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vendredi 9 mars 2018

Baptême et maternité

Début de cette longue entrée du second tome de mon Journal intuitif




BAPTEME ET FILIATION :

 

 

 

 

Baptême et maternité :

 

 

1er février 2003

 

1. A l'abbaye mérovingienne de Jouarre où le 12 janvier dernier, nous célébrions, moi aux grandes orgues SVP, le baptême du Seigneur, le Père Achille Mestre, un moine bénédictin issu des cabinets ministériels ([1] )  et devenu l'aumônier des soeurs, fit retentir au début de son sermon cette question que lui avaient posée un couple de "braves gens", des parents du village qui voulaient faire baptiser leur enfant et qu'il disait peu cultivés :

 

"Mais pourquoi Jésus s'Est-Il fait baptiser ?"

 

Question pertinente, qu'avec mon sens inné de la provocation (Soeur Elisabeth-Marie me faisant passer un bac blanc de philo, me déclara à ma jubilation : "Tu aimes à choquer..."), j'ai vite fait de traduire en ces termes désobligeants :

"Pourquoi Jésus est-Il entré dans son propre système ?"

 

Le baptême n'est-il pas un système ? C'est à n'y plus retrouver ses petits. D'un côté, les curés, dans ce qui leur reste de chaire, au moment du baptême, font tout pour persuader les parents qui sont venus à eux en telle perte de repères que c'est un miracle si ces petits poucets ont retrouvé le chemin de la Maison du Pain, que le baptême, non non,  n'est pas magique. Et d'un autre côté, les mêmes curés, qui ne sont pas fâchés qu'on donne au denier de l'Eglise et sont un peu déboussolés au point de vue de la Foi, font tout pour qu'on baptise les enfants, et ce n'est pas pourle denier.

 

Et quand je dis qu'ils font tout, ça va jusqu'à la profession de foi, Sacrement de prolongement, censé être "la rénovation des voeux de baptême" et qu'on fait faire à un âge où les enfants ne sont pas mûrs, pas  responsables de leur acte de fiat. Ils ne font leur communion solennelle que pour avoir la carotte des cadeaux qui vont avec et comme une parodie sociale qui marque le dernier moment de leur initiation chrétienne, et précède bien naturellement ce premier acte adulte d'entrée dans la vie civile que sera le mariage religieux dont la religion tient à ce qu'il soit précédé du mariage civil, je vous ai dit qu'on s'y perdait...

 

Autrement dit, le baptême est un système tellement bien huilé que, non seulement il marque de manière indélébile des enfants qui n'ont pas eu le choix de répondre en conscience aux questions qui leur ont été posées ; mais qu'au seul moment où ces enfants pourraient valider ou invalider leur baptême, soit au moment de leur profession de foi, on leur confisque cette dernière liberté pour que surtout, ils aient bien tout faitet que cela ne salisse pas leur aube blanche. Pour un Sacrement qui n'est pas magique, je vous ai dit qu'ons'y perdait...

 

Et je n'ai rien dit de tout le foin qu'on fait pour savoir où sont les enfants morts avant que d'avoir eu le temps d'être baptisés. Certes, il n'y a plus que J.B. Pontalis pour se rappeler qu'ils sont dans LES LIMBES, mais c'est en partant de là peut-être qu'on pourrait trouver l'explication du baptême, qui est très liée par ailleurs à la maternité dans laquelle tout enfant est mis au monde. Car autant paternel était  l'engendrement qui l'a conçu, autant maternelle est son entrée dans la vie... et dans la mort.

 

2. Non pas seulement comme on dit que tout être naît pour la mort et qu'ainsi, en donnant naissance à son enfant, sa mère le fait naître pour la mort ; mais lorsque le foetus est engendré dans sa mère, l'âme en entrant dans la maternité boit la mort. Je veux dire qu'elle sort du désir où Dieu était d'elle pour entrer dans une réalité amiotique où elle commencera par prendre inconscience en empruntant la conscience de quelqu'un qui lui donnera ses mots, avant de s'éveiller à la conscience en connaissant le sens de quelques mots.  Je crois que les mots précèdent la pensée en ce sens que la conscience naît du langage.

