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mardi 12 avril 2022

La France à la peine


L'élection présidentielle me laisse une impression de tristesse. Certains estiment que, si Marine Le Pen passait, ça provoquerait une guerre civile en France. Je ne sais pas, mais c'est probable. Au-delà, la question est de savoir si la xénophobie est une variable d'ajustement. L'histoire a longtemps été xénophobe et a consisté en une lutte des nations contre les étrangers. Et puis la Seconde guerre mondiale est passée par là et a essayé de construire des coalitions de nations qui ont fonctionné tant qu'il y avait deux blocs, mais qui ne fonctionnent plus: l'Union européenne étouffe sous sa bureaucratie et pourrait en mourir comme le communisme. François Asselineau avait été visionnaire en proposant la francophonie comme une alternative pour la France, mais il est inaudible ou il est en avance sur son temps. La xénophobie n'est plus de mise puisque beaucoup d'immigrés vivent avec nous et ont intégré nos nations. Pourtant  certains immigrés voudraient voter pour Le Pen, mais au moment de faire le pas décisif, ils ne se sentent pas prêts et on les comprend, ils auraient l'impression de voter contre eux-mêmes. Peut-on décemment les traiter en ennemis en votant contre eux? Cela m'a toujours mis mal à l'aise. Je ne pensais pas m'abstenir, aujourd'hui je ne sais plus, mais je necrois pas et je ne voterai pas Macron. 


Marine Le Pen a fait une campagne particulièrement nulle, d'une nullité qui confinait quasiment à celle de son débat avec Macron. La question de ceux avec qui Le Pen fille ou Le Pen père gouverneraient se posait depuis 2002. A supposer qu'elle gagne la présidentielle, elle peut d'autant moins gagner les législatives que tous ses cadres l'ont abandonnée pour redonner dans une scission villiéro-mégrettisteavec un candidat mieux cortiqué que Bruno Mégret et moins caricaturalement aristo décadent que Philippe de Villiers, car Zemmour a beau cliver, il est mondain et était introduit dans tous les milieux, dans toute la classe politique avant d'extrémiser son discours pour correspondre à ce que pense la bourgeoisie xénophobe. Marine Le Pen est seule, est plus seule que jamais. Depuis qu'elle dit avoir du coeur, elle est un peu seulette. 


La vie familiale de Zemour, de Villiers, des Le Pen n'est pas exemplaire, accusent ceux qui voudraient u ne conformité des actes et des paroles chez ces défenseurs de la famille. Elle est marquée du sceau de l'incohérence, mais peut-on faire un procès en incohérence? Tout être vit d'incohérences majeures. Un ami prêtre me disait ce matin que si nous n'étions pas un chaos, il n'y aurait pas besoin du Christ, d'un Sauveur, ou nous pourrions avoir un Sauveur beaucoup plus simple, nous qui sommes complexes. 


Le Pen père a-t-il torturé comme on l'en acuse? Il le nie, j'ai envie de le croire. La famille Le Pen, ce sont les atrides. Elle détient une rente politique qui bloque le pays. Le père était flamboyant, odieux et visionnaire, sa fille est fragile et insuffisante, la nièce est raide, suffisante et surcotée. La droite répubicaine est en miettes. Que Valérie Pécresse se soit endettée personnellement peine pour elle, mais elle n'avait pas l'étoffe pour être présidente. Tout sonnait faux. Moi qui suis d'un antimacronisme primaire, je prévoyais qu'elle pourrait être pire que Macron. 


Cinq ans supplémentaires de macronisme, combien de Gilets jaunes, combien de casse sociale? Je crois qu'il vaut mieux éviter cela que de  s'interdire de voter Le Pen, mais si mon vote Mélenchon du premier tour est un vote de coeur, je ne sais pas si le vote que j'envisage pourle second tour  est un vote de raison. Le Pen propose une politique qui ressemble beaucoup à celle de Mélenchon, mais avec des éléments d'inhumanité dès qu'il s'agit des étrangers. Peut-on être tendre avec les siens et dur avec les autres? 


Je pense même que Zemmour et Mélenchon faisaient presque la même analyse du monde, mais Mélenchon appelait "grand déménagement du monde" ou "créolisation" ce que Zemmour appelait "grand remplacement". Nommer autrement le même phénomène, c'était une manière de contourner par l'humanité une difficulté politique, une difficulté de "vivre ensemble" que je n'ai pas souvent ressentie, mais je ne suis pas exempt de racisme, j'ai eu trois épisodes racistes dans ma vie, dont je ne suis pas plus fier que du mal que j'ai pu faire, quel qu'il ait été. 


 Mélenchon déteste plus le fascisme de Le Pen que le libéralisme inhumain de  Macron, c'est un humaniste caractériel. Je n'ai jamais compris pourquoi ce choix s'imposait à lui sans discussion et il n'a jamais varié, n'en déplaise aux chroniqueurs menteurs ou superficiels. Il a dit il y a cinq la même chose que ce qu'il a répété quatre fois dimanche soir. L'insoumis croit-il qu'il va se faire obéir? Tout cela raconte un triste climat social au début de ce qui est pour les chrétiens la semaine sainte, celle du grand Mystère, la même qui a vu il y a deux ans, le lundi saint, l'effondrement de Notre-Dame, dont on ne saura jamais s'il résultait d'un incendie criminel ou involontaire. Faudra-t-il boire notre calice jusqu'à la lie? On n'a pas le choix de ne pas porter sa croix, sauf celui de mourir pour refuser de renoncer à soi-même. Je le dis, moi qui cours ce risque tous les jours, après avoir fait de mauvais choix à l'adolescence et j'ai peur d'en changer, car on sait ce qu'on perd, on n'est jamais sûr de gagner.

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