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jeudi 6 décembre 2018

Gilets jaunes, diagnostic sans lassitude et sortie de crise

En réponse à l'article de Philippe Bilger: https://www.philippebilger.com/blog/2018/12/pens%C3%A9es-profanes-sur-les-gilets-jaunes-et-autres.html Une certaine bourgeoisie, à laquelle vous appartenez, cher Philippe, veut bien écouter un moment le peuple, ou disons mieux la classe moyenne, mais ensuite il faut que les choses reviennent au point mort et que le peuple rentre à la niche. Ainsi prend-on congé de la classe moyenne. Vous le faites dans ce billet, moins coupable que Jacques Julliard, qui a consacré toute sa vie, avec la deuxième gauche, à la défendre, mais qui quand la classe moyenne s'émancipe de sa cléricature, la trouve geignarde, vindicative, ridicule, méprisable. (Cf son article: "Le mai 68 de la classe moyenne" dans le Figarovox.) Il n'y a pas d'âge pour continuer à être éditorialiste à "Marianne" ou chroniqueur sur "Sud radio" parce qu'on aime les débats, ou invité permanent de "RTL" ou de "C dans l'air" comme l'est Roland Kayrol, 78 ans, et pour dire, comme il le faisait hier soir où Caroline Roux baisse la tête dès que cet oracle a parlé, que le peuple n'a pas inventé la lune (lui non plus que l'on sache!), avant d'en appeler à un retour à la gestion non représentative de ce mécontentement par ceux qui en sont les professionnels, ces fameux "corps intermédiaires" qui ne sont que la branche catégorielle et militante de cette intermédiation, les syndicats, et qui ne font qu'avoir leur rond de serviette de partenaires sociaux dans la sociale démocratie, quand ce qui sourd de ces manifestations, dont je prédis quant à moi qu'elles retombent elles aussi par effet de souffle, est un appel du peuple à la démocratie participative pour remplacer la sociale démocratie. Ce que je ressens confusément depuis qu'Emmanuel Macron est candidat, mais comme une évidence depuis la fin de sa campagne et a fortiori depuis qu'il est élu, ce n'est pas seulement qu'"il est têtu, le petit roi", mais qu'il est méchant. Emmanuel Macron est un roi méchant, irrespectueux et se moquant du monde, dqui n'est absolument pas venu faire un acte compassionnel en visitant la préfecture incendiée du Puy-en-Velay, mais dire aux Français comme à des chiens en leur mettant le nez dans leurs flammes à défaut de leurs déjections: "Regarde ce que tu as fait", cependant qu'"en même temps" (la relation humaine qu'instaure un pervers narcissique repose toujours sur l'injonction paradoxale), il lâchait du leste. "Le président, selon un proche, "vit très mal d'être détesté par les Français" (Le Monde)." C'est bien normal, lui dont le pouvoir prétendait reposer sur un amour irrationnel, basé sur une tolérance médiatique inconditionnelle pour la moindre de ses bévues. "Ou bien dois-je admettre que la France ne tolère que des Pères de la patrie passifs - par exemple Jacques Chirac et son immobilisme - mais se cabre face à ceux qui aspirent à la réformer ? " Carl Zéro l'a dit mieux que quiconque dans son film "Dans la peau de Jacques Chirac", Jacques Chirac voulait prendre le pouvoir, mais pour n'en rien faire. Mais au-delà de cette posture d'immobilisme, l'homme qui souffrait du syndrome de Malik oussekine aggravé par la gestion calamiteuse par Juppé du mécontentement qu'il provoqua en 1995, avait une hantise: ne pas bouleverser les équilibres d'une société qu'il sentait fragile. Hollande a sans doute pâti du même sentiment (tropisme corrésien il faut croire). Quant à "réformer la patrie", si c'est pour la projeter définitivement dens la prédiction technicienne de Bernanos de la France contre les robots, si c'est pour la robotiser et faire des citoyens des machines "laborieuses", mobiles, flexibles, sans domicile fixe, saisonnière, sans famille, avec de petits moyens, dont il sagirait que "le travail paye" autant que peut gagner une machine à produire et à consommer au service des investisseurs, des actionnaires