 

On trouvera peut-être qu'en énonçant aussi abruptement que l'âme de l'enfant boit la mort en entrant dans sa mère, je saute allègrement par-dessus toutes les traditions pour lesquelles l'âme n'a jamais été qu'immortelle et certainement pas éternelle. Mais éternelle était l'âme dans le désir de Dieu, et il serait bien étonnant qu'elle ne s'en souvienne pas et que cette souvenance même ne la rende éternelle, outre que cette anamnèse met tout l'univers en elle  et lui fait aimer la vie au-delà de ses aléas et de l'instinct de conservation qu'elle lui présente d'abord pour qu'il la respecte, le respect inaugurant l'amour comme il est sain.

 

L'enfant, cet être qui a bu la mort, commencera par ne manifester qu'il aime la vie que par son instinct de conservation. Il n'acquérera la joie de vivre que si mille caresses le font rentrer dans le plan merveilleux du Désir en lui apportant la preuve, sinon qu'il a été désiré, du moins que, maintenant qu'il est né, il est aimé, il est aimé pour toujours.

 

J'ai souvent remarqué que le caprice d'un enfant était seulement désespéré chez celui que ses parents rabrouent habituellement en lui parlant. Quand l'enfant qui se sait aimé fait un caprice, ce n'est que pour éprouver la force de sa séduction, laquelle regarde moins à conduire à soi comme l'étymologie du verbe séduire croit l'indiquer, qu'à prendre en toute impunité plus de place qu'il ne convient.

 

3. Et ce rapport de la maternité à la mort est de telle conséquence que l'enfant en tire vengeance en donnant à son tour la mort à sa mère. La preuve en est ce glaive qu'il enfonce dans son coeur, quand il décide quasi infailliblement qu'il va dévier de son amour. Et s'il n'en dévie pas, il ne vivra pas non plus. Il s'occupera des vieux jours de sa mère, mais il ne sera personne.

 

Ce n'est pas tant le père que l'on tue que la mère, toujours. Car la mère avait désiré dans sa chair d'être à l'Heure de son enfant, mais l'Heure de son enfant ne répond jamais à son désir.

 

Désir de l'une, désir de l'autre, qui ont à s'embrasser avec la bénédiction du père. Rebecca grugera Isaac pour que Jacob soit béni, et voilà d'où naîtra le malaise de cet errant au tempérament de lutteur.

 

4. L'Enfant-Dieu s'est fait plonger dans les eaux du Jourdain pour S'entendre dire, à Lui tout Seul, note Saint-Marc, par la colonne-colombe de nuée et de la part de Dieu Son Père qu'Il Etait Son Enfant Bien-Aimé.

 

Le baptême a la magie de l'amour. Il est cette immersion dans l'onde qui donne à tous nos ondoiements à venir, l'assurance, à travers le salut futur de celui qui est marqué du sceau de la Foi, que pour aujourd'hui, notre vie doit être un pont sur l'angoisse, à mi-chemin entre l'air où s'éventent les oiseaux dégoisant d'insouciante inconscience  amoureuse et les eaux noueuses qui emportent les torrents dans leurs courants effervescents de joie qui a bu la mort, mais en est revenue. ..

 

 

 

Maternité (II) :

 

 

15 février 2003

 

1. Il y a une autre raison pourquoi la maternité est liée à la mort : c'est que la mère donne à l'âme un corps où cette liberté est enfermée. La mère met cette âme en cage dans cette enveloppe charnelle et mortelle. La mère met l'âme dans cette déchetterie, et Voltaire (de qui Baudelaire disait qu'on s'ennuyait en France parce que tout le mondey pense comme lui) ne voyait pas comment une âme immortelle pouvait résister à avoir vécu pendant neuf mois entre des excréments et des urines.

