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samedi 21 janvier 2017

Le monde d'Après-guerre?

Je me risque à prendre date en déclarant que l'élection de Trump nous fait entrer dans le monde d'Après-guerre, oui, dans le monde que l'on n'attendait plus d'après la seconde guerre mondiale, dont la sortie nous aura pris 72 ans, et dans une Histoire où l'espèce humaine peut continuer d'écrire après Auschwitz parce qu'il y a eu le goulag, les Khmers rouges, le Rwanda... Le caractère imprévu de cette élection à laquelle elle ne voulait pas croire oblige l'Europe à penser soudainement ce monde d'Après-guerre: elle a pu longtemps s'en abstenir, protégée qu'elle se sentait par le transatlantisme, qui la sommait de rester unie. L'Europe a perdu son utilité du point de vue de la paix à l'intérieur de ses frontières: les guerres qui la menacent sont désormais extérieures, et l'opposent à une autre ère de civilisation qui voudrait prendre sa revanche sur l'hégémonie occidentale. Elle n'a jamais réussi à s'organiser en Europe de la défense. La pression que Trump mettra pour neutraliser l'OTAN pourrait l'obliger à créer une CED (bis) ou à perdre son sens en tant qu'Union européenne. Car le sens de l'UE n'est pas d'être un marché commun. Il n'est pas non plus de niveler par le bas des économies hétérogènes. Il n'est plus de s'élargir, y compris à des pays non européens, il est de s'approfondir. Si le monde sort de l'Après-guerre à compter de l'élection d'un président américain d'origine allemande, l'ironie voudra que ce soit lui qui nous sorte de l'Europe allemande, cette Europe que nous aurons construite contre le mal que nous aura fait une Allemagne ouvertement offensive, qui se sera retournée en imposant son réalisme économique ou la qualité de son industrie, tout en détruisant le charbon et l'acier que l'Europe se promettait de protéger dans son acte de naissance. L'Allemagne était devenue la caution sans frontière maritime de l'Europe transatlantique. Le brexit et un président américain d'origine allemande renouent avec une permanence géopolitique, qui fait de la grande Bretagne l'origine et désormais le prolongement de l'Empire américain, à moins que les Etats-Unis ne soient la continuation de l'Empire britannique par d'autres moyens, un Empire qui prétend désormais ne plus vouloir imposer sa pax americana. C'est un mur de berlin qui tombe, sans tomber par le déclin de l'Amérique, dont l'économie est fragilisée, sinon condamnée, par sa dette, qui est aux mains des Chinois à l'égard desquels Trump ferait bien de se montrer plus prudent. C'est un mur de Berlin qui tombe et dont ceux qui nous gouvernent ne désiraient pas la chute. Même les intellectuels héritiers des partisans d'une union avec la Russie soviétique sont stupéfaits de se retrouver nostalgiques de cet ancien maître dont ils adoraient détester la domination, quoique les intellectuels français aient toujours été fascinés par la culture américaine. La chute de ce mur de Berlin nous fait entrer dans le monde de la souveraineté et de la multipolarité, du non alignement généralisé. Il ne faut pas être paresseux pour penser ce monde-là. Et il faut le penser subito.

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