à qui il manque une case ontologique. Elle est vivante et relève d'une élection, d'un choix, d'une vérité et d'une intégrité personnelles.

René m'a renvoyé à ce billet de blog où il faisait la recension du précédent livre connu de Denis et pour l'instant, je ne puis faire mieux que faire écho à ce qui, dans cette recension, résonne en moi.

D'abord ce sous-titre m'interpelle: "Jésus comme ressuscitant plus que comme ressuscité". Car je me dis souvent que si Jésus est Dieu, Sa Résurrection même humaine, quand bien même serait-elle un miracle -et qu'est-ce qui est miraculeux pour Dieu?-, Le concernerait davantage Lui qu'elle n'aurait un impact direct sur moi. Tandis que s'Il est "ressuscitant", Il ne m'invite pas seulement à "memparer de la force de Sa Résurrection", Il m'entraîne dans l'acte même qui Le fait ressusciter d'entre les morts, Qui le fait se relever et ce relèvement de Jésus me donne l'espoir de renaître, oui, "de renaître d'en haut", mais non pour l'au-delà, bien plutôt comme Il le promet à Nicodème, de renaître avant que je ne m'envole vers le ciel, de renaître pour me permettre de remettre du ciel dans ma vie.

"Les chrétiens sont invités par Saint-Paul lui-même à se convaincre que «Les païens qui n’ont pas la Loi (de Moïse) pratiquent spontanément ce que dit la Loi» (Rm.2,14)". D'où saint Paul tire qu'ils sont "inexcusables" de ne pas reconnaître Dieu quand Il se présente à eux, mais dont j'ai vu un précédent le jour où un thérapeute transpersonnel et karmique, #PatrickAmsellem, m'a invité à lire la pièce de Sophocle, "Oedipe roi", où tout était déjà en germe de l'idée que l'on peut, à soi tout seul et contre son gré, faire basculer le monde entier, que les enfants étaient jadis "exposés" par leurs parents pour voir si la société les jugeait viables et non nocifs, que l'on doit s'exposer soi-même si l'on croit qu'on va faire tomber une cité et que, pour échapper à ce carnage, à cette cascade de pesanteur où l'on ne peut supporter ce monde que l'on risque de faire tomber, on doit s'en remettre à ce Dieu qui se propose de soutenir toute la Création qu'Il a Lui-même forgée pour qu'elle se maintienne par la force de Son pardon qui lui fait grâce et la grâce d'exister envers et contre la manière dont nous lui contrevenons en ne sachant pas la supporter.

Le païen es légaliste et le chrétien n'est affranchi de la loi qu'en vertu d'un écartèlement tout paulinien qui lui ferait presque détester la loi en renchérissant sur la morale parce que, faute d'avoir, comme Montesquieu qui a écrit "l'Esprit des lois", cherché "l'esprit de la loi", Saint Paul veut pratiquer la loi illuminé par l'Esprit-Saint qui serait bien plus que notre esprit et que la polysémie du mot "esprit" nous a fait confondre avec ce que devait devenir "la conscience européenne", ouvrant dangereusement la boîte de pandore à la fois sur un individualisme excédant le personnalisme et sur un subjectivisme exagérément coupable à force de ne se référer qu'à lui-même.

«Ce que je sais de Jésus, c’est l’Eglise qui me l’a donné», reconnaît Denis Moreau."
Cette phrase en dit long sur l'impasse évangélique qui en vient à bannir "l'esprit de religion" au profit d'un "développement (strictement) personnel" d'une relation subjective avec Dieu et singulièrement ce "Jésus" que je dois reconnaître "comme mon Seigneur et Sauveur" personnel, mais dont rien ne me garantit que la relation purement subjective, là encore, que j'entretiendrai avec Lui ne sera pas pur et simple basculement dans la schizophrénie. N'importe si "Jésus a annoncé le Royaume et c'est l'Église qui est venue" si l'Église est le marchepied du Royaume qui vient, d'autant que, pour qui croit en la résurrection de la chair, l'Église qui a les promesses de la vie éternelle ne nous est pas seulement une aide pour le présent, mais a vocation à être la chair de ce Royaume.

Jacques Lacan a été beaucoup plus qu'un catholique dégradé, c'était un catholique attaché, lié, comme tous les catholiques sont reliés grâce à l'"esprit de religion", un catholique qui avait beau déclarer des inepties comme "la femme n'existe pas", réduire "le nom du père" à la loi qu'il transmet (voilà que je rétrograde moi-même sur le rôle de la loi!, dégrader le Verbe créateur à la fonction d'un "langage" autonome, structurant et structuré à la manière d'une grammaire structurant un inconscient déshypnotisé, désenchanté et détransé, ou encore se cantonner, en psychanalyste, à une version revisitée du stoïcisme, il ne dépassait pas le catholicisme de ses origines à la manière dont Philippe Sollers disait que "l'Église est la fabrique à névroses, elle est là pour cela" et heureusement qu'elle est là!

Le marxisme pasolinien inscrit l'avenir de l'Église dans une lutte contre le consumérisme. Le marxisme a réduit l'inspire et l'expire de l'homme en un "consommer et produire" sans voir que produire s'inscrit dans le projet créateur de Dieu et ne fait pas qu'épuiser la planète, et que consommer n'est en-dessous de l'appel lancé à l'homme que si celui-ci se refuse à produire en retour, et notamment à créer de la valeur humaine, comme on ne cesse de voir les nouvelles générations, aux prises avec un monde qui les lâche sans rien leur avoir appris, s'escrimer à faire tenir ce monde, loin des belles leçons camusiennes incessamment resassées: "Notre génération n'est pas vouée à refaire le monde, mais à empêcher qu'il se défasse".

Le début de la citation pasolinienne était beaucoup plus prometteur, qui réinscrivait l'Église dans sa lutte séculaire avec le monde, montrant implicitement que la civilisation chrétienne fut une ruse de l'histoire consentie par la Providence pour que le christianisme ne s'impose pas au monde, mais soit connu de lui: «Si les fautes de l’Eglise ont été nombreuses et graves dans sa longue histoire de pouvoir, la plus grave de toutes serait d’accepter passivement d’être liquidée par un pouvoir qui se moque de l’Evangile. Dans une perspective radicale (…) ce que l’Eglise devrait faire (…) est donc bien clair : elle devrait passer à l’opposition (…) En reprenant une lutte qui, d’ailleurs, est dans sa tradition (la lutte de la papauté contre l’Empire), mais pas pour la conquête du pouvoir, l’Eglise pourrait être le guide, grandiose mais non autoritaire, de tous ceux qui refusent...", ici je coupe Pasolini et je puise dans mon propre fonds, "qui refusent le primat du politique". "Spirituel d'abord!", comme le disait encore mon ami Guillaume de Tanoüarn.
Même si moi aussi, "j'aime bien les catholiques de gauche", parce que, quand ils ne se replient pas sur leur droite, ils ne lésinent jamais sur la solidarité, aussi bien dans la conversion des structures que dans la charité au quotidien, je converge avec cette affirmation de Claude Tresmontant que j'ai découvert via Pierre Chaunu, un peu lu et dont la bonté de la personnalité m'a été confirmée par mon maître René Pommier qui était plutôt avare en compliments, mais aimait les iconoclastes: «La gauche chrétienne, en France, a les entrailles évangéliques, mais elle n’a pas la tête théologienne». Or c'était de ces entrailles théologiennes que notre époque avait le plus grand besoin devant ce que Michel Foucault aurait appelé le changement d'épistémè du monde et l'évidence darwinienne, pour prendre un exemple emblématique, substituée à "l'évidence chrétienne" (encore G2T). "Pour les catholiques de la vieille Europe le défi spirituel a relever devrait-il emprunter les chemins d’une douce régression fidéiste ?" Au risque d'être "aux antipodes" de l'auteur de ce livre que je n'ai pas lu, je pense que oui, mais "une douce régression fidéiste" innervée par une réflexion moins apologétique que de théologie fondamentale qui permette de redire les vérités de foi en les pensant à nouveaux frais et en ne refusant pas "la lutte avec l'ange", même si la raison doittoujours s'incliner à la fin, se déclarant boîteuse devant les questions de foi. Les croyants n'aiment pas "la lutte avec l'ange", faute de quoi ils se stérilisent -et le christianisme avec eux- dans une querelle entre les traditionalistes et les progressistes qui ont défroqué la gauche pour s'habiller de macronisme, de "gauche moderne" à la Jean-Marie Bockel ou de fillonisme. Ceux-ci ont la colonne vertébrale, mais n'ont plus que le mot de solidarité à la bouche, ils en ont perdu la pratique; ceux-là, les tradis et les néo-tradis à la sauce Saint-Martin qui ont le vent en poupe dans les diocèses (et je n'en suis pas fâché contrairement à tel de mes amis), , se gardent d'affirmer qu'ils ont gardé le rite, ils n'ont plus de scrupule à le transgresser et au fond ne le connaissent plus très bien. Mais ils parient sur le spectacle comme au Moyen-Age, on réunissait les fidèles autour des "mystères", ces pièces de théâtre où la foi était mise en scène. Les uns et les autres pèchent parce qu'ils ne se retroussent pas les manches pour chercher la brebis perdue, non à travers des stratégies pastorales, mais àtravers l'acte beaucoup plus exigent de l'accompagnement dans les lieux mêmes où elle s'égare et l'accompagnement est toujours sans obligation de résultat. L'accompagnement échappe à la logique, non pas consumériste, mais entreprenariale.

"Si le message évangélique n’est accessible qu’aux pauvres, pourquoi vouloir, au nom de l’Evangile, les tirer de leur pauvreté, au risque de la sécularisation et de la sortie de la religion ?" (René Poujol)

Il ne faut pas être dupe des affirmations pontificales selon lesquelles l'option préférentielle pour les pauvres nourrit un véritable désir de tirer les pauvres de la pauvreté. Dans sa première encyclique, "Dilexi te", le pape Léon XIV met sur le même plan une parole comme: "Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous" comme si le Christ n'invitait pas, dans le contexte de son agonie, à délaisser un peu les pauvres pour s'occuper de Lui, avec une parole comme: "Je serai avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde" ou avec Sa présence identificatoire dans les pauvres et les petits. C'est non seulement un contresens manifeste, mais un contresens manifestement volontaire. De même que les premières paroles qui ouvrent cette encyclique reprennent la bénédiction de l'Eglise de Philadelphi malgré son apparente impuissance et sa faiblesse, mais ce qui est en jeu est la fidélité de cette Église au combat contre les Nicolaïtes, donc à nouveau une valorisation de l'orthodoxie dans un contexte d'hérésie et de puissance hérésiarque. Non seulement l'Église n'a pas les moyens de faire sortir les pauvres de leur pauvreté, mais quand elle l'affirme, elle fait preuve d'hypocrisie, car selon un emploi moderne de ce substantif maintes fois détourné en philosophie, "ce n'est pas son sujet". 

jeudi 9 octobre 2025

Macron veut "prendre ses responsabilités", démissionner ou décréter l'article 16?

après son approbation.

Sébastien Lecornu était très attendu hier soir dans un numéro dont la première équivoque formelle était qu’on ne savait pas pourquoi c’était lui qui devait prendre la parole ni tenter d' »ultimes négociations », et on s’est aperçu que lui qui était nommé Premier ministre -pour quoi faire- avait fait gagner quarante-huit heures à Macron en acceptant la « mission flash » qui lui fut confiée par le président après sa démission qu’il avait acceptée, et était invité au « 20h » de « France 2 » à parler pour ne rien dire ou plutôt si! Pour lui faire gagner quarante-huit heures de plus en assurant que « le président de la République allait nommer un nouveau Premier ministre sous quarante-huit heures »,, mais quand on sait avec quelle lenteur il nomme un gouvernement après avoir nommé son Premier ministre -encore, nome-t-il son gouvernement en deux étapes, autre inédit sous la Vème République: une annonce pour les ministres et une autre pour les secrétaires d’État-… Le président qui après Sarkozy a confisqué la Lanterne, l’ex-résidence des Premiers ministres où les révolutionnaires de 89 voulaient pendre les aristocrates, le président est parti pour nous faire lanterner.