 

Du temps de ce sceptique armé de dérision, on n'y allait pas de main morte et la mode n'était pas à prendre un bain de liquide amiotique. Moi qui n'ai jamais été allaité, mais qui n'en ai pas moins toujours aimé le vin fin et le bain du sein malgré ma détestation du lait, serais-je plus voltairien que je ne voudrais, cédant à ce blasphème de continuer à lier la mère et la mort par le corps ?

 

2. Je n'aurai pas l'indécence, ne fût-ce que pour m'éviter que mon frère, féru de psychanalyse, me dise que je n'ai pas correctement réglé mon Oedipe, de prouver par de miens fantasmes amoureux comment des manières dont ma mère vivait son corps se sont transférées dans mon désir de la femme. Car la mère et l'enfant sont dans un corps à corps qui, sans être incestueux, peut initier le mâle aux premiers allants de l'érotisme. Lorsque l'enfant mâle a gardé nette la conscience que c'est à travers le corps de sa mère que se sont noués ses premiers fantasmes, il y a de fortes chances que jamais il ne sépare l'érotique de la perversité. Je ne suis certes pas de ceux-là, mais Baudelaire, derrière le paravent de qui je me cache ou pour qui je me prends, à mettre mon coeur à nu parce que je viens de lire le dépouillement du sien ; Baudelaire, comme y rendait attentif Yves Bonnefoy dans une conférence marquante qu'il lui a consacrée, le premier, Baudelaire avait confondu l'odeur de la femme avec les fourrures de sa "CCAROLYNE CHERIE de mère élégante" bien que piquante d'être devenue la générale Aupique...

 

Quand j'étais petit, à la toilette, je posais ma tête contre le sein de ma mère et lui disais :

"Je dors sur une belle fille".

Mais je n'aimais pas tellement son odeur corporelle et pourtant, j'ai la même.

 

3. Un autre détail autobiographique m'oblige à évoquer ce corps à corps : c'est qu'un jour, ma mère m'a dit, pour m'intimer le commandement de ne plus boire, qu'elle ne m'avait pas laissé sortir de son corps pour que je fasse n'importe quoi du mien. Cette réflexion de ma mère m'a tellement choqué que je lui ai répondu par un texte que j'ai intitulé "Le corps-poubelle" et que j'ai assigné pour fin dernière à ma poésie d'évaporer mon corps. Si je l'évapore, je risque fort de consommer le divorce avec le corps de ma mère, mais le fait est que nous ne cessons de chercher des poux à ceux qui nous ont donné le jour, invoquant "le malheur d'être né".

 

4. Comment se fait-il que Marie, "la maman de toutes les mamans" selon l'expression très heureuse de ma Bien-Aimée ; que Marie, pour qui, avec le temps, j'ai fini par avoir une vraie dévotion, comment se fait-il que Marie, demandé-je, se présente à nous sous deux visages : celui rayonnant de la jeune fille aimée d'autant plus fort qu'elle est inconsommable et portée sur les hanches en triomphe pour ses doubles fiançailles avec Dieu Qui en elle Est descendu et Joseph qui, s'il a partagé sa couche, ne l'a jamais que prise dans ses bras, mais prise toutes les nuits, j'en suis sûr ; et celui, autrement austère, de "Notre-Dame des septdouleurs" qui, quand elle apparaît, pleure, retenant le bras armé de Son Fils en colère et nous mandant, sous peine de guerres qui ont lieu et ont donc l'air d'être prévues, de nous tenir cois et sans réplique, réduits à la stricte observance de notre ascèse !

 

Faut-il voir là vengeance abusive de maternité abusée, à qui ses enfants ont enfoncé le glaive de leur indépendance, quand ils n'ont pas crié qu'elle les a faits naître pour la mort, comme certaines mères disent à leurs enfants que, si elles avaient su qu'elles hériteraient d'un enfant si mal formé, elles auraient avorté ? Ou bien faut-il envers et contre tout s'obstiner à vouloir voir dans ces restrictions de nos mères, qui nous accablent de recommandations que notre turbulence fait se perdre, des avertissements qui ne sont pas seulement destinés à rendre notre vie hygiénique, mais à nous faire éviter la mort qu'eles sont censées nous avoir donné ? Auquel cas le lien ici dénoncé entre la maternité et la mort serait rompu par ces efforts constamment consentis par nos mères pour nous préserver. Or une vie est-elle une vie qu'une vie préservée ?

