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vendredi 23 mars 2018

Le poutinisme français est-il un nouveau soviétisme ?


Disputation courtoise entre le Torrentiel et @Robert Marchenoir sur le blog de Philippe Bilger

 

 

@Robert Marchenoir :

 

Merci tout d’abord de votre nomination de ma modeste personne dans l’Ordre du Débat. Rien ne peut faire plus de plaisir à un démocrate direct, qui ne déplore pas comme Maurras « les vices de la discussion » (Savonarole me pardonnera de ne pas être proscriptible à sa police des arrière-pensées), mais croit au contraire que de la discussion jaillit la lumière.

 

Nous allons pour commencer nous débarrasser des poutinistes du Salon beige. Ce blog de Tartufes n’est pas mené ni modéré par des gens sérieux. Vous dites que c’est une farce de penser que Poutine ait « remédié au communisme ». Nous allons faire mal aux gens du Salon Beige en leur parlant un langage qu’ils comprennent. Poutine est, toutes choses égales par ailleurs, un orthodoxe russo-gallican et un conciliaire de l’Église orthodoxe de la transposition des accords de Metz dont parlait tant Jean Madiran, une Église « patriotique » inféodée au communisme et à son matérialisme, et à son athéisme pratiques. Le pape François, le patriarche Kyril et les frères Castro étaient somme toute en assez bonne intelligence à Cuba.

 

Poutine a-t-il organisé une oligarchie puissance 2 ou a-t-il préservé Eltsine et sa famille d’être inquiétés pour leurs prébendes, tout en se faisant faire une clef de la caisse noire pour blanchir, profiter et quelquefois thésauriser, dans l’intérêt du pays ou dans le sien ? Je vous adresse cette question-réponse le soir où notre hôte a comparé sans transition la figure d’un héros, le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, et celle des politiques, qui ont la main trop près de la caisse pour que leurs affidés et clients leur pardonnent de ne pas y plonger. Un président de la République ressemble plus à des directeurs d’école, à des fermiers généraux et à des intendants (ou économes) du royaume qu’à des rois, mais leurs fonctions les obligent à fréquenter Cartouche plutôt que Saint Vincent de Paul, fonction que l’on dégrade quand on juge un président comme un prévenu de droit commun (Sarkozy et l’affaire libyenne). Macron lustre la fonction présidentielle française parce que c’est un cosmétique encaustiqué, mais gare à la causticité judiciaire ! Gare aux incorruptibles – Poutine n’est pas Robespierre - ! Gare au dantonesque journalisme de l’anti-corruption médiapartienne et proche du « système », qui ne vit que d’être en cheville avec les corrompus, même si la parente de Fabrice Arfi n’était pas l’avocate de Ziade Takieddine, mais revenons à Poutine.

 

Vous avez raison. Hélène Carrère d’Encausse et Vladimir Fedorovski ont un point commun qui est, contrairement à Françoise Thom, tributaire du vieil antisoviétisme de papa cher à Pierre de Villemarest, d’avoir fait muer l’anticommunisme en apologie de la Russie éternelle et de son modèle autoritaire. Poutine est pardonnable s’il perpétue moins Staline, accident de l’histoire rattrapé par sa fidélité au modèle tsariste et cruel, qu’allez, soyons gentils, non pas Ivan le Terrible, mais Pierre le Grand. Hélène Carrère d’Encausse et Vladimir Fedorovski ont tous les deux participé à cette transformation de la critique du soviétisme et de ses commissaires politiques en apologie des autocrates à la main ferme dans un gant de crin, expression de la Russie éternelle. Cela est compréhensible dans la Russe blanche (même si géorgienne d’origine) qu’est Hélène Carrère d’Encausse. Cela semble se dresser en contradiction avec le modèle qu’avait voulu proposer Gorbatchev à la Russie. Mais Gorbatchev n’est pas un gauchiste. Il ironise même contre une France qui serait le dernier pays d’extrême gauche du monde libre. Et pourquoi Gorbatchev le libérateur n’est-il pas populaire en Russie ? Gorbatchev ne fait pas le pont entre l’oligarchie et le tsarisme. Son impopularité ne s’expliquerait-elle pas par là ?

 

Dès lors Hélène Carrère d’Encausse est conséquente. Elle faisait de l’Empire éclaté le châtiment du soviétisme. Elle préfère la centralisation désormais que le pouvoir est stable. Elle ne se remet pas de la sécession de l’Ukraine et de la Biélorussie. Elle ne peut cautionner le séparatisme du « berceau » et du « cœur slave » de la Russie. L’Ukraine, riche de l’épopée de saint Vladimir, a fait naître la troisième Rome qui serait Moscou. Donc Kiev doit s’effacer devant Moscou la blanche. Mme Carrère d’Encausse ne peut pas applaudir au repli autarcique de l’orthodoxie sur Kiev. Elle peut moins encore se féliciter du reniement des valeurs russes de l’orthodoxie du berceau pour épouser le poumon européen encrassé de goudron et de tabacqui tue matériellement, dans un cnsumérisme hédoniste et anti-religieux.

 

Mme Carrère d’Encausse « n'a pas prédit correctement l'effondrement de l'URSS, avec son fameux bouquin L'Empire éclaté de 1978. Elle y annonçait la chute de l'empire soviétique par sécession des républiques musulmanes. » Le préjugé aristocratique d’Hélène Carrère d’Encausse goûte peu l’islam caucasien. Tout juste mérite-t-il la férule de Kadirov. Vous laissez entendre que cette créature de Poutine pourrait tout à fait s’affranchir du Pygmalion qui l’a mis au pouvoir comme un préposé aux latrines qui s’exprimerait volontiers dans unlangage fleuri : « Gare à Poutine, celui qui m’a fait roi, moi, le fou, après avoir dit qu’il nous poursuivrait, nous, les Tchétchènes, jusque dans les chiotes ! Je tiens Poutine par les bourses. Je [ferai] tirer sur la police russe si elle pénètre en Tchétchénie sans [mon] autorisation. » Louis-Ferdinand Kadirov adopte la contre-rhétorique poutinienne folklorique de celui qui l’a installé comme son pantin de Grozny. Voilà qu’il veut se mettre les Tchétchènes dans la poche ! Ce folklore verbeux d’un drôle d’ayatollah à la voix éraillée a-t-il une importance quelconque ? Comment Kadirov pourrait-il faire chanter Poutine ? Le rapport de forces n’est-il pas disproportionné ?

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