Lecornu a repris à son compte pour se congratuler le qualificatif de « moine-soldat » que son entourage lui décerne. Il en a fait un peu trop dans l’autosatisfaction -les fleurs ne coûtent pas cher en hiver et ce n’est pas Macron qui lui en offrira-, mais on retiendra sa loyauté envers un mentor qui aurait gagné du temps s’il lavait nommé plus tôt et s’il ne s’était pas laissé tordre le bras par François Bayrou, le Premier ministre qui lui a fait perdre du temps en se déclarant capé pour gravir l’Himalaya et en posant crampons et piolet à la première difficulté budgétaire. Sans doute notre nouveau Premier ministre démissionnaire serait-il arrivé au même résultat que le Béarnais, mais sans jeter l’éponge par une absurde « motion de confiance » qu’il ne pouvait pas remporter.

Lecornu a assuré le service avant-vente de la parole présidentielle: « Le spectre de la dissolution s’éloigne » et « un chemin s’ouvre » sans que jamais Léa Salamé lui demande lequel. De même , il n’a cessé de ponctuer son interview de: « J’ai démissionné » sans que Léa Salamé lui demande la raison de son coup de tête. Sous-entendu, « je quitte ce panier à crabes, même si je trouve Édouard Philippe et Gabriel attal mauvais joueurs d’affaiblir l’institution présidentielle qui les a traités comme des fusibles, quand bien même c’est celui qui préside mal qui affaiblit tout seul comme un grand la fonction présidentielle. »

Lundi dernier, Emmanuel Macron promettait de « prendre ses responsabilités ». On peut craindre le pire. Cependant, courageux, mais pas téméraire, le président s’accordait un premier sursit de deux jours en envoyant Sébastien Lecornu au charbon pour consulter la horde des chiens enragés, muselés par des dents désappointées, ayant perdu leur aiguisement d’avoir trop rayé le parquet.

Psychologiquement, Macron ferait un grand pas vers la reconnaissance de l’autre s’il acceptait de tester l’hypothèse que le NFP, l’insoumis en chef en tête, lui a soumise dès le soir du second tour des élections législatives: nommer Premier ministre un membre du bloc arrivé en tête de la tripartition aggravée par les élections issues de la dissolution et pour laquelle la Vème République na pas été pensée. S’il nommait un Premier ministre, Emmanuel Macron accepterait enfin qu’on ne peut pas cohabiter qu’avec soi-même et ce serait la fin d’un déni de réalité.

Marine Le Pen réclame à corps et à cris une nouvelle dissolution, la seconde en un quinquennat et même en un mandat présidentiel, ce qui serait sans précédent sous ce régime de stabilité. Dans son parti, on est béat d’admiration devant la cheftaine qui « sacrifierait son mandat » et ne pourrait pas en réclamer un autre puisqu’elle est inéligible. « C’est pour mieux réclamer Matignon, mon enfant », se lèche les babines la grande méchante louve qui s’entendait comme chien et chat avec les Dobermann de son père. Dissoudre aujourd’hui ne servirait à rien, sinon à reconfigurer la tripartition et la reconfigurer d’une manière qui interdirait encore plus de trouver un équilibre politique. Macron ne veut pas se résoudre à dissoudre et on ne peut que lui donner raison sur ce point. Ça n’aurait strictement aucune utilité. Mais l’autorité tutélaire du Rassemblement national qui veut rassembler les Français sous son nom est aussi capricieuse que l’héritier au sens bourdieusien qui nous sert de président de la République. Aussi capricieuse et plus irresponsable encore: rappelons-nous que c’est à son initiative et à celle de son parti qu’a eu lieu la première « dissolution sans raison »; comme elle a censuré sans raison le gouvernement de Michel Barnier qui lui faisait pourtant des mamours pour se maintenir au pouvoir; aujourd’hui elle promet de « tout censurer », quelle perspective!

Au concours Lépine de l’irresponsabilité, on s’abstiendra, c’est plus responsable, comme Marine Le Pen s’abstient de destituer Emmanuel Macron, de départager la fille Le Pen et le président Macron. Mais où l’on tremble, c’est que Macron promet de « prendre ses responsabilités ». Dissoudre serait irresponsable et il le sait. Irresponsable et sans clarification. Néanmoins ça le mettrait moins en échec que de démissionner. Démissionner serait la première des responsabilités que Macron pourrait prendre. On dit qu’il ne le fera pas parce que c’est un sale gosse qui, s’il claquait la porte, le ferait en estimant que les Français ne le méritent pas. Je crois plutôt qu’il ne le fera pas parce que démissionner le mettrait en constat d’échec et que la faille narcissique qui le fait « se caresser dans les miroirs » de l’Élysée ne lui permettrait pas de le supporter. À l’autre extrême, il ne lui reste qu’une forme de responsabilité dont je ne souhaite pas qu’il la prenne, mais elle lui reste objectivement: c’est celle de décréter l’article 16 qui lui permettrait, peut-être bien, de se passer de Premier ministre pour se donner « les pleins pouvoirs », certes pour une durée limitée et en étant bordé par le Parlement. « Mais au moins, pourrait-il se dire, puisque mes compatriotes m’accusent d’avoir bridé leurs libertés au cours de mes deux mandats, au moins ils sauraient pourquoi. » 

jeudi 2 octobre 2025

Dieu ignorant le mal laisse l'homme au conseil de la faute

À lire Kierkegaard, on voit que le mal est le grand impensé du christianisme et cela paraît d’autant plus paradoxal que la faute, au contraire, est son omnipensé, sa pensée omniprésente.

Pourquoi seulement le mal ? Le bien lui aussi est impensable : « Le bien ne se laisse nullement définir », écrit le philosophe ironiste et grand mélancolique danois. Mais le bien est impensable dans un cadre de pensée où poser a priori « la différence du bien et du mal » relève du péché originel puisque c’est en vertu de cette promesse vicieuse qu’Ève consomme le fruit défendu.

Le bien est impensable, mais il est valorisé : « Il est la liberté. Ce n’est que pour elle et en elle qu’existe la différence du bien et du mal. »

Kierkegaard a soin de distinguer la liberté du libre arbitre : le libre arbitre peut errer quand la liberté n’existe qu’en vue du bien. Le libre arbitre croit tout contrôler quand la liberté ne contrôle pas l’ordre du monde ni celui des actions humaines. Et le libre arbitre qui s’en est remis à ses propres forces ne peut se dédouaner ni sur « Dieu qui ne tente personne » (saint Jacques), ni sur le diable qui l’a appâté, d’avoir cédé à la tentation : « La faute est intransférable et qui succombe à la tentation est soi-même coupable de la tentation. »

Le bien n’est pas surévalué, mais survalorisé, existant seul en soi, et encore pour la liberté à qui l’angoisse révèle dans la faute son « apparition à elle-même dans le possible », la liberté terrorisée ne pouvant certes plus faire que la faute n’ait pas été commise, mais se changeant en repentir pour regretter le mal dans son horreur du mal.

Prolongeant dans son romantisme héroïque la tradition scolastique qui veut que le mal ne soit qu’un manque-à-être ce qui revient à refuser de le penser, Kierkegaard affirme que « Dieu ignore le mal. Il ne peut ni ne veut rien en savoir et c’est la punition du mal que Dieu ait la propriété d’ignorer le mal. Puisque Dieu est l’infini, son ignorement est un phénomène vivant de destruction, le mal ne pouvant pas se passer de Dieu, pas même pour simplement exister comme mal. »

Dieu détruit donc le mal à l’infini en laissant l’homme fini au conseil de la faute, qui est la dégradation quasiment biodégradable du mal intrinsèquement détruit par Dieu en cela même qu’il n’a jamais existé, au contraire de la faute, dont l’existence a eu sur l’homme des conséquences incalculables et qu’il ne peut pas référer au mal puisque l’ignorement de Dieu ne le lui permet pas. Le transfert de responsabilité par où se présente la rédemption à l’homme, le rend tragiquement accessible à la conscience du péché qu’ignorait le paganisme, impuissant devant le péché qu’il devait pourtant être en mesure de ne pas commettre et responsable de l’avoir commis sans le matelas éthique qui aurait dû l’informer de l’existence du mal et de ce en quoi il consiste. Le transfert de responsabilité qu’est la rédemption se lave les mains de l’existence du mal et cela met l’home en porte-à-faux, affronté à la seule conséquence du mal qu’est la faute qui le terrorise sans être prémuni de savoir ce que dit le mal qui n’est pas de l’être qu’il ne parvient pas à accomplir ni à réaliser. Dieu en ignorant le mal a peut-être bien tout accompli en privant l’homme de se réaliser. »Et finalement, de moins pire en banal, on finira par trouver ça normal. » (Jean-Jacques Goldmann)

  

Je voudrais être bipolaire

Ce titre est-il fou, quand Claude Dubois s'écriait avec moins d'aplomb, mais plus d'à propos: "Jaurais voulu être un artiste"?   


Mais sous cette simple accroche, je n'ambitionne que de commenter un bel article de Myriam Tchoudak: "Comment la psychiatrie m'a rendu folle".


Commentaires | Comment la psychiatrie m’a rendue folle | Comment la psychiatrie m’a rendue folle | Le Club de Mediapart


Je reproduis d'abord le commentaire de CHEVAPHIL pour abonder dans son sens et le compléter de mes propres réflexions:


"N'oublions pas que les Anglosaxons surnomment les psys de tout poil « headshrinkers » :" réducteurs de tête !

Cela dit, ne jetons pas le bébé psy avec l'eau du bain de la psychiatrie ; les expériences ne sont pas toutes négatives. De plus, l'annonce d'un diagnostic peut être volontairement provocatrice." 


Je souscris à ce commentaire qui me permet de m'abstenir d'une entrée en matière plus longue pour commenter ce très bon article de Myriam Tchoudak. D'abord une anecdote personnelle: j'ai eu moi-même pour analyste un ancien psychiatre reconverti dans la psychanalyse et dont le nom signifiait extincteur. Il avait été élève de Lacan et était fier de s'être fâché avec le maître, il avait tué le père et il l'imitait, par exemple il fumait en séance. Mais il trouvait ridicule qu'un de ses confrères ait produit ce jeu de mots facile à partir de son nom: "Vous éteignez vos malades." Pourtant, c'était ce qu'il faisait. Il s'endormait en séance et il était éteint, ce qui ne l'empêchait pas d'être parfois pertinent. Un diagnostic peut avoir une visée provocatrice. Mais on peut aussi provoquer la médecine pour qu'elle nous donne un diagnostic en réponse à notre mal-être. On peut vouloir qu'on nous colle une étiquette pour comprendre ce qu'on a ou ce qui nous arrive. Pour ma part, j'aurais bien aimé qu'on me colle l'étiquette de bipolaire ou de dyspraxique. Bipolaire correspond assez bien à mon caractère cyclothymique, à mes "je t'aime, moi non plus" et à mes hausses et mes baisses d'énergie qui ne sont canalisables que par le repos qui me rend souvent non opérationnel, en dehors des efforts que je dois faire pour honorer mes obligations artistiques d'organiste liturgique. Bipolaire, un mot qui désignait autrefois le fait d'être magnaco-dépressif.Le problème est de savoir ce qu'on fait d'une étiquette qu'on nous a collée, parfois à notre demande, quand elle ne nous convient pas, ou si l'on se réduit à l'étiquette qu'on nous a collée. Un autre problème est qu'un diagnostic ne doit pas être une condamnation à vie. "Mon gars, ma fille, tu es schizophrène ou bipolaire pour toujours." C'est une forme de perpétuité incompressible, avec toutes les camisoles chimiques qu'induisent éventuellement ce verdict et cette perpétuité. Se pose alors l'éternelle question de l'évaluation des bénéfices-risques qu'apporte l'étiquette à notre bonheur ou à notre bien-être. Nicolas Demorand a l'air de se résoudre à ce que, diagnostiqué bipolaire, il ne soit jamais heureux. Je ne m'y résoudrais pas, mais je respecte chez lui ce que je vivrais moi comme une résignation.Et puis dernière remarque, la psychiatrie comme discipline médicale donne souvent une réponse chimique à un mal-être existentiel. La psychanalyse va en chercher l'origine dans le passé, mais aussi dans la faculté créative d'opérer une synthèse seconde à partir de ses traumas, précisément grâce à la technique d'association d'idées qui relève de l'écriture, et pas seulement de l'écriture automatique, raison pour laquelle la psychanalyse a été tant prisée par les surréalistes. Il faut sans doute y joindre un peu de chamanisme ou de spiritualité pour que la synthèse soit complète. Mais se soigner ou vouloir aller mieux n'est jamais indolore. Se bercer de cette illusion, ce serait vouloir avoir le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crémière ou moins trivialement les bénéfices conjugués de la lucidité et de l'anesthésie. J'écris cela en précisant que, pour ma part, je préfère le connu de mon mal-être à l'inconnu lancinant de la douleur que pourrait me procurer un consentement plus sérieux et une plus grande assiduité dans le soin que je demande à ce qu'on me prodigue tout en le fuyant comme une anguille quand il me fait trop sortir de ma zone de confort. 

lundi 29 septembre 2025

L'homme naît-il coupable devant Dieu?

