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vendredi 2 mars 2018

Le contrat de restauration


Tenté de réserver un restaurant pour, ce soir, fêter les 75 ans de ma mère. Une voix suave me répond au téléphone : « Valérie à votrre écoute ! » « Je souhaiterais effectuer une réservation ». « Il va falloir rappeler vers midi moins le quart. » Pourquoi tant de suavité et si peu de service ?

 

Reçoit-on moins bien aujourd’hui dans les auberges que du temps du bel autrefois ? Les Ténardier non plus ne voulaient pas recevoir Jean Valjean. Mais Jacques le fataliste s’y prenait de telle manière qu’il coupait court à tous les refus. Il se ramenait avec sa gourde et vas-y que j’assois mon sans-gêne dans ta salle à manger !

 

Le contrat implicite de restauration ressemble à l’intimisme volontiers conflictuel de l’habitacle des taxis : « Tu loues mes services et je m’engage à te faire croire l’espace d’une soirée que tu es le client le plus agréable et le plus important au monde. Je m’engage à te faire croire que tu es le bienvenu chez moi et que chez moi, c’est chez toi. Mais si tu le crois au point de m’emmerder,  si tu ne souffres pas d’attendre patiemment que je sois à toi quand tu me sonnes pour avoir un dessert ou un quart de rouge supplémentaire, bref, si tu prends un peu trop tes aises, tu prends la porte, et je vais te montrer qui est le propriétaire ici. »

 

Un patron de restaurant est une sorte de Florent Pagny qui te chante : « Bienvenue chez moi », mais qui te prie de ne pas le croire en achetant sa chanson pour que le fisc n’ait pas sa « liberté de pensée ». Pagny l’avait dit en propres termes dans une interview, dans laquelle il assurait qu’il ne fallait surtout pas prendre au pied de la lettre l’invitation qu’il lançait à tous les SDF de prendre sa maison pour la maison du bon Dieu. Au contraire, Depardieu, notre Obélix national, avait envoyé un communiqué à la police à propos des intermittents du spectacle qui avaient envahi son hôtel particulier : « Tolérance, laissez-les squatter, mais tout mon mépris entre les lignes. »

 

Le restaurant est le dernier endroit au monde où le propriétaire se fait obséquieux pour un temps qui n’excédera pas la fermeture après laquelle s’éteindra mon droit de passage oud’invasion. Je suis privé de fermeture, privé d’être enfermé derrière le rideau. Mon droit de passage est forclos avant la fermeture et ne contient pas celui de rester après la clôture, derrière la clôture ou dans le cloître. Mon passage au restaurant est une scène de théâtre où le propriétaire se fait mon serviteur, mais enlève son déguisement avant la fin de la pièce. Encore, se déguise-t-il de plus en plus mal et déguise-t-il de moins en moins bien que je suis un intrus mal établi dans son établissement.

Tenté de réserver un restaurant pour, ce soir, fêter les 75 ans de ma mère. Une voix suave me répond au téléphone : « Valérie à votrre écoute ! » « Je souhaiterais effectuer une réservation ». « Il va falloir rappeler vers midi moins le quart. » Pourquoi tant de suavité et si peu de service ?

 

Reçoit-on moins bien aujourd’hui dans les auberges que du temps du bel autrefois ? Les Ténardier non plus ne voulaient pas recevoir Jean Valjean. Mais Jacques le fataliste s’y prenait de telle manière qu’il coupait court à tous les refus. Il se ramenait avec sa gourde et vas-y que j’assois mon sans-gêne dans ta salle à manger !

 

Le contrat implicite de restauration ressemble à l’intimisme volontiers conflictuel de l’habitacle des taxis : « Tu loues mes services et je m’engage à te faire croire l’espace d’une soirée que tu es le client le plus agréable et le plus important au monde. Je m’engage à te faire croire que tu es le bienvenu chez moi et que chez moi, c’est chez toi. Mais si tu le crois au point de m’emmerder,  si tu ne souffres pas d’attendre patiemment que je sois à toi quand tu me sonnes pour avoir un dessert ou un quart de rouge supplémentaire, bref, si tu prends un peu trop tes aises, tu prends la porte, et je vais te montrer qui est le propriétaire ici. »

 

Un patron de restaurant est une sorte de Florent Pagny qui te chante : « Bienvenue chez moi », mais qui te prie de ne pas le croire en achetant sa chanson pour que le fisc n’ait pas sa « liberté de pensée ». Pagny l’avait dit en propres termes dans une interview, dans laquelle il assurait qu’il ne fallait surtout pas prendre au pied de la lettre l’invitation qu’il lançait à tous les SDF de prendre sa maison pour la maison du bon Dieu. Au contraire, Depardieu, notre Obélix national, avait envoyé un communiqué à la police à propos des intermittents du spectacle qui avaient envahi son hôtel particulier : « Tolérance, laissez-les squatter, mais tout mon mépris entre les lignes. »

 

Le restaurant est le dernier endroit au monde où le propriétaire se fait obséquieux pour un temps qui n’excédera pas la fermeture après laquelle s’éteindra mon droit de passage oud’invasion. Je suis privé de fermeture, privé d’être enfermé derrière le rideau. Mon droit de passage est forclos avant la fermeture et ne contient pas celui de rester après la clôture, derrière la clôture ou dans le cloître. Mon passage au restaurant est une scène de théâtre où le propriétaire se fait mon serviteur, mais enlève son déguisement avant la fin de la pièce. Encore, se déguise-t-il de plus en plus mal et déguise-t-il de moins en moins bien que je suis un intrus mal établi dans son établissement.

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