 

 

17 février 2003

 

Si la condition de mère peut être perçue par l'enfant comme à la fois relevant de la générosité mammère qui la fait montrer son sein dans le triomphe de la naissance, et puis, des années plus tard, après que nous avons vraiment vidé nos mères de nous, de la surcharge pondérale protectrice qui veut nous faire éviter les écueils de la mort - les mères prenant la tête des cortèges pacifistes -, c'est que nos mamans n'ont pas seulement, dans l'éclat de la jeunesse, été belles pleines, allant donner la vie; mais après avoir couvé dans leurs entrailles l'enfant qui en était le fruit, elles doivent avec Marie, d'un talon rageur, écraser le serpent qui veut le leur ravir.

 

Quant à l'enfant qui écrit ces choses, qui fait ce lien entre maternité et mortalité, le premier mystère de sa vie aura été une anorexie mentale rocambolesque. Mon père m'a souvent dit qu'à mon commencement, j'ai "refusé de vivre".

 

 

 

 

3 avril 2008

 

1.

 

"Tout ce qui a naissance (...) naît des contraintes à partir des contraintes  et des contraires à partir des contraires : le plus grand vient du plus petit et le plus petit du plus grand. De "être éveillé" provient "être endormi" et d'"être endormi" provient "être éveillé". Pour eux deux en effet, les génération ssont, l'une s'assoupir et l'autre s'éveiller." Cette illustration parfaite de l'"union des contraires" va trouver son paroxisme dans ce qui suit, qui va être de grande conséquence pour l'intégration philosophique de la mort au fondement de la condition humaine :

"C'est des choses mortes que proviennent celles qui vivent, par conséquent nos âmes ne sont-elle pas chez Hadès ?"

- Vraisemblablement, répond le questionné.

 

- Mais il ne fait point du tout question que la génération du vivre soit de mourir. Or, sauf à ce que la nature soit boîteuse, n'est-il point nécessaire qu'à mourir, soit restituée une génération contraire ?

- Totalement nécessaire à coup sûr."

 

- t quelle est cette génération ?

 

- C'est revivre.

 

- Les vivants ne proviennent pas du tout moins des morts que les morts des vivants."

 

Cet extrait d'un dialogue socratique, le Phédon, entend prouver l'immortalité de l'âme et, qu'il y parvienne ou non, ce qui n'est vraisemblablement pas le cas puisque des controverses persisstent à ce sujet, ce texte inverse la charge de la preuve unaninement acceptée depuis Heidegger selon laquelle notre mère commet en quelque sorte un crime, en mettant au monde en notre personne un "être pour la mort". Selon la théorie socratique, très inspirée des traditions transmigrationnistes qui sévissaient en asie mineure et que la Grèce a récupérées et réinvesties, la mère met au monde du "déjà mort" pour compenser la nature d'une de ses pertes formelles et qui, pour reprendre une de mes propres obsessions, doit être réinjectée dans sa masse pour qu'il n'y ait pas déperdition de matière, d'après un principe que Lavoisier formulera plus tard en ces termes célèbres :

"Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme",

formule qu'on pourait à son tour transformer ainsi :

"Nous sommes  de la matière réformée."