            Dialogue avec Marquandier sur "le Forum catholique". Les lignes qui suivent sont une réponse à son message que l'on peut trouver ici: 


Le Forum Catholique


"C'est un mystère. Que vous le reconnaissiez me pousse à m'abstenir du tittre que je voulais donner à ma réponse avant de lire votre message. Je voulais vous répondre que vous imaginiez Dieu comme un tortionnaire. Et que ce soit enbonne et saine doctrine catholique, je l'ai concédé par avance en l'accordant au pasteur qui l'a professé, reconnaissant que c'était de l'augustinisme à l'état pur, et je ne suis pas de ceux qui accusent saint Augustin d'avoir inventé la doctrine du péché originel, car celle-ci se trouve déjà dans saint Paul. Mais je vous dirais pour commencer que saint Paul, saint Augustin et Martin Luther étaient des hommes terriblement écartelés, on ne peut pas projeter cet écartèlement d'une conscience torturée en Dieu, or Dieu serait écartelé s'Il acceptait de créer des êtres naissant coupables devant Lui pour les plonger dans une tourmente inextricable


Mais raisonnons malgré tout et même si le Concile de Trente traite d'anathème le raisonneur, où l'on voit que Vatican II a eu raison de choisir de s'exprimer d'une autre manière! Car après tout la raison a été donnée à l'homme pour qu'il s'en serve, n'est-ce pas?


Et si le péché originel, non pas avait été créé par l'homme pour comprendre les saintes Écritures, mais lui avait présenté cet avantage de se soustraire à  exprimer, sinon une condamnation de l'oeuvre de Dieu (qui est l'homme pour juger Dieu?),  mais au pire à conclure que l'homme est naturellement mauvais et au mieux à qualifier la nature humaine de bonne ou de mauvaise. Autrement dit, ce qui s'est joué après la manducation du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal a été, pour Dieu (c'est mon hypothèse) de L'obliger à catégoriser sa Création (Lui qui est bon ne la voyait que bonne), et pour l'homme de s'abstenir de la disqualifier. Il voulait discerner et son orgueil mortifié a dû s'abstenir de juger.



Vous citez le psaume 50 avec la traduction: "Ma mère m'a conçu dans le péché" alors que sa traduction la plus courante est: "J'étais pécheur dès le sein de ma mère". Cela me rappelle une prédication d'un pasteur évangélique du seul culte de la mega church de Mulhouse à laquelle j'aie assisté, mais qui ma marqué. Ce pasteur est celui qui a structuré cette Eglise par où s'est étendu le Covid alors qu'il prétendait que Jésus guérissait dans son église, Samuel Peterschmitt. Il supposait que, si Jessé n'avait pas convoqué David à comparaître devant Samuel pour être éventuellement choisi comme roi d'Israël,  c'est qu'il avait des soupçons que David était un fils naturel, ce que David aurait avoué dans son psaume par cette phrase: "J'étais pécheur dès le sein de ma mère" ou "ma mère m'a conçu dans le péché." De quoi contrebattre un peu trop facilement et pour je ne sais quel bénéfice le dogme du péché originel qui a des racines aussi bien spirituelles qu'anthropologiques autrement profondes. 



Vous comparez l'amour de Jésus pour Lazare à celui que nous pouvons avoir pour des "morts spirituels" non encore baptisés, c'était le contexte de la parole du pasteur luthérien que j'ai cité. À cette différence près que ce pasteur parlait des non baptisés. La mort de Lazare a tellement ému Jésus parce qu'Il l'a aimé vivant et que sa mort L'a affligé.



Maintenant (et parce que j'aime prendre des risques intellectuels), je vous dirais que vous rappelez que Jésus et Marie sont nés préservés du péché originel alors que saint Jean-Baptiste n'a pas bénéficié de cette grâce, ce qui peut expliquer qu'il ait erré sur la fin de sa vie en doutant de l'identité de l'Agneau de Dieu qu'il avait pourtant désigné au point de s'attirer ce résumé de son destin par Jésus: "Il n'y a pas plus grand que Jean-Baptiste et pourtant le plus petit dans le Royaume de Dieu est plus grand que lui", oracle tout différent que le pardon accordé immédiatement au bon larron qui reconnut Son Identité, où l'on pourrait voir un soupçon d'orgueil humain, mais passons outre et ne blasphémons pas. 


À  ses disciples venus lui faire part des doutes de leur maître incarcéré, Jésus fait une réponse qui n'est aujourd'hui plus satisfaisante ni probante: "Les aveugles voient, les boiteux marchent." Si l'on devait demander aujourd'hui des preuves de notre rédemption, on ne pourrait guère alléguer celles-ci et comme vous n'êtes pas sans le savoir, c'est un aveugle qui vous écrit, à qui la cécité n'a jamais provoqué de manque connu de lui. Je suis aveugle de naissance, je n'ai jamais rien vu et ne pas voir ne m'a jamais manqué, au moins consciemment.


Maintenant autre chose. Lorsque l'Église dit que Jésus n'a jamais péché, si on s'avisait de prouver si on est d'accord avec cela compte tenu de son comportement dans l'Évangile, on aurait du mal à justifier certains de ses accès de colère et de dureté, y compris envers sa mère. Ma grand-mère me disait qu'il "rabrouait" volontiers ses disciples, je me souviens de ce verbe, c'est certainement la première fois que je l'ai entendu employer.


Et troisième paradoxe. Quand l'Église dit que "Dieu s'est fait homme à l'exception du péché", cela met un tel bémol à l'Incarnation que tout se passe comme si (j'ai horreur de cette périphrase qui prétend décrire le réel en faisant comme s'il était inatteignable)Jésus s'était fait homme à l'exception d'une bonne moitié de la nature humaine. Mais comme me répondit quelqu'un à qui je le faisais observer, "nous ne sommes pas à un oxymore près". La clef de ce mystère est peut-être que Jésus a choisi de s'incarner dans la nature humaine telle que Dieu son Père la projetait et non dans la nature humaine déchue et métamorphosée par le péché d'Adam."

samedi 27 septembre 2025

La condamnation de Nicolas Sarkozy ou la revanche des petits pois

Les magistrats sont masochistes ! - Justice au Singulier


Cher Philippe Bilger,

On nous a vendu une République qui serait irréprochable si la justice y était indépendante. Les décideurs politiques ont tendu à rendre la justice indépendante et ses décisions sont contestées, rendues par des magistrats qui seraient politisés et parfois même syndiqués, mais qui perdraient toute partialité en pénétrant dans un prétoire.
Dans l'affaire qui nous occupe,  je serais le dernier à nier que Nicolas Sarkozy  a un tropisme libyen des plus curieux qui, même si l'on oubliait ce financement présumé, serait plus que soupçonnable, un tropisme qui l'a fait envoyer une femme dont il était en train de divorcer sous la tente d'un violeur notoire et sous la protection de Claude Guéant (pardonnez le zeugma) pour négocier la libération des infirmières bulgares comme premier trophée de son élection, puis inviter ce dictateur à dresser sa tente sur les Champs-Élysées pour le réhabiliter à l'international avant de le liquider à l'appel de BHL qui connaissait des opposants à son "Petit livre vert", citoyens d'un pays  qui avaient droit à la démocratie, estimait le philosophe insomniaque. 
Mais la justice condamne un ancien président de la République pour "association de malfaiteurs" en l'absence de ce qu'Aristote appelait des "éléments de preuve" et qu'on pourrait tout simplement appeler des éléments matériels, avec une intention présumée  d'"intelligence" dealeuse "avec l'ennemi", aggravée de ce que l'ennemi serait un terroriste que les malfaiteurs associés ont voulu soudoyer pour qu'il les abonde en échange dune gratification réputationnelle qui a abouti à sa liquidation physique, alors que le tribunal n'a pu retenir les allégations d'enrichissement personnel ni même de corruption matérialisée, puisque la justice n'a pu retrouver l'argent que le pourvoyeur liquidé de liquidités a pu ou a dû donner auxdits malfaiteurs associés. L'élément matériel a disparu, mais les malfaiteurs doivent payer leur association indéniable par une peine d'amende allant jusqu'à leur retenue par corps. Et tant pis si cette dernière crée un précédent sur l'immunité présidentielle. Cette prétendue immunité est purement symbolique, mais la fonction est affaiblie et une autorité chargée d'appliquer la loi affaiblit sans vergogne une fonction politique. C'est la vengeance des "petits pois".
Petits pois d'autant plus suspects d'être susceptibles et vindicatifs qu'ils ne sont pas sans collusion avec la classe politique puisqu'ils y entrent et qu'ils en sortent, dévêtant l'hermine pour nouer l'écharpe selon qu'ils préfèrent juger au nom du peuple ou reprendre leur liberté de citoyen. Pour que l'indépendance de la justice devienne acceptable, il faudrait que les magistrats, qui déclinent toute responsabilité quant aux conséquences de leur jugement, acceptent cette ascèse monastique et soldatesque, en entrant dans la magistrature, de prêter serment qu'ils ne brigueront aucune fonction politique. Sans cela, l'indépendance de la justice n'est pas bordée et rien ne préserve de ses abus d'autorité. 

Vous nous vendez ici une justice pour l'exemple. La République serait irréprochable si les politiques palliaient la partialité judiciaire en n'étant ni ripous ni voyous, car ils se doivent d'être exemplaires et méritent donc d'être jugés pour l'exemple, je résume à peu près votre raisonnement. C'est à la fois le moins qu'on puisse exiger d'eux et beaucoup leur demander. C'est le moins qu'on puisse exiger d'eux, car même si l'on n'est pas robespierriste, tous les prétendants à la fonction politique, depuis saint Louis jusqu'aux lieutenants de la République vertueuse, ont prétendu exercer la fonction suprême au nom de la vertu et protégés par leurs vertus personnelles. C'est le moins qu'on puisse exiger d'eux, car autrefois, même les voyous avaient un code d'honneur, un code d'honneur qu'ils ont perdu. Tout est perdu, même le code d'honneur des voyous et des politiques. Et c'est beaucoup leur demander, car plus on a la main près de la caisse, plus l'argent nous brûle, nous-mêmes et tous nos obligés, nous-mêmes et les clients qui nous demandent rétribution pour services rendus. C'est beaucoup leur demander, comme c'est trop demander au citoyen au nom duquel jugent les magistrats de ne pas commenter une décision de justice, comme c'est trop demander à ceux qui portent toge, qu'ils soient magistrats ou professeurs, de rester neutres. La neutralité des docteurs qui enseignent du haut de leur chaire ou des censeurs qui jugent drapés derrière l'habit censé les transformer est impossible à obtenir de ces organes honorés par leurs fonctions, qui leur donnent une haute idée d'eux-mêmes en dépit qu'ils en aient, mais l'honneur des magistrats devrait les faire renoncer à tout mandat politique en entrant dans la magistrature.  Le danger de la collusion écarté excuserait leur partialité résiduelle. 

vendredi 12 septembre 2025

Philippe de Villiers et l'assassinat de Charlie Kirk

Après l’assassinat de Charlie Kirk, Philippe de Villiers résume ainsi son message : « Si vous délaissez le legs de vos souvenirs, vous allez fabriquer des zombies. Si vous délaissez votre art de vivre, vous allez fabriquer des goujats. Et si vous délaissez votre langue, vous allez fabriquer des barbares. » Ce serait le legs intellectuel de son combat contre le wokisme.

