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vendredi 7 décembre 2018

Macron ne sera pas décapité

Trois remarques en réponse à l'article de Philippe Bilger: https://www.philippebilger.com/blog/2018/12/quoi-quil-se-passe-le-8-d%C3%A9cembre.html#comments. 1. Qu'y a-t-il de commun entre Macron et Giscard? En dehors du jeune âge auquel ils sont parvenus au pouvoir eu égard à la tradition d'ascention républicaine, rien, sinon que Giscard avait une fascination pour Luis XV bien qu'il appartînt à la bourgeoisie voltairienne, celle que Baudelaire accusait de provoquer "[l'ennui] en France parce que tout le monde y pense comme Voltaire ». Mais Giscard était fasciné par un aspect de la personnalité de Louis XV qui était ses scrupules. Il était fasciné par la figure du Bien-aimé telle que la lui donnait à lire Paul Del Perugia, historien catholique fervent et très minoritaire dans la faveur avec laquelle il considérait le roi, parce que celui-ci s'abstenait de communier étant donné ses liaisons adultérines peu adéquates avec les ordres de son confesseur, ce qui prouvait qu'il prenait la religion au sérieux. Or pour Macron, c'est le contraire. Il s'est très tôt posé la question religieuse, faisant lui-même le choix d’être baptisé à la réprobation de son père, avant de prendre la transgression au sérieux et en quelque sorte de donner sa revanche à Gabrielle Russier, morte d'aimer. Dans le mariage éphébophile que ce briseur de ménage a fait contracter à sa femme Brigitte, le professeur était une femme et c'est Macron qui l'a forcée. Cette transgression a fasciné des élites éclairées croyant relire "Adolfe" de Benjamin constant ou mésinterprétant "Le lys dans la vallée" comme si l'héroïne du roman se fût jamais donnée à son amant et ne lui eût pas opposé sa vertu par frigidité aristocratique sous couvert de morale chrétienne. Giscard donne la clé de sa fascination pour Louis XV DANS LE PREMIER TOME DU "Pouvoir et la vie", expliquant que sa femme, espérant malgré tout du salut de son âme, lui qui était en clin à des mœurs légères, l'avait ancré dans le catholicisme qu’il prenait à son tour malgré tout au sérieux. Giscard le voltairien avait des scrupules ou des « pudeurs de gazelle ». Comme Voltaire en sa chapelle de Fernay et qu'un chapelin accompagnait sur son lit de mort? Peu importe, dirait-on, ce que ces différents protagonistes ont fait de la figure du roi qui précéda le roi décapité. Car ce qui compte au bout de cette première remarque (ce n'est pas moi qui l'ai trouvé), c'est qu'Emmanuel Macron semble connaître le destin du Bien-aimé. Il doit finir en mal aimé. Qu'aimait-on dans le Bien-aimé? Un enfant- roi. Que finit-on par détester dans le Bien-aimé? Le même enfant qui abuse de sa royauté et ne sait pas discipliner ses plaisirs. 2. Le président est celui qui a théorisé que le peuple est en mal d'avoir décapité le roi, sans imaginer qu'ilpourrait être le suivant, si l'exerciice du pouvoir était trop vertical, monarchique, disaient les politologues, engoués de l’esthétisme du contraste de cette monarchie républicaine, jupitérien comme disait Macron, personnel comme dénonçait Mélenchon, qui aurait lui-même exercé un pouvoir on ne peut plus personnel s'il avait été porté à la tête d'un Etat que Louis XIV voulait incarner au point de dire: "L'Etat, c'est moi", lui attribue-t-on, alors que Macron, qui se vivait en roi solaire, voulait désétatiser son règne de monarque absolu, de monarque sans Etat, donc de monarque sans objet, dont la monarchie perdait son objet, réduisant le monarque à lui-même c’est-à-dire à néant, et l’exposant à toutes les vindictes publiques. On ne peut être que saisi par cette ironie de l'histoire qui fait que Macron est hanté par les fantômes des Villiers. Philippe de Villiers l'a repéré à la Rotonde. Macron est allé le courtiser au Puy du fou. Il a semoncé son frère en lui disant: "Je suis votre chef." Celui-ci, après avoir démissionné avec fracas, se répand sur le culte (objectivement fasciste) du chef, cependant que François Bert, tout en faisant une analyse très lucide de la vacuité macronienne, demande: "Où sont les chefs?" Je précise, même s'il devrait aller sans dire, que, si je souhaite que Macron soit destitué en ne me faisant pas beaucoup d'illusions, et si j’aimerais qu'il ait la lucidité de démissionner, car un peuple ne peut pas vivre trop longtemps sous un mal aimé au pouvoir en démocratie, je ne souhaite en aucun cas qu'on le décapite. Je souhaite même qu'il quitte cette épreuve avec le moins de lésions psychologiques possible, mais en entraînant, pour lui-même et pour le peuple reprenant conscience de lui-même comme entité politique, une réflexion sur les limites de la réalisation individuelle au pouvoir, qui perd de vue le bien commun et l'intérêt général, ces autres noms de la République comme chose du peuple et non comme idéologie post-révolutionnaire. 3. Vous écrivez, cher Philippe: "[Le président] ne pourra plus rassembler sur sa politique. Il devra rassembler au nom de la démocratie et de sa défense." Doublement non: -Comme beaucoup, vous confondez démocratie et République. Le président a pour lui la légitimité républicaine. Mais la République étant née d'une insurrection, la légitimité républicaine contient le renversement de la figure qui incarne la République. La France ne peut continuer longtemps à jouer avec ses symboles, sous peine d’être schizophrène et de se dire, d'un côté, issue de la Révolution et de l'autre effarouchée par le risque du coup d'Etat. -Le président de la République a la légitimité du suffrage universel. Il a donc la légitimité démocratique. Il a la légitimité de la démocratie représentative. Mais ce modèle est à bout de souffle, comme la sociale-démocratie des corps intermédiaires artificiels et d'une représentativité caduque qui l'accompagne et co-gère l'administration des choses avec le personnel politique. L'avenir est à l'autogestion politique, à la démocratie participative, à la démocratie directe, ce modèle que, quoi qu'il en demeure, les Gilets jaunes sont en train d'inventer.

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