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lundi 8 septembre 2025

François Bayrou n'a pas gravi l'Himalaya

François Bayrou n'a pas voulu gravir l'Himalaya. L'Himalaya, il l'a décrit au début de son discours sur les "questions historiques" qui concernent "non pas les adultes qui se disputent tout le temps, mais les enfants et le monde que nous leur construisons" en décidant "des questions pour demain qui se règlent aujourd'hui."

Il n'a pas voulu rattraper notre "retard de production" par rapport à "la Belgique et aux Pays-Bas". Il n'a pas voulu comme il n'avait pas su le faire quand il en était le ministre entre 1993 et 1997, redresser "le problème de l'éducation nationale" qui se pose "parallèlement, mais pas sans lien", avec ce retard, accusant une baisse de la "maîtrise des fondamentaux", la perte de rayonnement de "nos lycées et de nos universités" et des "difficultés sur l'orientation trop précoce, trop angoissante, trop mécanique et n'assurant pas la promesse républicaine "égalité des chances" d'où qu'on vienne et s'il le faut deuxième chance et encore troisième chance". Cette crise de l'orientation affecte la baisse de la production, car il faudra bien clarifier un jour la part que l'on accorde au désir de l'élève et aux débouchés que peut rencontrer ce désir dans les besoins de la nation. 

Il n'a pas voulu s'attaquer au modèle social, à la crise du logement, à la crise écologique, à la crise de la "sécurité et de la justice", "les deux phases de notre premier devoir d'état". Il a baissé les bras devant "la question que les migrations posent à notre pays et à nos sociétés, liées aux différences de développement, à la misère chez les uns avec une démographie expansive, à l'abondance chez les autres avec une population déclinante". Il s'est senti dépassé par "l'aménagement du territoire dans l'hexagone" et les "déséquilibres entre les métropoles et les nouveaux déserts français". Il s'est  saisi de la question des outre-mers, mais en la confiant à Manuel Valls, il ne pouvait que les brader et les abandonner. De l'inconvénient d'avoir un gouvernement de poids lourds!  

Il a décrit l'Himalaya, mais n'a pas voulu le gravir. Il n'a pas voulu demeurer le maître d'oeuvre de cette "magnifique cathédrale à reconstruire pour un peuple qui le mérite", dont il a pourtant passé cinquante ans à échafauder les plans, même au commissariat au plan. À quoi auront donc servi ces cinquante ans de ministère de la parole? 

Dans l'exercice du pouvoir, il n'a pris que "six mesures législatives dont trois sur les outre-mers", aux dires de Marine Le Pen. Il n'a pas imposé le scrutin proportionnel, mais a réformé celui dit du PLM relatif à l'élection municipal dans les trois plus grandes villes de France. Il n'a pas mené à son terme la réforme de l'audiovisuel public chère à Rachida Dati et qui lui a valu les foudres de Thomas Legrand et de Patrick Coehn. Il a scindé la loi "fin de vie" en deux textes dont la discussion est à nouveau abandonnée en rase campagne. Tant mieux, diront ses opposants. Il n'a pas supprimé les agences dont l'accumulation fait perdre 80 milliards à l'Étatpays. Il ne s'est pas attaqué aux doublons qu'il dénonce depuis 2002 et qui, depuis sont devenus des triplés, des quadruplés et un palimpseste administratif. Il s'est contenté de répéter quelle voie d'économie ce serait de faire le ménage dans ce maquis bureaucratique. Il a envisagé du bout des lèvres de taxer un peu plus les riches de crainte de se faire retoquer par le Conseil constitutionnel sil voulait comme François Hollande  les taxer à 75 % sans en avertir Jérôme Cahuzac, le référent budgétaire de sa campagne présidentielle, pris de court, avant, ministre du budget, d'être pris en flagrant délit de fraude et d'évasion fiscale. 

Bref, François Bayrou na pas, il n'a pas, et il a pris prétexte pour ne pas... que le pays de la gréviculture était grevé par une montagne de dettes sur laquelle il aurait été le seul à alerter; et comme le diagnostic n'était pas partagé, non quant au constat, mais quant à la manière d'affecter la charge de la dette qui faisait perdre sa souveraineté à la France -la dette et les marchés, mais pas l'Union européenne, son absence de protection et de préférence communautaire, son marché unique et sa concurrence libre et non faussée-,  le Palois a mieux aimé s'en aller que s'empaler plein d'engelures sur les roches de l'Himalaya. 