 

Enfant, j’avais anticipé le wokisme et je trouvais ça très bien ou au moins très compréhensible. J’avais anticipé un esclave que mon imagination avait appelé Garmand d’Alain, ancien esclave qui avait imaginé de réduire en esclavage ceux qui s’étaient autorisés à inférioriser leurs semblables.

 

Sarah Knaffo a comparé le refus de la minute de silence opposé par la gauche au Parlement européen en hommage à Charlie Kirk à ce qui s’était passé pour George Floyd : tout le monde s’était le vé pour George Floyd et avait même accepté de mettre un genou à terre, Christophe Castaner, le ministre de l’Intérieur de l’époque, compris. La gauche a refusé de se lever pour Charlie Kirk.

 

« Elon Musk a dit un mot que d’aucuns trouveront excessif : « La gauche, c’est le parti du meurtre. » La gauche est faustienne : « Je suis l’esprit qui toujours nie. » « La gauche, c’est le camp du bien », ajoute Villiers. Je n’aime pas cette formule, car on ne peut pas à la fois être « le camp du bien » et « l’esprit qui toujours nie. » La gauche fixe son adversaire : les staliniens inventent le mot « facho » et quand elle élimine un adversaire, c’est une mesure de prophylaxie morale. Carrieravait ce mot : « C’est par principe d’humanité que je purge la terre de la liberté de ses monstres. » Après l’assassinat de Charlie Kirk, la gauche jubile. Elle danse surson cadavre.

 

« Charlie avait une singularité que personne n’a relevée : il croyait à la paix, c’était un homme de dialogue. « Prouvez-moi que j’ai tort » était son slogan. Parce qu’il croyait au dialogue, il a été exécuté. » C’était surtout un métapoliticien qui a créé Candace Owens et pas mal d’autres influenceurs de la sphère MAGA, qui sont à l’intelligence ce que je suis à la cuisine ou à la plomberie.C’était un homme de dialogue qui n’avait ni les codes ni les arguments des universités dans lesquelles il s’invitait avec son approximation et son manque de rigueur, universités qu’il voulait convertir au trumpisme. Or Trump asphyxie les universités, leur coupe les vivre et aimerait bien les fermer.  Trump pousse un pas plus loin la politique de Jean-Michel Blanquer, ce ministre de l’Éducation, certes ancien recteur d’académie, mais surtout ancien directeur d’une école de commerce.

 

Charlie Kirk était un homme de dialogue approximatif et qui posait violemment ses affirmations. Sur ces deux points, je me reconnais en lui. Le dialogue a ses limites, je l’ai appris à mes dépens, car l’homme de dialogue se heurte le plus souvent à des interlocuteurs qui entrent en dialogue avec lui pour le convaincre, non pour le déplacer. Comme, à l’école de sainte Bernadette, jen’ai jamais eu le souci de convaincre, mon dialogue avec un islamiste a tourné court. Il voulait me convaincre et il était plus fort que moi. Philippe de Villiers dit que ce coup-ci, il pourrait dire : « Je suis Charlie. » Comme je n’aime pas les usurpations d’identité, je ne reprendrais pas cette formule à mon compte, mais à cette réserve d’identification-adhésion-gouroutisation près, je pourrais presque dire la même chose. Et pourtant je n’étais ni George Floyd devant qui la gauche et Christophe Castaner étaient prêts à se prosterner, ni Charlie dont je respecte le martyre des dessinateurs et des journalistes morts en responsabilité, mais qui étaient les grands noms du nihilisme européen, laïcards par anti-irréligion, mais qui n’avaient rien à opposer à l’islamisme qu’ils combattaient de toutes leurs forces.

Philippe de Villiers emploie enfin une belle formule qui peut nous enseigner sur l’hygiène mentale de la mémoire, qu’elle recouvre la mémoire historique d’une nation ou notre propre mémoire existentielle : « [Il ne faut pas avoir] l’amnésie des grandeurs et l’hypermnésie des lâchetés. » 

mardi 9 septembre 2025

Sébastien Lecornu, un Premier ministre pour quoi faire?

Les deux premières leçons que je tire de la nomination de Sébastien Lecornu sont que d'abord et que décidément, Emmanuel Macron ne sait cohabiter qu'avec lui-même. ET qu'ensuite, François Bayrou est un Premier ministre qui lui a fait perdre du temps, pour reprendre le titre d'un ouvrage consacré par Thomas Legrand, aujourd'hui dans la tourmente,  à Nicolas Sarkozy qui a créé Rachida Dati, l'ennemie qu'il a voulu faire choir et qui le désarçonne du cheval médiatique public qui l'a mis à pied pour lui ouvrir, peut-être, la voie d'un nouveau pantouflage dans le privé comme autrefois sur "RTL" du temps où il était de droite, comme le taclait Franz-Olivier Giesberg. Mais tout le monde pantoufle, a pantouflé ou pantouflera,  et va du public au privé et retour, c'est le sens de l'intérêt public de nos donneurs de leçon.

François Bayrou n'a-t-il vraiment servi à rien, sinon à se prouver à lui-même qu'il n'avait pas l'encolure qui eût permis à son destin de l'enfourcher comme un de ses purs-sangs? Reconnaissons-lui un mérite, y compris dans le fait qu'Emmanuel Macron se soit laissé tordre le bras pour le nommer: cela aura permis au président désavoué de réessayer de l'Ancien monde, celui qui coulait dans ses veines et dont il ne s'est jamais éloigné pour percer l'incognito et se poser en candidat antisystème, mais qu'il avait tenu à distance. Bayrou avait bau piaffer d'impatience devant ses interviewers tel un Mélenchon ripoliné par un peu de politesse bridant son côté caractériel, il savait parler au citoyen la belle langue d'autrefois qu'il ne maniait certes pas en brillant agrégé des Lettres classiques: il reconnaissait lui-même tout récemment "être un faux littéraire" qui "s'était intéressé toute sa vie aux chiffres", comme s'il avait préféré l'arithmétique à la littérature, matière trop subtile pour son esprit borné. Avec Bayrou, l'Ancien monde a fait son dernier tour de piste et puis s'en va, pour être remplacé par un Premier ministre de transition, non pas écologique, mais entre l'ancien monde et le nouveau, au parcours à la Rastignac sans la flamboyance d'arrivisme d'un Gabriel Attal qui estimait n'avoir qu'à claquer des doigts pour recevoir ses hochets, Sébastien Lecornu a adopté un plan de carrière plus classique: c'est un nouveau Rastignac à l'ancienne, qui laboure le terrain, avec une ambition forgée au creuset de la méritocratie parlementaire, au sens où il faut se farcir les élus locaux et les députés nationaux et où Lecornu se les est farcis pour devenir l'un des leurs avant de les cornaquer ou d'en être le cornard, puisque le leurre est dans le nom. 

À cet égard, ce détour biographique fourni par Mediapart est le bienvenu:

"militant de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) dès l’adolescence, Sébastien Lecornu n’a pas de métier." (Il n'a pas de métier comme Manuel Valls qui, licencié en histoire, n'a vécu que d'intrigues et de brigues.)  "C’est la politique qui le fait vivre depuis ses 19 ans, au fil d’un CV qui fleure bon le XXe siècle : assistant parlementaire, conseiller ministériel, maire, président de conseil départemental, sénateur, ministre…"

https://www.mediapart.fr/journal/politique/090925/lecornu-matignon-le-choix-de-la-deraison?utm_source=quotidienne-20250909-203617&utm_medium=email&utm_campaign=QUOTIDIENNE&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83-[QUOTIDIENNE]-quotidienne-20250909-203617&M_BT=717936880348


Comment l'opinion publique, à la veille d'un 10 septembre qui se promet de tout bloquer et de donner une seconde chance à la crise des Gilets jaunes, prendra-t-elle qu'Emanuel Macron ait choisi de nommer Premier ministre celui qui a fait sortir le pays de cette crise qui pouvait emporter le régime par la supercherie du Grand débat? 

Sébastien Lecornu devient donc Premier ministre pour permettre à Emmanuel Macron de cohabiter avec lui-même, mais au-delà, pour quoi faire? Sur tous les bancs de l'Assemblée nationale, on était d'accord sur un seul point: au début de son second quinquennat, Emmanuel Macron avait promis qu'il changerait de méthode. Gabriel Attal avait produit le discours pour l'incarner: "nous réunir, nous parler", préparer un pacte minimum de coalition pour tenir jusqu'à la fin du quinquennat et remettre à plus tard d'orienter moralement le pays. Yaël braun-Pivet se sentant pousser des ailes, s'était lancée dans une campagne effrénée pour incarner cette nouvelle méthode tant de fois promise. Outre celui d'être présidente de l'Assemblée nationale et d'avoir l'habitude de travailler avec tous les groupes parlementaires, elle jouissait d'un avantage qu'Emmanuel Macron a oublié depuis qu'il y a sacrifié en nommant Élisabeth Borne: elle était une femme et il faudra bientôt instaurer la parité dans les nomination de Premier ministre par un même président, ainsi ne sauraient manquer d'en décider les "chiennes de garde" (l'expression est peu galante, qu'elles m'en excusent!) du néo-féminisme qui "dégenre" les stéréotypes, mais réduit tout au genre nullement hermaphrodite qu'on a reçu à la naissance, être un homme ou une femme, peu importent les compétences. Or Emmanuel Macron n'aime guère les femmes. Elles ont avec lui une différence qu'il n'assume pas. Les femmes ne lui permettent pas de gouverner avec son semblable et Emmanuel Macron veut cohabiter avec lui-même. Il appelle Lecornu à son secours pour le libérer d'une nouvelle expérience féminine. Avec Brigitte, il a assez donné. Qui sera le fusible et qui le cocu pour autant qu'on puisse tromper loyalement celui ou celle qu'on épouse? N'en préjugeons pas.

La méthode théorisée par Gabriel Atal et que voulait incarner Yaël Braun-Pivet est reprise dans la feuille de route donnée par Emanuel Macron à Sébastien Lecornu: "Il l’a chargé de consulter les forces politiques représentées au Parlement en vue d’adopter un budget pour la Nation et bâtir les accords indispensables aux décisions des prochains mois.

A la suite de ces discussions, il appartiendra au nouveau Premier ministre de proposer un Gouvernement au Président de la République. " 

https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2025/09/09/le-president-de-la-republique-a-nomme-sebastien-lecornu-premier-ministre


Ça, c'est pour le hors d'oeuvre. "L’action du Premier ministre sera guidée par... le service des Français et la stabilité politique et institutionnelle pour l’unité du pays. Le Président de la République est convaincu que sur ces bases une entente entre les forces politiques est possible dans le respect des convictions de chacun." 

Ça, c'est pour la cosmétique. 

Mais quel est le plat de résistance? Ce qui va guider l'action du Premier ministre est d'abord "la défense de notre indépendance et de notre puissance". Notre puissance, quelle puissance? Bref, notre Premier ministre gardera comme priorité le périmètre de son ministère ukrainien de la Défense au service de l'impuissance française à faire entendre sa voix "à l'international" ou à aligner un équilibre budgétaire à l'intérieur sans rogner sur la paix des ménages, tout en augmentant les dépenses militaires d'une armée exsangue au service de l'Ukraine, de l'Union européenne et d'une désapprobation toute verbale du génocide palestinien perpétré par le gouvernement Netanyahou. Voilà quel me semble être le périmètre d'action de notre nouveau Premier ministre. La feuille de route est réjouissante et promet des lendemains qui chantent la fleur au bout du drone. Ah, les guerriers d'opérette sont des fous bien dangereux. 

lundi 8 septembre 2025

François Bayrou n'a pas gravi l'Himalaya

François Bayrou n'a pas voulu gravir l'Himalaya. L'Himalaya, il l'a décrit au début de son discours sur les "questions historiques" qui concernent "non pas les adultes qui se disputent tout le temps, mais les enfants et le monde que nous leur construisons" en décidant "des questions pour demain qui se règlent aujourd'hui."