 

Mais plaçons-nous du point de vue de la mère. La voici dépossédée de son pouvoir à la fois saturnien et prométhéen : elle s'était imaginée "créer du nouveau", elle ne fait que "compenser la nature" ; Heidegger vulgarisé la plaçait en position de dévorer légitimement son enfant puisque rien de ce qu'il aurait ne lui aurait été donné que par elle, de sorte que tout pût ou dût lui être rendu. Or voici que la mère doit accepter au-dedans d'elle-même, non seulement du nouveau dont la nature est la source et non pas l'Etre de la Mère : la Nature, déesse-Mère quand la mère n'est que Mère ; mais du nouveau qui, avant même que de décevoir la Mère par l'écart  existant forcément entre la mise au monde d'un être nouveau par les rêves créateurs de sa mère  et la position du nouveau-né comme celui qui ne réalisera pas ses rêves et réclame néanmoins un amour inconditionel, s'apporte en elle comme issu pas tout à fait d'elle, comme un corps étranger qui ne repousse pas le patrimoine génétique qu'elle lui apporte, mais qui apporte avec lui  celui qu'il a déjà reçu des "choses mortes" qu'il emmène avec lui dans la mère et qu'il a compensées "dans la nature" pour éviter à cette autre mère, avec laquelle il est en relation plus primitive ou plus première, d'être "boîteuse" et de comporter en son sein de la matière en perdition. La forme de l'être représentée par le nouveau-née est mise en relation dans son engendrement avec du "déjà mort" existant préalablement, que le nouveau-né ne ressuscite pas, ne reconstitue pas, mais compense et dont il provient. Cette formalisation de l'être dans la relation dengendrement "emboîte" la filiation personnelle dans la filiation naturelle à laquelle la première est subordonnée, et incline encore à faire consister la maternité dans le passage de l'illusion biologique à l'adoption de ce qui se compense de la nature en elle. Toute naissance est profondément un mystère de compensation, elle l'est aux deux bouts de la chaîne : elle l'est, pour la mère, au plan archaïque, comme un besoin de se répliquer en un être qui ne lui répliquera pas, qui ne la trahira pas, mais qu'elle pourra trahir, partant de l'expérience que tout enfant fait une confiance aveugle à ses parents avant d'instruire contre eux un interminable procès en trahison   ; mais la naissance est aussi compensation pour l'enfant, à travers sa demande inconsidérée damour inconditionel. Mais cette demande inconsidérée est un besoin pour  la nature de trouver compensation d'avoir été meurtrie, non pas d'avoir dû trouver forme nouvelle, mais en la constituant de points morts. Si bien qu'on peut au choix, en partant de ce principe de l'être placé en relation d'engendrement par un double effet de compensation, maternelle et naturelle, ou bien concevoir une grande infériorité de la chose et trouver indigne que mettre au monde un être pensant soit une manière de "compenser" ; et trouver que la chose qu'on met au monde étant du déjà mort, il n'y a rien à quoi l'on doive moins "aspirer" que de sortir de ses entrailles cette "fausse couche" si "caca", qui  ne réalisera même pas mes rêves de maman. On peut de la sorte considérer l'embryon comme une "fause couche" bien plus avortive que poussant vers la vie, qu'impulsive dans cette compensation directionnelle. Mais on peut prendre la chose selon un second terme, en repartant du phénomène de compensation pour déceler dans ce substantif le mode même de l'"aspiration", d'une régénération du "singulier maternel" par "le naturel universel" qui fait qu'on ne "pense" qu'"avec" tout comme on ne "naît" qu'"avec". Dans ce second schéma, il n'y a pas de pensée sans compensation, bien sûr de connaissance sans pensée, mais de naissance sans connaissance, ce qui fait que la naissance es tun mystère d'"accompagnement", de "Mitsein" aurait dit Heidegger, d'"accompagnement" de la nature dans son mystère de compensation, la nature à son tour compensant l'aspiration maternelle à devenir "nature naturante" par une entrée dans le souffle où la mise au monde de l'enfant n'est pas une immense dépréssurisation des contractions, mais est l'"inspiration d'une âme". La mère, qui est à consoler de n'avoir pu devenir la nature de son enfant, n'est pas réanimée par notre Mère Nature, mais reçoit en son être l'"inspiration d'une âme" mise au patrimoine de cet être nouveau qui vient se loger en elle, en se composant d'elle et de plus qu'elle pour que "tout n'aboutisse pas à la même figure". La nature et la mère s'adoptent mutuellement dans un vécu de la fécondation qui, répétons-le, est un passage du biologique à l'adoptif.