et des rentiers, autant qu'on la laisse, cette patrie, à son humanité qui a bien des défauts, hormis celui de n'être plus humaine, trop humaine, lâchement humaine, médiocrement humaine, banalement humaine. "A quoi servirait à Emmanuel Macron de partir dans un autre Baden-Baden puisqu'il n'aurait pas un Pompidou à Matignon ?" Pardon. Le roi méchant se fout de tout, y compris de son premier ministre, qu'un propos rapporté par Le Canard le fait traiter de "branleur", et qu'il laisse ramer au Parlement, où le premier ministre a organisé un débat à sa demande et dont la sortie vespérale du président montre le peu de cas qu'il fait de cette institution républicaine, avant de le recadrer le soir même, par une formule hybride, plus imprécise que "le moratoire" ou "la suspension", puisque le président nous parle d'une "annulation pour un an", ce qui veut dire une suspension, avec remise sur le tapis l'année prochaine, après que les Français se seront accommodés de la baisse du pouvoir d'achat qui aura résulté du prélèvement à la source, sur lequel on peut faire crédit à Emmanuel Macron d'avoir été lucide, pour une fois, et plus lucide qu'Edouard Philippe. Irresponsable, le président, après avoir joué le pourrissement en intervenant "trop tard", s'engouffre dans la brèche ouverte par Marine Le Pen: "On dirait qu'il n'aura bientôt plus d'autre ressource que de tirer sur la foule" pour justifier par avance qu'il n'exclut pas cette option: "Il y a des gens qui sortiront ce samedi pour tuer." Puisqu'ils veulent tuer, il n'y a plus qu'à les tirer comme des lapins. Reste à savoir quel lendemain doit être celui de cette crise: -Il est grand temps et il devient indispensable que les Gilets jaunes s'organisent enfin, et rédigent des cahiers de doléance tout en prononçant s'ils sont favorables ou non aux revendications qu'on présente comme étant les leurs, d'où il ressort un grand bon sens économique, puisqu'ils n'ont pas l'air de penser comme Mélenchon que la hausse des salaires et la revalorisation du pouvoir d'achat devront reposer sur une hausse des cotisations, mais sur une baisse des charges, une des manières proposées d'augmenter le SMIC étant compensée, proposent-ils, par une exonération des charges patronales et salariales sur la valeur de cette augmentation. -Si Macron comprend qu'il doit partir ou si le Sénat comprend qu'il doit le destituer, Gérard Larcher doit assurer l'intérim en tant que président du Sénat. Il peut faire, au cours de son intérim où il doit organiser une nouvelle élection présidentielle, l'autre chose que demande le peuple en mal de nouveau modèle démocratique. Il peut convoquer une assemblée constituante beaucoup plus qu'il ne doit lui-même rédiger une nouvelle constitution, car cette délégation de "pleins pouvoirs" pour rédiger une nouvelle constitution a déjà été le prétexte à l'abandon de la souveraineté populaire à Pétain en 1940, puis à de Gaulle en 1958, dont si le coup d'Etat permanent et militaire s'est transformé en une Vème République acceptable et durable pendant 60 ans, on voit que celle-ci s'essouffle. -Le président par intérim (ou Macron s'il s'accroche à son mandat et ne prend pas la mesure de la dimension personnelle de cette crise) doit enfin prendre un certain nombre de mesures urgentes concernant la revalorisation du pouvoir d'achat, la hausse des salaires et la baisse des dépenses publiques, basé sur un redéploiement budgétaire qui remobilise les fonctionnaires dans les métiers de l'utilité et de la proximité sociale au détrriment de l'ingénérie sociale et de l'invention normative. Il faut qu'un chantier de réformes se mette en place pour que le pays aux 300000 normes les réduise tout au plus à 3000, tous métiers confondus. Voilà qui me semble ne pas nier la crise par fatigue de celle-ci tout en proposant une sortie de crise, ce qui est la responsabilité de quiconque prend la parole en cette période, si faible soit son audience.

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