Il n'a pas voulu rattraper notre "retard de production" par rapport à "la Belgique et aux Pays-Bas". Il n'a pas voulu comme il n'avait pas su le faire quand il en était le ministre entre 1993 et 1997, redresser "le problème de l'éducation nationale" qui se pose "parallèlement, mais pas sans lien", avec ce retard, accusant une baisse de la "maîtrise des fondamentaux", la perte de rayonnement de "nos lycées et de nos universités" et des "difficultés sur l'orientation trop précoce, trop angoissante, trop mécanique et n'assurant pas la promesse républicaine "égalité des chances" d'où qu'on vienne et s'il le faut deuxième chance et encore troisième chance". Cette crise de l'orientation affecte la baisse de la production, car il faudra bien clarifier un jour la part que l'on accorde au désir de l'élève et aux débouchés que peut rencontrer ce désir dans les besoins de la nation. 

Il n'a pas voulu s'attaquer au modèle social, à la crise du logement, à la crise écologique, à la crise de la "sécurité et de la justice", "les deux phases de notre premier devoir d'état". Il a baissé les bras devant "la question que les migrations posent à notre pays et à nos sociétés, liées aux différences de développement, à la misère chez les uns avec une démographie expansive, à l'abondance chez les autres avec une population déclinante". Il s'est senti dépassé par "l'aménagement du territoire dans l'hexagone" et les "déséquilibres entre les métropoles et les nouveaux déserts français". Il s'est  saisi de la question des outre-mers, mais en la confiant à Manuel Valls, il ne pouvait que les brader et les abandonner. De l'inconvénient d'avoir un gouvernement de poids lourds!  

Il a décrit l'Himalaya, mais n'a pas voulu le gravir. Il n'a pas voulu demeurer le maître d'oeuvre de cette "magnifique cathédrale à reconstruire pour un peuple qui le mérite", dont il a pourtant passé cinquante ans à échafauder les plans, même au commissariat au plan. À quoi auront donc servi ces cinquante ans de ministère de la parole? 

Dans l'exercice du pouvoir, il n'a pris que "six mesures législatives dont trois sur les outre-mers", aux dires de Marine Le Pen. Il n'a pas imposé le scrutin proportionnel, mais a réformé celui dit du PLM relatif à l'élection municipal dans les trois plus grandes villes de France. Il n'a pas mené à son terme la réforme de l'audiovisuel public chère à Rachida Dati et qui lui a valu les foudres de Thomas Legrand et de Patrick Coehn. Il a scindé la loi "fin de vie" en deux textes dont la discussion est à nouveau abandonnée en rase campagne. Tant mieux, diront ses opposants. Il n'a pas supprimé les agences dont l'accumulation fait perdre 80 milliards à l'Étatpays. Il ne s'est pas attaqué aux doublons qu'il dénonce depuis 2002 et qui, depuis sont devenus des triplés, des quadruplés et un palimpseste administratif. Il s'est contenté de répéter quelle voie d'économie ce serait de faire le ménage dans ce maquis bureaucratique. Il a envisagé du bout des lèvres de taxer un peu plus les riches de crainte de se faire retoquer par le Conseil constitutionnel sil voulait comme François Hollande  les taxer à 75 % sans en avertir Jérôme Cahuzac, le référent budgétaire de sa campagne présidentielle, pris de court, avant, ministre du budget, d'être pris en flagrant délit de fraude et d'évasion fiscale. 

Bref, François Bayrou na pas, il n'a pas, et il a pris prétexte pour ne pas... que le pays de la gréviculture était grevé par une montagne de dettes sur laquelle il aurait été le seul à alerter; et comme le diagnostic n'était pas partagé, non quant au constat, mais quant à la manière d'affecter la charge de la dette qui faisait perdre sa souveraineté à la France -la dette et les marchés, mais pas l'Union européenne, son absence de protection et de préférence communautaire, son marché unique et sa concurrence libre et non faussée-,  le Palois a mieux aimé s'en aller que s'empaler plein d'engelures sur les roches de l'Himalaya. 

Il s'est démultiplié de commentateur souvent interviewé dans des échanges tendus par l'audiovisuel public et privé dont il déplorait la concentration du pouvoir, en youtubeur monologuant sans influence, car le pouvoir n'est pas d'influence, bien que le futur ancien Premier ministre aui avait forcé la main d'Emmanuel Macron pour le devenir ait souvent assuré ne pas aimer le passage en force.  Il s'est vanté d'avoir réinstauré un dialogue démocratique en parfaite "transparence entre les citoyens", mais sans arriver à aucune solution parce que le propre de sa pratique  de la discussion démocratique était d'imposer son diagnostic, mais de ne pas plus répondre à la lettre de Marine Le Pen ou aux avances des socialistes qu'aux alertes sur Bétharam. Une démocratie qui répond aux citoyens comme s'ils étaient des abonnés absents pèche par immétodisme. François Bayrou est tombé à défaut de méthode et sur un tempérament démissionnaire qu'on lui soupçonnait, mais dont on n'imaginait pas que c'était la raison pour laquelle il différait d'accomplir ce destin à la Mendès ou à la de Gaulle qui lui aurait été prédit par la Vierge Marie comme Jean Guitton entretenait Jacques Chirac (rapporte Bernard Billaud, et c'était la mythologie du RPR que de le croire)  dans l'illusion qu'il avait un grand destin providentiel pour redresser la France. François Bayrou a glissé sur cette fuite mortuaire en cédant à la tentation de Venise et du repli sur Pau. Il a lâché la corde au moment de commencer l'escalade. On ne peut que regretter ce gâchis et cette victoire de la "pulsion de mort" chez cet homme qui n'était pas sans morgue, mais qui était incomparablement moins méprisant qu'Emmanuel Macron vis-à-viis de ce peuple qu'il ne comprend pas, n'aime pas  et dirige mal depuis huit ans qu'il préside à ses destinées. 

samedi 6 septembre 2025

Le trépied plus un de la religion

Quel est le trépied plus un de la religion ?

Comme le disent Jean-Bertrand Pontalis et Jean Laplanche dans leur Dictionnaire du vocabulaire de la psycanalyse, la religion repose, comme la paranoïa, sur un "délire de référence", non pas délire au sens psychiatrique, mais délire parce qu'on ne peut pas vérifier les affirmations de la religion. La religion, surtout dans l’islam, met des noms de personnages bibliques sur le dieu des philosophes. Mohamed a existé, c'est sûr, il a entraîné des tas de gens, les siens,  dans la guerre. « Ne mettez jamais la main sur un fusil, Gandhy Lutherking et Jésus-Christ », écoutez ça, ça fleure bon les Seventies.

 

https://www.youtube.com/watch?v=CWUiZQgJV1I

 

Mohamed, chef de guerre, a existé, il n’a fait que trop de razzias. Jésus a existé, c'est moins vérifiable. Peu de gens sont là pour attester de lexistence de ce rabby qui aimait bien semer le trouble autant que le Royaume de Dieu. Faut-il en conclure comme Michel Onfray que c'était "un personnage conceptuel"?  Et pourquoi pas ? Mais ça scandalise la bien-pensance catholique, pas moi. On peut vivre une vie spirituelle allégorique intéressante avec un personnage conceptuel. Car qui a commencé, de la poule ou de l’œuf ?Pas vrai, #GrettaRose? On en a parlé dans ta voiture il y a plus d'une dizaine d'années en allant voir Franck à Montligeon, on n'en est pas morts.Franck dont tu disais que c’était un personnage du XVIIIIème siècle au génie mozartien, perdu dans un XXIème siècle qui ne pouvait absolument pas le comprendre. Comme tu avais Raison !

Donc "élire de référence" à la base, mais au sens propre, au sens littéral du mot délire, récit invérifiable qui constitue toute révélation religieuse. Et puis mythologisation de ce "délire". Mais mythologisation au sens fort et au sens plein. Ce délire devient mythologie, au sens jungien popularisé pour moi par Annick de Souzenelle, où le mythe ressortit certes à l’imaginaire, mais ravivé, vivant et présent, exactement comme le raconte Platon dans la République, où il a l’intuition du monothéisme, mais ne réfute pas l’épopée des Grecs, où il dit même qu’il faut la jouer pour susciter la terreur et la pitié, mais presque qu’il faut aussi l’interpréter au gymnase, parce que c’est ça qui va faire des hommes de ces jeunes citoyens des classes privilégiées de la cité antique.

 

Donc délire et mythologie. Pour en arriver au symbolisme. Le symbolisme, c’est ce qui fait du mythe une allégorie et ça, c’est magnifique. Il faut faire du bon symbolique et tout le monde ne sait pas le faire. Pour ça, il y a le rite et il faut être un peu à cheval sur le rite.  Mais le symbole se ramasse à l’appel, car on a tellement besoin de lui pour se rassembler, pour se réunifier, pour se recentrer sur soi-même, au-delà de ce qu’il représente en termes de foi (cf. le Symbole des apôtres), qu’il n’y a pas besoin de le chercher très loin.

 

Et puis il y a le plus un. Ce plus un n’est pas la vérité, mais s’appelle la réalité. De la réalité, on croirait pouvoir dire qu’elle est raisonnable, mais justement non. Ou justement elle ne se réduit pas à ça, à son caractère éventuellement raisonnable et c’est un raisonneur qui le dit. Laréalité philosophique doit faire dialoguer la raison philosophique avec l’imaginaire délirant, mythologique et symbolique, avec « la folle du logis », car en fait, l’homme est un animal pas tellement raisonnable et apparemment, ce serait le seul qui aurait l’idée du religieux, mais aussi de la philosophie. Sachant que la religion naît de la peur et la philosophie d’une césure émancipatrice. Moi, je suis un croyant allégorique, terriblement porté sur le rationalisme, en quoi je suis occidental et j’en suis fier, même si je le regrette un peu des fois.Cematin, une petite jeune fille, préparatrice en pharmacie, est venue m’apporter des médicaments pour ma maman. Elle m’a expliqué qu’en Arabe, son prénom signifiat Douceur et qu’elle allait se marier à un Sahif, dont le prénom signifie Soleil. La Douceur va donc se rapprocher du Soleil. Pas du tout comme la lucidité que le soleil congèle et congédie. Ben voilà.Voilà la religion. Elle représente les fiançailles de la douceur et du soleil  

dimanche 24 août 2025

L'affaire Jean Pormanove relève-telle de la liberté d'expression?

Il y a toutes sortes de biais par où prendre l'affaire Jean Pormanove. Les uns sont moraux: ce n'est pas bien de laisser mourir un pauvre type avec ou sans son consentement et de maltraiter son acolyte "handicapé sous curatelle". Ce n'est pas bien d'être voyeur. Ce n'est pas bien de pratiquer l'homophobie et l'handiphobie.


Les seconds biais sont sociaux: ce voyeurisme à grande échelle est un signe de décadence qui montre que l'école a failli, que le niveau de conscience de la société a baissé et à quoi devait aboutir la culture de masse, ici la sous-culture ou l'inculture de masse, résultant d'un complet décrochage scolaire et moral.


Les troisièmes biais sont politiques et servent de prétexte à faire un amalgame: c'est le biais de Philippe Bilger confondant dans une même détestation cette affaire Jean Pormanove et "Bloquons tout" où l'on craint de revoir une  recrudescence des Gilets jaunes, acte poujadiste récupéré par avance par LFI et le parti socialiste pour éviter toute dérive beaufiste -et non wokiste-.