 

Et en rien d'autre que ce passage ne consiste le baptême. Le baptême, c'est l'étonnement mis dans le système que le biologique ne suffise pas pour qu'on puisse parler de naissance : il faut le compléter par l'adoptif qui est rien moins qu'instinctif. Voilà pourquoi en effet "l'instinct maternel n'existe pas" nécessairement, et pourquoi  tout le problème de la mère va être de se déterminer d'une manière existentielle, non pas si elle garde ou non ce corps étranger qu'elle découvre si perturbant qu'elle décide qu'il lui appartient et dont elle se croit justifiée de percevoir que, puisqu'il provient de la mort, elle peut lui donner la mort : IVG ; mais s'il lui est possible d'imprimer sa différence dans cette forme mise en elle, dans le corps de cet enfant ; si elle consonne a ssez avec la vie pour se réjouir de la donner avec la nature en étant comme "la vocalisation de la nature" et "la voix de la nature" pour l'enfant ; si elle peut faire corps avec cette différence qu'est (son) enfant. Tout le problème pour la mère qui va mettre au monde "pour la mort" du "déjà mort", va être  de se déterminer si ce corps étranger qu'elle pourra passer toute sa grossesse à croire sien, mais supposons qu'elle l'est reconnu pour étranger : tout le problème pour elle, dès lors, va être, disions-nous, de déterminer si, du fait qu'il déborde son patrimoine génétique, elle rejette ce corps étranger a statut de "fausse couche" qui "mérite la mort", ou bien si, au contraire,  elle l'adopte et, dans un rendu à la nature qui lui a donné ce corps, décide de prendre soin de la couvée d'une âme. Ce n'est pas un petit problème que de se situer par rapport à un "hors de soi" qui vient en "moi" à un instant où je ne l'attendais peut-être pas et dont je suis sûre qu'il ne sera pas à moi, en ce sens que je ne pourrai le faire mien qu'en lui volant sa forme qui pourtan se développe en moi.

 

En un sens, ceux qui trouvent qu'on va un peu vite en besogne en décrétant que »le bébé est une personne » ne sont peut-être pas si nigauds que l'on pense. Car, d'une part, il reste bien des traces des défaites du combat intérieur que doit livrer pour enfanter la mère entre le biologique et l'adoptif, traces persistant à travers ce florilège de paroles malheureuses qui dévalorisent une vie à vie, telles que : "Si j'avais su que tu serais comme ça, je t'aurais avorté. Et dire que j'avais prévu que tu naîtrais pourm on malheur !" Pour celui qui doit s'affronter à de telles paroles, tout le travail d'enfantement reste à faire  pour accéder de la dimension de "matière réformée" à partir de "choses mortes" qui "compense la nature" à la dimension de "personnes" désiré, ne serait-ce que par la nature. On n'accède à la dimension de "personne" que quand on se souvient de son désir. Bien sûr, le désir qui nous différencie se pose comme transitif direct sur des choses dont on veut s'emparer. Mais le désir ne fait ainsi qu'en souvenir du souvenir du désir qu'on a suscité, pour autant qu'on ne prend jamais conscience qu'à proportion d'une mémoire, dans laquelle on puise qu'on "a vécu" avant que d'être né. On ne prend conscience que dans la sensation de "reconnaissance". Prendre conscience, c'est se souvenir, et l'on ne devient quelqu'un, on ne devient sujet qu'en se souvenant du désir dont on a fai l'objet. Tout ce qui est dans l'"infra" de ce désir d'une âme, que cette âme, à défaut de celle de la mère, soit celle de la nature ; tout ce qui se maintient dans les limites d'un pur biologique qui reproduit la compensation non consentie en ne faisant, par le désir, qu'attirer des choses à soi, est de l'infraégologique.