Il s'est démultiplié de commentateur souvent interviewé dans des échanges tendus par l'audiovisuel public et privé dont il déplorait la concentration du pouvoir, en youtubeur monologuant sans influence, car le pouvoir n'est pas d'influence, bien que le futur ancien Premier ministre aui avait forcé la main d'Emmanuel Macron pour le devenir ait souvent assuré ne pas aimer le passage en force.  Il s'est vanté d'avoir réinstauré un dialogue démocratique en parfaite "transparence entre les citoyens", mais sans arriver à aucune solution parce que le propre de sa pratique  de la discussion démocratique était d'imposer son diagnostic, mais de ne pas plus répondre à la lettre de Marine Le Pen ou aux avances des socialistes qu'aux alertes sur Bétharam. Une démocratie qui répond aux citoyens comme s'ils étaient des abonnés absents pèche par immétodisme. François Bayrou est tombé à défaut de méthode et sur un tempérament démissionnaire qu'on lui soupçonnait, mais dont on n'imaginait pas que c'était la raison pour laquelle il différait d'accomplir ce destin à la Mendès ou à la de Gaulle qui lui aurait été prédit par la Vierge Marie comme Jean Guitton entretenait Jacques Chirac (rapporte Bernard Billaud, et c'était la mythologie du RPR que de le croire)  dans l'illusion qu'il avait un grand destin providentiel pour redresser la France. François Bayrou a glissé sur cette fuite mortuaire en cédant à la tentation de Venise et du repli sur Pau. Il a lâché la corde au moment de commencer l'escalade. On ne peut que regretter ce gâchis et cette victoire de la "pulsion de mort" chez cet homme qui n'était pas sans morgue, mais qui était incomparablement moins méprisant qu'Emmanuel Macron vis-à-viis de ce peuple qu'il ne comprend pas, n'aime pas  et dirige mal depuis huit ans qu'il préside à ses destinées. 

1 commentaire:

  1. Il n'y a pas d'argent magique. Il ne suffit pas de supprimer les aides aux migrants comme le voudrait le RN, de taxer les riches comme le voudrait la gauche, ou de dégraisser le soi-disant mammouth comme le voudrait le centre-droit. Il y a de menues économies à faire dans chacun de ces domaines, mais en cumulé cela ne répond même pas à 20% du problème.
    La réalité, c'est que les Français dans leur ensemble coûtent davantage à l'Etat qu'ils ne lui rapportent. Et personne n'est volontaire pour coûter moins à l'Etat, peut-être en partie parce que l'exemple montré d'en-haut ne va pas en ce sens, avec la belle indemnité, la voiture et le chauffeur dont Bayrou bénéficiera jusqu'à sa mort biologique et non politique.
    Les salaires du public ne sont plus indexés sur l'inflation depuis 2010, cette catégorie de la population est la seule à avoir fait un petit effort. Les retraités, du public comme du privé, voient leur pension revalorisée chaque année. Ceux du public n'ont pas de plafond et ceux du privé reçoivent jusqu'à 1962€ bruts du régime de base, environ 1800€ net, soit davantage que le Smic, et sans compter les caisses complémentaires. Cette allocation de 1800€, car il s'agit bien d'une allocation, du moment qu'elle est payée grâce aux cotisations des travailleurs actuels et non grâce aux cotisations des retraités, est versée sans condition de ressource. Un travailleur payé au Smic cotise donc pour que soit versé une allocation supérieure à son salaire à des gens qui ne foutent plus rien et ont des pensions de caisses complémentaires + revenus du capital
    par ailleurs. Plafonner cette allocation au niveau du Smic et ne la verser que sous condition de ressource de manière à compléter les autres revenus jusqu'au niveau du Smic, suffirait à avoir un budget public excédentaire. Mais dans cette gérontocratie égoïste, une telle mesure n'a aucune chance d'exister. Les retraités aisés continuerons donc à toucher leurs 1800€ du régime de base, ne les dépenserons pas car ils ont bien assez par ailleurs, et les transmettrons à leur descendance. Tant mieux pour ceux qui ont des parents financièrement aisés, tant pis pour les autres. C'est donc finalement moins un problème de discrimination générationnelle que de discrimination sociale.

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