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mardi 17 janvier 2017

Peut-on être catholique et identitaire?

Le débat fait rage autour du livre d’#Erwan Le Morhedec, IDENTITAIRES, LE MAUVAIS GENIE DU CHRISTIANISME. Les lignes qui suivent proposent une réponse à son article publié ici : http://www.koztoujours.fr/identitaire-le-mauvais-genie-du-christianisme?subscribe=success#blog_subscription-3 Essayons de raisonner avec ordre. 1.Votre livre pose avant tout un problème d'opportunité. A l'heure où nous sommes tant en recherche de nous-mêmes et où il s'agit de s'aimer soi-même pour aimer son prochain, l'urgence était-elle d'accabler les identitaires dont certains sont ou se disent chrétiens, ou de chercher avec eux à tracer le périmètre de qui nous sommes? Je ne peux pas m'aimer si je ne cerne pas qui je suis. De même, j'aime Dieu Qui se dérobe ("Je ne te dirai pas qui je suis, dit-Il en substance à Moïse au buisson ardent) parce qu'Il nous a aussi révélé qu'Il était Amour et Lumière. Ou pour développer la même idée par un autre prisme, l'apostasie menace notre foi, concédez-vous. Nous devons lutter contre l'apostasie. Or nous ne pouvons ni renier ni défendre ce que nous ne connaissons pas. 2. Dans votre article, vous en venez à imaginer qu'un jour, nous autres catholiques d'après la chrétienté, nous autres post-croisés, nous serons mis en demeure de prouver que notre religion n'a rien à voir avec la violence commise en son nom du fait des identitaires qui seraient nos djihadistes. Une sorte de "pas d'amalgame" transféré de l'islam au christianisme, comme si l'islam n'était pas intrinsèquement, depuis la geste prophétique jusqu'à aujourd'hui et malgré la mystique de qualité attachée à cette religion, une épopée violente. La violence du christianisme est toujours extrinsèquement chrétienne. Le Christ roi n'est pas un chef politique. Il a manié l'épée de la Parole et commandé que l'on remette l'épée au foureau. L'Autel n'a pas de glaive. 3."Le pape n'est pas le défenseur de la chrétienté", assénez-vous. Il doit cependant bien défendre les brebis qu'il est chargé de faire paître. S'il ne peut pas les défendre, si la chrétienté est un gros mot, autant dire que le christianisme ne peut pas promouvoir une "politique de civilisation". Pas plus contre le "gender" ou contre "le mariage pour tous" que pour le "monde nouveau" du CCFD, terre solidaire. Car une civilisation suppose toujours une identité qui se définit par position et par opposition, en positif et en négatif, en pour et en contre. C'est pourquoi j'ai toujours été gêné par la réquisition d'une "civilisation de l'amour", qui me paraît une contradiction dans les termes. La civilisation chrétienne, autre traduction de la chrétienté, me paraît une ruse de l'histoire. Y a-t-il une civilisation chrétienne? Voilà une question qui vaut d'être posée, elle et quelques autres que vous semblez aborder dans votre livre que je me promets (et vous promets) de lire. 4. En voici une liste non exhaustive: peut-on être catholique et voter pour le front national, catholique et libéral, catholique et filloniste - Fillon passant à tort ou à raison pour le candidat antipauvre et les catholiques se posant en défenseurs des pauvres-, catholique et avocat d'affaire -ce qui est votre cas. vous pouvez l'être à la manière de l'intendant habile qui se fait des amis avec l'argent trompeur sans aimer cet argent-, être paÿen et chrétien? A toutes ces questions, j'aurais tendance à répondre que non, mais une tendance demande réflexion. Je me bornerai à cerner la dernière question puisqu'aussi bien, elle fait l'objet de votre livre. Il me semble qu'on ne peut plus être païen et chrétien après le fascisme puisque la revendication de paganisme bat assez ouvertement le rappel d'un retour à la barbarie. Dans ce monde post-chrétien (puisque nous abusons décidément du préfixe "post"), il me semble que nous devons être judéo-chrétiens, ce qui exclut que nous soyons pagano-chrétiens. 5. Trois mots encore. Le premier sera pour adresser une question supplémentaire à Jacques, un des premiers commentateurs de ce billet, qui vous écrit: « Merci d’être un des rares témoins du fait que si le conservatisme est compatible avec le catholicisme, le rejet ou la haine de l’autre ne le sont pas.» Mais encore? Connaissez-vous un conservatisme qui ne soit pas captatif? J'irai plus loin. Tout un discours de droite, tenu de Philippe de Villiers à Patrick Buisson, vise à théoriser un populisme conservateur, qui serait une récupération salvatrice, assurée par les classes populaires, des valeurs séculaires abandonnées par la bourgeoisie comme autrefois par l'aristocratie, cet abandon aristocratique étant une des "régularités" foucaldiennes. Or ce populisme conservateur me paraît une chouannerie, c'est-à-dire une escroquerie intellectuelle d'une eau plus sale, à tout prendre, que l'escroquerie identitaire. "Les bleus" étaient pour la plupart des paysans qui faisaient la guerre au nom de leurs "messieurs" partis à "la chasse à la perdrix" (pour reprendre une chanson chouane), en émigration, et qui les avaient abandonnés. 6. Quant à la civilisation, considérée indépendamment de la question de savoir si le christianisme est capable d'en générer une ou si c'est la ruse de l'histoire au moyen de laquelle il est entré dans le monde, elle est le versant humain de la vertu de religion. Pas plus que la France n'est qu'un paysage, il n'existe de foi sans religion et partant sans civilisation. La religion relie, en haut, à Dieu et, et en bas, à une civilisation. Votre foi dans le Verbe incarné n'est pas hors sol. Elle n'existe pas indépendamment d'une civilisation dont il faut un tant soit peu défendre l'identité. 7. Enfin, l'identité a-t-elle un bien-fondé spirituel? Dans la Bible, Dieu se définit à la fois comme éternellement le Même et éternellement Insaisissable, y compris, semble-t-il, à Lui-même, mais en tout cas à nous: "Noli me tangere", "cesse de me tenir". "Identité" vient de "idem". L'identité, c'est donc la similarité. Nous ne devons pas être identiques à nous-mêmes, mais ressemblants à Dieu. Cette Ressemblance contient néanmoins un désir de se fixer dans une fidélité à ce qu'on est au plus profond de soi-même. Aimer, c'est se fixer en se déplaçant pour devenir celui qu'on aime. C'est rester soi-même et se laisser entraîner.

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