Mais la clef de cette affaire nous est donnée comme d'habitude par les intéressés eux-mêmes: lorsqu'ils assuraient consentir aux mauvais traitements qui leur étaient infligés et s'alertaient de l'enquête lancée par Mediapart qui voulaient recueillir leur avis sur les sévisses qu'ils subissaient dans une société dont Gabriel Attal entendait qu'elle lutterait contre le harcèlement scolaire pour le venger de Juan Branco, JP et Coudou s'insurgeaient qu'on prétendît attenter à leur "liberté d'expression". L'expression "liberté d'expression" peut paraître galvaudée et employée à mauvais escient s'agissant de violence sur majeurs y compris protégés financée par des voyeurs anonymes. Prenons pourtant cette protestation pour ce qu'elle est. Après tout, ces streamers estimaient avoir le droit de s'exprimer comme ils lentendaient en se défoulant de leur mal-être sous les coups de leurs agresseurs. Ce n'est pas plus fou qu'un adepte des jeux sadomasochistes assurant n'être pas malade parce qu'il aime être fouetté, fessé ou malmené dans la clandestinité ou dans des soirées privées dédiées, c'est une des revendications à laquelle la société a fait droit sous les coups de boutoir (sic) du lobby LGBTQ+, ai-je appris à la lecture du livre de Manon Garcia, "Vivre avec les homme", fermons le ban, on na plus le droit d'en discuter. "Il faut bien que le corps s'exprime", même en étant opprimé, et "le divin marquis est un grand écrivain, réhabilité par cette grande autorité morale que fut Philippe Sollers, je ne discute donc pas, même si j'ai engueulé adolescent, en tenant très ostensiblement la main de ma copine qui me trompait allègrement, Philippe Sollers en direct dans une rencontre organisée à la BPI de Beaubourg par l'Institut national des jeunes aveugles. Je lui reprochais d'être un fieffé libertin et il devait me regarder en coin comme un romantique qui allait devoir perdre beaucoup de ses illusions.


En écoutant à déjeuner "le Magazine du weekend de "France culture" qui m'a révélé cette défense anticipée des futures victimes qu'il ne fallait pas rigoler avec leur liberté d'expression, il m'est venu que la liberté d'expression devrait distinguer entre le laisser-dire et lelaisser-faire. Mon esprit a été alerté par la présence dans cette émission d'un membre de la Quadrature du Net qui, avant de déplorer la mort du streamer par ce que la justice n'ose qualifier d'homicide involontaire ayant entraîné la mort sans intention de la donner, redoutait que le pouvoir en profite pour restreindre la liberté sur Internet.


Quelle liberté? Liberté de communiquer sous pseudonyme? Je rejoins Patrice Charoulet dans son combat contre le pseudonymat, je suis contre l'anonymat, même si le suivi des adresse IP permet de tracer les internautes qui ont dévié. Liberté de harceler ou de violenter? "Laissez passer, laissez faire?" Ce libéral-libertairianisme n'est pas non plus ma tasse de thé. Liberté de voler? De mémoire, la Quadrature du Net s'est fondée en réaction contre la loi Hadopi. Je ne dis pas que je n'ai jamais téléchargé illégalement, mais ce n'est pas la chose dont je suis le plus fier. Liberté de laisser prospérer des plateformes comme Kick qui veut dire "coup" et qui n'a accepté d'avoir un représentant légal auprès de l'Union européenne qu'après la mort de Jean Pormanove (alias Raphaël Graven)? Mais de qui se moquent ces tenanciers de bordel cybernétique? Ne peut-on pas fermer une plateforme spécialisée dans la violence et qui a mis en avant cette chaîne de gamers maltraitants? Certes, les États-Unis ont sous-traité Internet, invention de leur armée comme le Braille fut réduit à ce qu'il est aujourd'hui par le colonel Charles Barbier qui avait inventé une manière de communiquer en secret avec ses soldats, à des multinationales comme les GAFAM. Mais ça n'a pas empêché Donald Trump d'envisager d'interdire TikTok aux États-Unis si des sociétés américaines n'avaient pas de part dans le portefeuilles de la plateforme chinoise. Donc l'État n'est impuissant que parce qu'il a décidé de l'être, parce qu'il a choisi de ne pas donner de moyens à l'ARCOM de devenir le gendarme du numérique. 


La démocratie s'est toujours arrêtée à l'appel au meurtre et à plus forte raison à la commission d'actes violents. IL lui suffirait de se rappeler cette frontière naturelle. Au lieu de quoi la justice se montre très laxiste envers ces homicides: "Mais quoi! Ils dormaient comme des bébés quand Raphaël est mort sous leurs yeux fermés, ce sont même les spectateurs du live qui ont donné l'alerte quant à l'inertie de son corps aux deux bourreaux recrus de fatigue et plongés dans le sommeil du juste, donc Aucun tiers n'a provoqué sa mort." Aucun tiers, non, mais les actes de torture qui avaient lieu auparavant. La justice s'aveugle sur la chaîne de causalité qui est allée de la torture du streamer "casos" à sa mort à peu près comme elle s'est aveuglée sur la chaîne de causalité qui induit chez un enfant qui joue à trop de jeux vidéos qui relativisent la valeur de la vie humaine qu'il peut passer à l'acte meurtrier s'il n'obtient pas gain de cause, car il ne verra plus de différence entre le jeu et la réalité et devra prendre sur lui-même, dans une sorte de dissonance cognitive, de se constituer des valeurs que le jeu non seulement ne lui aura pas apprises, mais aura tout fait pour inverser. 


Au rebours, gare à celui qui pratiquera des stéréotypes de genre ou proférera des propos racistes, antisémites ou discriminatoires! comme si la liberté d'expression, ce n'était pas le dire, mais le faire. On punit le dire et on laisse faire le faire. Et on en meurt. Mais après tout, Pormanove ne fait pas un bon mort. La communauté qu'il a regardé mourir était essentiellement constituée d'hommes. Comme on sait, tout le mal vient des mâles. La mort de Jean Pormanove n'est pas un féminicide. Si ç'avait été un handicapé du genre Coudou, je ne dis pas, et encore. La mort de Coudou n'aurait pas fait la une des journaux comme la mort d'Ilan Halimy. 

dimanche 27 juillet 2025

La ligne de démarcation judiciaire

Justice au Singulier: Une première : j'approuve Eva Joly...


La France vit sur le mythe de la séparation des pouvoirs. Or la séparation des pouvoirs ne résiste pas à l'épreuve des faits. Eva Joly, Laurence Vichniewsky, Georges Fenech ou les défunts Thierry Jean-Pierre et Éric Halphen et j'en oublie, se sont mêlés de poursuivre les politiques, puis se sont engagés en politique. Ils ont franchi le Rubicond  parce que la frontière était trop poreuse. De même que dans l'énumération que vous faites des politiques qui  n'ont pas mis les juges en cause  et dont je crois que Jean-François Copé doit être excepté, ceux qui n'ont jamais critiqué les juges sont ceux qui n'ont jamais été inquiétés par la justice ou "n'ont jamais eu maille à partir" avec elle. 

Vous faites front  sur le populisme antijudiciaire. Le populisme va du "tous pourris" avec "haro sur les cols blancs!" quand  il s'agit des politiques, à "toute la justice est gangrenée", surtout quand elle s'en prend à mon candidat préféré. Le populisme judiciaire est dangereux, car il poursuit le rêve d'une "République irréprochable", comme si la corruption ne blessait pas la nature humaine et que, plus on est proche de la caisse, plus non seulement on a la tentation d'y mettre la main, mais les mêmes qui vous en voudraient d'en tirer un enrichissement personnel vous pressent de leur rendre service. Le populisme antijudiciaire est trop accommodant avec "la République bananière", mais il n'a pas oublié la leçon de Robespierre, "l'Incorruptible". L'inaccessibilité à la tentation de la corruption tout comme la lutte sans merci contre la corruption mène à la Terreur. 

Cela mérite pourtant d'être nuancé. Il me semble que devraient être peu poursuivies sinon par le droit commun, les libertés que prennent les politiques avec les règles des marchés publics, les pots-de-vin et toute autre forme de délit  qui restent rivé au plan national, sans  susciter des influences étrangères pour prendre pied dans le pays, un peu comme un boursicoteur ou un investisseur  qui prendrait des actions dans notre démocratie. La ligne de démarcation est illustrée par Rachida Dati qui  aurait exercé son influence à l'étranger sans avoir produit un travail que l'on puisse retracer. Si on suit mon raisonnement, on devrait la laisser tranquille quand Henri Proglio lui offre 400 millions de bijoux et qu'elle ne le déclare pas, mais on a raison de la poursuivre pour des rémunérations suspectes en lien avec une activité reposant sur son entregent international supposé, mais la gazelle est voyageuse,  et Renault a évalué son influence beaucoup plus qu'elle ne pesait, encore  que ce calcul ait été fait par un industriel et que la rémunération que Renault a estimée devoir lui verser ne regarde que l'entreprise, la question  du conflit d'intérêt demeurant entre une avocate d'affaires et une députée européenne. 

Mais la ligne de démarcation est franchie si Nicolas Sarkozy a bénéficié des réseaux libyens comme Mediapart et son procès semblent l'avoir établi. Elle est franchie quand des politiques se font financer leurs campagnes par quelque puissance étrangère  et touchent des rétrocommissions. Encore faut-il que l'on ait pas un regard sélective sur ces influences étrangères et que l'on dénonce à égalité  l'influence russe et l'influence américaine, comme l'a dit François Fillon auditionné par la commission parlementaire intéressée à la question. On pourrait faire jouer la notion d'intelligence avec l'ennemi, mais Que l'on sache, la Russie n'est pas entièrement notre ennemie ni les Etats-Unis nos alliés inconditionnels. 

J'ai parlé de ligne floue et de ligne de démarcation. Celle-ci est allègrement franchie si les soupçons d'Olivier Marleix se confirment qu'il y aurait un pacte de corruption, raison pour laquelle l'interrogation sur le maquillage de son suicide et sur d'autres morts suspectes proches des milieux du renseignement ne sont pas à balayer d'un revers de main comme le soupçon de complotistes écervelés. Et si Emmanuel Macron est convaincu d'avoir bradé notre souveraineté industrielle, il n'est pas encore dans l'intelligence avec l'ennemi, mais il n'est plus au service de son pays.

De même on reproche à la justice d'être politisée. Les juges ont le droit d'avoir leurs opinions et même un engagement politique pourvu qu'ils les rangent au vestiaire quand ils se préparent à juger impartialement. Vestiaire qui n'est pas étanche, car il est facile de soutenir qu'"une porte doit être ouverte ou fermée" tant que la porte a une réalité matérielle. L'engagement d'un juge en politique na rien   de contraire en soi à la démocratie, mais la "common decency" devrait commander à un juge qui s'est intéressé à la classe politique de s'éloigner de la politique active.  Vous avez sans doute, cher hôte, trouvé la bonne distance avec votre position intermédiaire de citoyen engagé en tant que magistrat honoraire, qui n'a jamais souhaité franchir le pas, non d'un encartage dans un parti politique, mais d'une candidature à un mandat électif, encore que vous n'ayez pas requis dans des affaires impliquant des politiques. Mais celle qui fait l'objet de ce billet et les quelques autres juges que j'ai cités au début de ce commentaire ont franchi la ligne jaune ou la sorte d'Équateur imaginaire que j'ai essayé de tracer et qu'on peut  bien sûr affiner et discuter. 

vendredi 25 juillet 2025

C'est en septembre

https://www.philippebilger.com/blog/2025/07/le-pr%C3%A9sident-trahit-emmanuel-macron.html#comments