 

Dans ce cannevas que je viens de tisser d'un métier qu'on pourra juger hasardeux, une chose ne laisse pas de m'étonner : c'est que la tradition transmigrationniste  animiste, qui ne dit pas seulement qu'il y a infusion de l'âme à partir de la fécondation, mais que la fécondation ne vise à rien d'autre qu'à placer "une âme inspirée" dans de la "matière réformée", ne se dresse pas vent debout contre l'avortement qu'elle n'a pas l'air de considérer comme une transgression si terrible au même titre, me dira-t-on, qu'elle n'a pas la même notion de l'injustice qui nous fait nous dresser sur nos barricades quand nous croyons deviner des préjugés de castes. La condition des "intouchables" prouve avec quelle sérénité cette tradition ne "touche pas" à l'ordre établi, ni ne lit une "injustice" où nous déplorons une différence de traitement qui insulte notre "soif d'égalité" que certains nous pressent de ne pas confondre avec l'"équité". Mais, derrière cette tranquille acceptation de la transgression anténaticide, il y a peut-être prise en compte de ce travail quie reste à faire entre la Mère et la Nature pour mener à la Personnalisation (même si ce terme ne fait pas partie du vocabulaire de cette tradition) cette "âme inspirée" qui, si elle n'est pas reconnue dans le "déterminisme génitif et génétique" dans lequel elle devra se déployer sous la guidance de son "démon" comme a toujours dit qu'était inspiré Socrate, mieux vaut peut-être pour lui qu'il retourne chez "Hadès".

 

Mon second sujet d'étonnement me vient de ce que ma mère, qui a trouvé beaucoup de compensation dans la maternité à son insatiable besoin d'être aimée, m'a souvent parlé de "la Nature" qu'elle a toujours aimée et dont elle s'est fait le peintre. Or, je n'ai jamais démêlé quelle était la raison de la réticence qui me retenait chaque fois qu'elle voulait me faire partager sa prédilection pour la Nature avec laquelle je ne suis jamais entré en connivence, tout en n'ayant jamais aimé non plus qu'on la confonde  avec le Créateur en disant : "La nature a fait telle chose."

Ma mère voulait portraiturer, c'est-à-dire imiter la Nature en laquelle elle trouvait un pouvoir créateur et moi, je n'ai pas aimé la Nature, peut-être parce que ma mère ne la séparait pas d'elle et ne me laissait pas me saisir en elle plutôt que dans les projections des seules compensations maternelles sur ce corps étranger qui était le mien et qui, plus il intéressait ma mère pour la complicité biologique qu'elle voulait entretenir avec lui, plus il me devenait étranger et étranger à la nature.

 

 

22 avril 2008

 

"S'il n'y avait en effet une perpétuelle compensation que se donnent les unes aux autres les choses quie existent comme si elles accomplissaient un parcours circulaire ; si, au contraire, la génération suivante, une droite, allait d'un des contraires à celui seulement qui lui fait face, si ele ne se retournait pas ensuite vers l'autre et ne faisait pas le retour, alors, tu ne l'ignores pas, toutes choses finiraient par revenir à la même figure".

 

Voici qu'en poursuivant la citation de Socrate, je n'ai plus pu dissimuler d'où me venait cette "philosophie de la compensation". Le fait est que j'ai toujours été fasciné par la géométrie plane sans réussir de façon convaincante à tracer des traits bien mesurés ni, à l'équerre, des angles ayant les degrés requis ou ne s'écartant pas du tracé initial. Vais-je réussir à commenter les figures que Socrate livre à notre analyse ?  De sérieux doutes sont permis, mais on peut toujours essayer !

 

a) ON peut résumer les positions de l'énoncé sus-cité en disant que Socrate ne voit pas d'incompatibilité à ce que le parcours d'une vie puisse être tour à tour comparé à un cercle, puis à une droite. Socrate utilise la métaphore du "retour" parce qu'il récuse "le point de non retour". Mais tout aussi énergiquement récuse-t-il ce dont Nietzsche fera "l'éternel retour"... "du même", car Socrate ne veut pas que "toutes choses (finissent) par avoir la même figure". C'est pourquoi il nous fait parcourir la droite dans un sens, puis dans l'autre, mais une seule fois.

 

On a beaucoup critiqué l'enseignement aux collégiens des mathématiques modernes. