Disputation courtoise entre
le Torrentiel et @Robert Marchenoir sur le blog de Philippe Bilger
@Robert Marchenoir :
Merci tout d’abord de votre nomination
de ma modeste personne dans l’Ordre du Débat. Rien ne peut faire plus de plaisir
à un démocrate direct, qui ne déplore pas comme Maurras « les vices de la
discussion » (Savonarole me pardonnera de ne pas être proscriptible à sa
police des arrière-pensées), mais croit au contraire que de la discussion
jaillit la lumière.
Nous allons pour commencer nous débarrasser
des poutinistes du Salon beige. Ce blog de Tartufes n’est pas mené ni modéré par
des gens sérieux. Vous dites que c’est une farce de penser que Poutine ait « remédié
au communisme ». Nous allons faire mal aux gens du Salon Beige en leur
parlant un langage qu’ils comprennent. Poutine est, toutes choses égales par
ailleurs, un orthodoxe russo-gallican et un conciliaire de l’Église orthodoxe
de la transposition des accords de Metz dont parlait tant Jean Madiran, une
Église « patriotique » inféodée au communisme et à son matérialisme,
et à son athéisme pratiques. Le pape François, le patriarche Kyril et les
frères Castro étaient somme toute en assez bonne intelligence à Cuba.
Poutine a-t-il organisé une oligarchie
puissance 2 ou a-t-il préservé Eltsine et sa famille d’être inquiétés pour
leurs prébendes, tout en se faisant faire une clef de la caisse noire pour
blanchir, profiter et quelquefois thésauriser, dans l’intérêt du pays ou
dans le sien ? Je vous adresse cette question-réponse le soir où notre hôte a
comparé sans transition la figure d’un héros, le lieutenant-colonel Arnaud
Beltrame, et celle des politiques, qui ont la main trop près de la caisse pour
que leurs affidés et clients leur pardonnent de ne pas y plonger. Un président
de la République ressemble plus à des directeurs d’école, à des fermiers
généraux et à des intendants (ou économes) du royaume qu’à des rois, mais leurs
fonctions les obligent à fréquenter Cartouche plutôt que Saint Vincent de Paul,
fonction que l’on dégrade quand on juge un président comme un prévenu de droit
commun (Sarkozy et l’affaire libyenne). Macron lustre la fonction présidentielle
française parce que c’est un cosmétique encaustiqué, mais gare à la causticité
judiciaire ! Gare aux incorruptibles – Poutine n’est pas
Robespierre - ! Gare au dantonesque journalisme de l’anti-corruption médiapartienne
et proche du « système », qui ne vit que d’être en cheville avec les
corrompus, même si la parente de Fabrice Arfi n’était pas l’avocate de Ziade
Takieddine, mais revenons à Poutine.
Vous avez raison. Hélène Carrère
d’Encausse et Vladimir Fedorovski ont un point commun qui est, contrairement à Françoise
Thom, tributaire du vieil antisoviétisme de papa cher à Pierre de Villemarest,
d’avoir fait muer l’anticommunisme en apologie de la Russie éternelle et de son
modèle autoritaire. Poutine est pardonnable s’il perpétue moins Staline,
accident de l’histoire rattrapé par sa fidélité au modèle tsariste et cruel, qu’allez,
soyons gentils, non pas Ivan le Terrible, mais Pierre le Grand. Hélène Carrère
d’Encausse et Vladimir Fedorovski ont tous les deux participé à cette
transformation de la critique du soviétisme et de ses commissaires politiques
en apologie des autocrates à la main ferme dans un gant de crin, expression de
la Russie éternelle. Cela est compréhensible dans la Russe blanche (même si
géorgienne d’origine) qu’est Hélène Carrère d’Encausse. Cela semble se dresser
en contradiction avec le modèle qu’avait voulu proposer Gorbatchev à la Russie.
Mais Gorbatchev n’est pas un gauchiste. Il ironise même contre une France qui serait
le dernier pays d’extrême gauche du monde libre. Et pourquoi Gorbatchev le
libérateur n’est-il pas populaire en Russie ? Gorbatchev ne fait pas le
pont entre l’oligarchie et le tsarisme. Son impopularité ne s’expliquerait-elle
pas par là ?
Dès lors Hélène Carrère d’Encausse
est conséquente. Elle faisait de l’Empire éclaté le châtiment du soviétisme.
Elle préfère la centralisation désormais que le pouvoir est stable. Elle ne se
remet pas de la sécession de l’Ukraine et de la Biélorussie. Elle ne peut
cautionner le séparatisme du « berceau » et du « cœur slave »
de la Russie. L’Ukraine, riche de l’épopée de saint Vladimir, a fait naître la
troisième Rome qui serait Moscou. Donc Kiev doit s’effacer devant Moscou la
blanche. Mme Carrère d’Encausse ne peut pas applaudir au repli autarcique de l’orthodoxie
sur Kiev. Elle peut moins encore se féliciter du reniement des valeurs russes de
l’orthodoxie du berceau pour épouser le poumon européen encrassé de goudron et
de tabacqui tue matériellement, dans un cnsumérisme hédoniste et anti-religieux.
Mme Carrère d’Encausse « n'a pas prédit
correctement l'effondrement de l'URSS, avec son fameux bouquin L'Empire
éclaté de 1978. Elle y annonçait la chute de l'empire soviétique par
sécession des républiques musulmanes. » Le préjugé aristocratique d’Hélène
Carrère d’Encausse goûte peu l’islam caucasien. Tout juste mérite-t-il la
férule de Kadirov. Vous laissez entendre que cette créature de Poutine pourrait
tout à fait s’affranchir du Pygmalion qui l’a mis au pouvoir comme un préposé
aux latrines qui s’exprimerait volontiers dans unlangage fleuri : « Gare
à Poutine, celui qui m’a fait roi, moi, le fou, après avoir dit qu’il nous
poursuivrait, nous, les Tchétchènes, jusque dans les chiotes ! Je tiens
Poutine par les bourses. Je [ferai] tirer sur la police russe si elle pénètre
en Tchétchénie sans [mon] autorisation. » Louis-Ferdinand Kadirov adopte la
contre-rhétorique poutinienne folklorique de celui qui l’a installé comme son
pantin de Grozny. Voilà qu’il veut se mettre les Tchétchènes dans la poche !
Ce folklore verbeux d’un drôle d’ayatollah à la voix éraillée a-t-il une importance
quelconque ? Comment Kadirov pourrait-il faire chanter Poutine ? Le
rapport de forces n’est-il pas disproportionné ?
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