"Bien sûr LFI a approuvé cet acte présidentiel en craignant qu'il ne soit pas mis en oeuvre en septembre à cause des fluctuations et revirements" d'Emmanuel Macron. (Philippe Bilger))
La réaction de Jean-Luc Mélenchon est pour une fois exactement la même que celle qui m'a animé lorsque j'ai appris cette relativement bonne nouvelle censée marquer un retour du courage politique dans la diplomatie française, mais un courage différé: "C'est en septembre", à l'automne des massacres de Gaza, car il ne faudrait pas fâcher les Allemands qui ont viré leur cuti concernant Israël pour se racheter de leur passé génocidaire, ni les Britanniques avec qui "le président" et "Emmanuel Macron" sont à tu et à toi, ou même Donald Trump qui, en route pour l'Écosse où il passe des vacances (mais où sont les conséquences désastreuses du Brexit et qu'en est-il de l'isolement britannique?), en répétant que "les paroles de Macron ne comptent pas", a réagi par une variante de son: "Emmanuel ne comprend jamais rien" prononcé lorsqu'il a faussé compagnie à ses partenaires du G7 pour ordonner une frappe en Iran dont il se vanta (la vantardise étant son langage habituel!) qu'elle avait à elle seule détruit toutes les infrastructures nucléaires du pays.
"C'est en septembre." En attendant, notre président disruptif, qui ne redoute rien tant que d'être marginalisé une fois ses ballons d'essai lancés, pourra discuter avec ses partenaires européens et convenir avec eux que ce que commet Israël à Gaza est un "massacre humanitaire", mais pas un "génocide", car "c'est à l'histoire de juger s'il y a eu génocide", disait-il ensubstance dans sa longue "interview pour rien" sur "TF1" en avril dernier, censée relancer le président démonétisé par la dissolution sur la scène intérieure, entretien au cours duquel son entourage promettait qu'il prodiguerait des annonces tonitruantes de référendums en cascade.
"L'histoire jugera." Des raisonnements comme ça ont été les mêmes qui conduisirent l'Europe daprès-guerre à s'excuser pour la Shoah: "On ne savait pas", raisonnements que l'on condamne pour cette période, qui est devenue la référence paralysante d'une Europe qui voudrait bien se rattraper, mais se trompe à nouveau de front et d'époque. Les anciennes puissances de l'Axe sont devenues les soutiens les plus farouches d'Israël, tandis que l'Espagne, l'Irlande et la Norvège, qui les premières en Europe, ont reconnu l'État palestinien, ne constituent pas des références pour Emmanuel Macron, qui voulait reconnaître cet État "au moment opportun".
Or quand bien même le président serait assez constant pour tenir sa promesse en septembre en demeurant fidèle à son élan de courage différé, "Libération" a bien raison de se demander tout en se félicitant de l'annonce présidentielle: "Reconnaître un Etat palestinien, mais dans quel état?" Il est presque trop tard même si mieux vaut tard que jamais, ça permet d'apaiser sa conscience parce qu'on a eu un sursaut de conscience avant de la perdre. Il est trop tard, c'est ce que disent en substance les interlocuteurs "très fin(s) et savant(s)" de "CNews" Élie Corchia et Michel Fayad dont Philippe Bilger rapporte les propos: comment reconnaître un État "aux frontières imprécises" et que la destruction "préemptives" des structures étatiques, condamne à l'impuissance? Mais pour les experts de la galaxie Bolloré, ce ne sera jamais le moment et les conditions ne seront jamais réunies pour reconnaître la Palestine, ils sont de parti pris.
La communauté internationale avait soutenu jusqu'à l'absurde l'"autorité palestinienne", qui avait pour ainsi dire failli depuis le remplacement de Yasser Arafat par Mahmoud Abas, qu'Israël promouvait sous prétexte de démocratie, qui s'est depuis lors maintenue sans organiser d'élection après celle qui avait provoqué la victoire attendue du Hamas sans que les mêmes qui dénonçaient un déficit démocratique dans le gouvernement palestinien trouvent rien à redire au maintien durant vingt-cinq ans de leur marionnette au pouvoir, cela ne valant pas approbation du Hamas comme organisation de "résistance palestinienne" encore qu'Israël l'ayant tellement instrumentalisé qu'un peu plus, un peu moins aujourd'hui relève de la discussion sur le sexe des anges à la catégorie desquels ces guerriers n'appartiennent pas, car en tout guerrier, sommeille un criminel de guerre et le Hamas s'est relancé par un coup d'éclat qui a fait 3000 morts en Israël et commandé la riposte onze-septembriste prévisible de l'État hébreu, qui a sacrifié plus de 40000 Palestiniens si mes informations sont à jour.
La communauté internationale a soutenu Mahmoud Abas comme la corde soutient le pendu et comme cette même grosse ficelle continue de soutenir Wolodymyr zelensky en Ukraine, lequel est en train de provoquer des émeutes pour sa duplicité en matière de lutte contre la corruption: ce sont Trump et Poutine qui se frottent les mains tandis que george-Ibrahim Abdallah vient d'atterrir à Beyrouth où ses partisans fêtent son retour comme celui du "dernier prisonnier politique d'Europe".

 

jeudi 17 juillet 2025

Traditionalisme et jansénisme

Réponse à cette brève histoire du jansénisme qu'on trouvera sous ce lien

https://www.leforumcatholique.org/message.php?num=990023

Chers baudelairec2000, worou-kenou et chers autres liseurs,

Lorsqu'il y a des turbulences dans l'Église (mais quand n'y en a-t-il pas?), on redevient un liseur plus assidu du Forum catholique, mais je ne m'attendais pas à avoir envie de contribuer sur ce sujet du jansénisme, de contribuer comme à mon habitude avec beaucoup d'approximations et à partir de ma subjectivité personnelle (pléonasme ou tautologie), autant dire en prenant mon cas pour une généralité, mais de partager néanmoins deux ou trois choses qui me tiennent à coeur et de soumettre au débat ce que mes opinions peuvent avoir de subjectif ou d'incertain.

Je suis comme worou-kenou: bien qu'ayant été formé à des rudiments de compréhension du jansénisme en ayant assisté à un cours de Philippe Sellier du temps lointain de mes études qui s'intitulait "l'Augustinisme en littérature", cours remarquable dont je reste encore marqué, ce sujet m'a toujours intéressé, mais ses arcanes m'ont paru tellement complexes que mon dilettantisme s'est arrêté à l'orée de lire le "Port-Royal" de Sainte-Beuve, sommatif pour ne pas dire assommant, en tout cas un peu ennuyeux à force d'être érudit, et je crois que je vais profiter de cet après-midi de loisir pour écouter le "Port-Royal" de Montherlant si je le trouve en ligne.

Les mauvais historiens des idées(ou les historiens des idées amateurs en-dessous desquels je me place sans coquetterie et avec lucidité) ont toujours la fâcheuse tendance de faire des raccourcis pour comprendre une époque en la schématisant ou de chercher des similitudes entre deux époques en faisant des analogies qui gagneraient à être précisées.

Si je fais le kéké ou le simplet en cédant au premier penchant que je viens de décrire ou de dénoncer, je dirais que d'instinct, on aurait envie d'identifier le jansénisme à la Fronde, mais l'exposé de Baudelairec2000 montre que c'est un raccourcis intenable, même si beaucoup de frondeurs ont été jansénistes ou proches du jansénisme, tels Mmes de Longueville, de Lafayette et de Sévigné par amitié interposée,ou M. de la Rochefoucauld ou Son Eminence le cal de Retz, si on veut le tirer jusque-là. C'est un raccourcis intenable, car la Fronde est une histoire sans cesse en mouvement, réalité que j'ai dcouverte en lisant le chapitre que lui a consacré Voltaire dans son "Siècle de Louis XIV".

Néanmoins, il y a (et votre bibliographie le prouve) un lien qui semble intrinsèque au jansénisme entre mystique et révolte, ce qui me donne envie de dire que le tempérament janséniste est à la fois scrupuleux et frondeur. Le tempérament ou la spiritualité janséniste, puisqu'on vous taxe volontiers de jansénisme dès que vous êtes à la fois provocateur, scrupuleux et révolté, ça m'est arrivé, donc j'en parle à mon aise.

Ce scrupule dans la révolte et cette révolte face à la tiédeur d'une spiritualité sirupeuse à force de ne rien imposer là même où, si l'Eglise osait m'imposer quelque chose, je la quitterais certainement, renvoie à ce qui fait mon intérêt personnel (je le comprends maintenant) pour le traditionalisme catholique. Mais à la vérité, le jansénisme n'a cessé d'intéresser l'Église et il en va de même pour le traditionalisme qui continue de beaucoup l'occuper. On ne pourrait pas en dire autant de la façon dont le mouvement catholique traditionaliste refuse de reconnaître ouvertement l'influence que le jansénisme a exercé sur lui et jusqu'à la moindre affiliation avec le jansénisme. Et pourtant, il y a quelques points de convergence qui sautent aux yeux:

-Le jansénisme est un mouvement de retour à un catholicisme plus cohérent et plus observant, on dirait aujourd'hui plus intransigeant, qui décide de se rebaigner dans les sources augustiniennes après l'assèchement de la scolastique et du thomisme, même si au xVIIème siècle, on aimait à se référer simultanément à saint Augustin et à saint Thomas.

Mais encore le jansénisme et le traditionalisme sont des mouvements à la fois gallicans et ultramontains. Ultramontains en ce que Jansénius a défendu le pape, mais que le pape a attaqué l'Augustinus avant que Clément IX ne le réhabilite sans tout à fait le reconnaître; gallican en ce que Jansénius est un évêque flamand mis en honneur par son ami Saint-Cyran, un Gaulois du temps où l'on s'exprimait dans le français le plus pur et où l'on n'a jamais aussi bien traduit la Bible que ne le firent le grand Arnauld ou le Maistre de Sacy.

Gallican, en ce que c'est une réaction de "Gaulois réfractaire" que de vouloir prouver à tout prix que cinq propositions condamnées par le pape sont certes condamnables, mais ne sont pas dans l'Augustinus. On croit entendre l'écho du dialogue de sourds entre les traditionalistes et le Saint-Siège où celui-ci veut obliger ceux-là à accepter le concile Vatican II, où ceux-là protestent qu'ils l'ont reçu, mais revendiquent le droit de le critiquer ou réclament de signer un Préambule doctrinal que celui-ci ne veut pas leur concéder, poussant leur exaspération jusqu'à les condamner à ne pas avoir un avenir puisqu'on laissera leur réserve d'Indiens s'éteindre sans permettre qu'elle se reproduise, sans que cette condamnation à mort ne règle le problème, nos Indiens en réserve du catholicisme trouvant bien au contraire qu'on ne s'y serait pas pris autrement si on avait voulu répandre leurs erreurs (ou leurs vérités) de par le monde.

Luther, au rebours, a adopté un antipapisme franc, honnête et assumé là où jansénistes et traditionalistes n'ont jamais souffert d'être mis hors de l'Église où ils n'auraient pu "faire leur salut", pensaient-ils.

Ce qui dit autre chose du caractère des hérésies modernes: c'est qu'elles ne sont jamais précisément définies. Aurait-on voulu qualifier le jansénisme d'hérétique qu'on aurait été bien en peine de détailler les hérésies qui s'y trouvaient, de même que saint Pie X va condamner des siècles plus tard ce qu'il va appeler "le modernisme", qui aurait été plus clairement désigné s'il l'avait qualifié d'"immanentisme". J'ai trouvé sous la plume de Mazarine Pingeot dont je viens de terminer l'ouvrage intitulé "Vivre sans" et édité chez Flamarion en janvier 2024, cette caractérisation de la modernité comme "évacuation de toute transcendance". Le modernisme est conséquent avec la modernité et quand saint Pie X le définit, il lui reproche de dégouliner d'immanentisme qui requalifie la foi à l'aune de l'intuition qui s'éloigne de la Révélation. Or qualifier ce contrequoi il en a de modernisme plutôt que d'immanentisme conduit saint Pie X à accuser ce qu'il condamne d'être "l'égout collecteur de toutes les hérésies", ce qui revient à n'en désigner aucune.

Si le traditionalisme catholique se mêlait de qualifier hérétiquement la tendance à l'oeuvre au Vatican depuis le pape François, mais déjà sous la répugnance de Jean-Paul II, évoquée par Michle Reboul dans "l'Invisible infini", à admettre qu'il y ait des damnés en enfer, il pourrait la qualifier d'inclusivisme: l'Eglise a tellement envie de croire à l'universalité du salut qu'elle pose implicitement que l'enfer est vide, et cela la conduit à une telle horizontalité que l'identité de tous ses membres en est déboussolée, que le plus grand péché y devient le cléricalisme, que les laïcs ne sont plus que revendication et que les clercs ne savent pas ce que le sacrement de l'Ordre qu'ils ont reçu est venu ajouter au sacerdoce commun des fidèles auquel ils regrettent de ne plus appartenir exclusivement sans pour autant oser quitter massivement le sacerdoce ou le ministère.

Signe de l'intérêt que tout cela ne cesse de susciter comme une pomme de discorde entre des pôles de conflits éternels, le pape François a écrit une encyclique très élogieuse sur Pascal qui a transposé le conflit théologique du jansénisme sur un plan moral dans les "Provinciales" où François aurait pu jouer le rôle du Père Anat relativisant tous les péchés, voire tous les crimes, qui paraissent tous solubles dans la Miséricorde divine et dans la fraternité universelle, qui doit seulement ignorer les "catholiques de fermeture" ou de fermeté. Nous ne sommes pas au bout de nos paradoxes.

 

mercredi 16 juillet 2025

Bayrou au bord de la falaise ou mal sur l'Himalaya

Il arrive à François Bayrou ce qui marque la plupart des destinées humaines à l'exception des héros ou des personnes choisies par l'histoire qu'on désigne sous le vocable assez sexiste d'"hommes providentiels": une sorte d'anachronisme entre le moment où quelqu'un qui est entré dans la carrière par ambition personnelle est enfin prêt à prendre son envol pour servir l'intérêt général et l'image médiocre que se fait de nous et nous renvoie la société, image à contrejour et floutée  au moment où on est soi-même dans le dépassement de l'image. 

Lionel Jospin a connu ce désamour au moment où il aurait été bon pour lui qu'il connût l'estime de son pays: excellent candidat pour devenir président en 1995, mais se croyant mal préparé, sa défaite en trompe-l'oeil à cette élection devait lui accorder un sursit pour devenir un de nos meilleurs derniers Premiers ministres, mais c'était pour le faire chuter à l'étape suivante, lorsque lui se croyait prêt à présider la France et au lieu de cela multipliait les gaffes sur "l'âge du capitaine" Chirac qui le rendirent antipathique à l'opinion publique.

François Bayrou respire la bonne volonté et monte en compétence dans l'explication du combat de sa vie: réduire la dette publique, quand il se trouve au comble de l'ambition de sa vie: être un personnage de premier plan au service de son pays, avec une éthique qui ne déteint pas sur celle qu'il s'est toujours assignée: ne pas être un égocrate à la manière de Sarkozy, dire la vérité qu'il croit et qu'il croit être sans alternative en quoi consiste selon lui l'exercice de la démocratie, se trouver en capacité d'agir à un "moment gravissime" où "la France est au bord de la falaise", et se croire  l'homme de cette situation et de cet Himalaya, ne pas hésiter à convoquer le spectre de la crise grecque qui est encore dans tous les esprits et peut frapper la France si elle continue d'être un avion sans pilote ou un pédalo sans capitaine, et néanmoins être à côté de la tectonique des plaques, parce qu'il ne va pas y avoir un alignement des planètes politiques pour accueillir ce concours de bonne volonté puisque tous les parlementaires ont promis de le censurer et les partenaires sociaux de lui préparer une rentrée sociale aux petits oignons qu'il n'a pas bien cherchée, mais a un brin méritée, car ce démocrate chrétien ne se rend pas compte qu'il a toujours plaidé pour une politique sociale qui se révèle plus dure que celle qui perçait sous la carapace de Michel Barnier qu'on aurait attendu moins silloniste (au sens de Marc Sangnier) que le Palois qui se révèle avoir des rudesses de François Fillon ou de Laurent Wauquiez, quand il veut responsabiliser les pauvres jusqu'à souhaiter recycler, à l'heure où leurs occupants auront "disparu", les fauteuils roulants des "infirmes" (comme il ne fait plus bon dire sans faire bondir même si je préfère "infirme" à l'infâme périphrase "en situation de handicap"), premier pas d'une méconnaissance sociale qui s'en prend également aux malades souffrant d'affections de longue durée (ALD) qui ont beau constituer 20 % des assurés sociaux, la liste des pathologies couvertes est déjà très fermée et on se refuse à leur assurer des transports sanitaires décents, ce qui est l'autre versant de la grève des taxis, qui ne pensent pas beaucoup plus à ces patients maltraités que les agents de la SNCF ne se soucient de leurs clients quand ils font grève et que les briseurs de grève les accusent de  prendre les voyageurs en otages. 

Encore, que le Premier ministre envisage de ne pas rembourser à 100 % les médicaments qui ne sont pas liés aux affections de longue durée dont souffrent les malades qu'il stigmatise avec une sorte de cruauté inconsciente! Si ces malades ne sont pas précarisés par leur maladie, pourquoi pas? Mais c'est rarement le cas, et Bayrou s'en prend aux malades pour rembourser la dette que son camp politique a laissé filer et se creuser, ça commence mal, ou plutôt ça laisse percer la même "culture empreinte de violence" ou d'indifférence (Paul Vanier l'a bien cerné) que ce qui l'a rendu relativement indifférent aux suppliciés de Bétharam qui n'étaient pas loin de crier sous ses fenêtres. 

Il veut appliquer des franchises indiscriminées pour les foyers riches ou les foyers pauvres sous prétexte que la Sécurité sociale ne fait pas acception de ressources, principe qui, pour être communiste et continuer d'être défendu par la gauche radicale, n'en est pas moins idiot, à l'heure du creusement inquiétant des inégalités et d'une paupérisation désormais quantifiée et documentée de la population française. 

Il s'aperçoit qu'il n'est pas capable d'obtenir des mesures de simplification de la vie des entreprises par la voie parlementaire, il promet de procéder par voie réglementaire, il aurait sans doute raison s'il commençait par balayer devant sa porte en appliquant ses programmes antérieurs: il refusait les doublons d'échelons entre la vie locale et la vie nationale qui rendent compliquée l'élaboration de tout projet pour les collectivités territoriales, il n'a pas supprimé ces doublons. Il promettait de supprimer les agences qui font double emploi avec l'ingénérie d'une fonction publique d'État dont il promet d'internaliser les compétences,  ces agences sont toujours là. Au détour de son "Discours de vérité", il parlait d'un patrimoine immobilier improductif de l'État qui, s'il était réhabilité, revendu ou au moins réaffecté, pourrait probablement  rapporter à la France les milliards qu'il voudrait économiser pour son budget 2026, mais il n'a pas encore missionné des experts qui puissent procéder à l'évaluation de ce patrimoine en vue de ce qui ne serait pas du tout, en l'espèce, une "vente à la découpe", sans parlr de faire supporter par les  plus fortunés de notre pays la baisse de ces dépenses comme le fait la France insoumise, et sans envisager que la France arrête de contribuer au budget de l'Union européenne qui ne lui redistribue qu'un tiers de ce qu'elle  verse, en faveur  de nos agriculteurs, qui préféreraient vivre de leur travail que de ces subsides, avec la concurrence dangereuse du blé ukrainien, des pays du Mercosur ou du CeTA. 

Pas plus qu'il n'a calculé précisément ce que pourrait lui rapporter la vente du patrimoine improductif de l'État, Bayrou n'a chiffré le ratio des subventions qu'il pourrait cesser d'octroyer aux entreprises en échange de réformes de simplification qui pourraient rendre le travail moins coûteux. Quant au "travailler tous", il faudrait qu'il nous dise comment il compte l'harmoniser avec l'intelligence artificielle ou comment il s'agirait de réformer "France travail" qui vient d'être créé pour rationaliser la recherche d'emploi des chômeurs et qu'Astrid Panosyan-Bouvet a déjà accusé  d'inefficacité dans son intervention d'hier après-midi. Pas un instant, le Premier ministre n'a évoqué comme remède aux emplois non pourvus une meilleure corrélation entre ce qu'enseigne l'école et les besoins des marchés publics ou les débouchés de l'orientation professionnelle avec les besoins de la nation, indépendamment de la baisse criante du niveau scolaire, ce qui n'est ignoré que de ceux qui ne veulent pas le voir. Le Premier ministre a beau jeu de réclamer des ingénieurs femmes à Élisabeth Borne. Si nous avons besoin d'ingénieurs, la parité n'a rien à voir là-dedans. 

Le pire est que François Bayrou égraine des politiques publiques qu'il croit originales, mais qui sont les mêmes que celles qui détruisent depuis trente ans nos bijoux de famille. Comment croit-il s'en sortir en prenant les mêmes recettes technocratiques et en retombant dans la même complexité administrative qui décourage ses concitoyens? Si c'est ainsi qu'il compte gravir l'Himalaya, il risque d'être poussé à la chute par ses adversaires politiques et syndicaux. 

mardi 15 juillet 2025

Thierry Ardisson, tout le monde en parle!

Thierry Ardisson qui vient de mourir emmenait les Français au salon balzacien et les faisaient assister, intimidés, penauds, incrédules, flattés, à ce qu'on pouvait leur donner à voir, à boire et à manger comme à des enfants avides et faméliques, des orgies télévisuelles où se côtoyaient le demi-monde et celui qui décide, les célébrités poursuivant leur image comme des ombres, des starlettes, des acteurs ayant besoin de se raconter après nous avoir raconté des histoires, des intrigants et de vrais influenceurs, comme on ne disait pas encore: au hasard de ce qui me revient et indifféremment que je préfère l'empreinte des uns ou des autres, de William Kristol, l'un des maîtres à penser du néo-conservatisme américain, à Michel Houellebecq englouti dans un de ses Daniels de "la Possibilité d'une île". On était prêts à lamper un fond de Champagne ou à regarder sous la table s'il ne resterait pas un rail de coke à chouraver.
Ça n'empêchait pas Ardisson d'avoir des idées. On disait que c'était un fils de pub dont le fond de sauce était un royalisme d'opérette pour taquiner tour à tour l'Action française revisitée par Bertrand Renouvin et le monde du spectacle avec, pour invité le plus emblématique et le plus récurrent, Yvan Attal. Il n'était pas d'un anticonformisme à se faire jeter de la télé pour inviter envers et contre tout les polycensurés quil avait contribué à faire monter en flèche comme Dieudonné ou Alain Soral.
Si on l'avait interrogé sur le contenu de son royalisme, je crois qu'il aurait été bien en peine d'en livrer une synthèse convaincante et structurée, de même que sur son catholicisme esthétique, quoique reste gravé dans ma mémoire de serviteur de la liturgie qui a la liturgie dans la peau à défaut que s'y glisse une chanteuse un peu fraîche des chorales que j'y accompagne en train d'accompagner le bon Dieu de leurs chants louangeurs qui nous Le rendent propice, on en a bien besoin!, cette remarque d'Ardisson sur la messe: "La messe, c'est très bien, mais c'est mal produit."
Je n'ai pas retenu grand-chose de beaucoup plus structurant quoique c'eût été mieux articulé, des tirades analytiques de Balzac sur le légitimisme ou le bonapartisme et je crois que bien malin qui pourrait dire, finalement, si Victor Hugo était plus fidèle quand il était le légitimiste médiévisant de ses années "Notre-Dame de Paris", quand il s'est perdu de vanité à la Chambre des pairs de la monarchie de juillet ou, proscription oblige, quand il se mua, à son retour d'exil dont l'aurait volontiers rappelé Napoléon le Petit, en socialiste bon teint plaidant contre la loi Falloux ou se faisant le précurseur des États-Unis d'Europe. Balzac a néanmoins écrit un "Traité de la prière" et un "Traité des excitants modernes" que je rêve de lire depuis des années et où je suis sûr que je trouverai à faire mon miel quant à l'une et aux autres.

Ardisson n'était le Balzac ou le Victor Hugo de notre époque que si nous n'en avons pas mérité d'autres. Du moins nous a-t-il introduit au salon des "Illusions perdues", tel un Étienne Lousteau se disputant avec Lucien de rubempré, le premier voulant bien faire piger l'autre pourvu qu'il disparût un jour, criblé de dettes ou sous les jupes de Coralie. Et puisque les politiques ne veulent plus, même à l'ère des réseaux sociaux, nous introduire dans la petite histoire et répondre à notre saine curiosité sur qui sont leurs mignons et qui leurs favorites, car ils n'ont vocation qu'à faire la grande histoire bien qu'ils fassent beaucoup d'embrouilles, on peut savoir gré à Ardisson, sinon de nous avoir introduits dans la chambre du roi, du moins de nous avoir offert un strapontin à la cour. Mais la cour était débilitante, diront les grincheux. La Bruyère ou Saint-Simon ne disaient pas moins de mal de celles qu'ils fréquentaient.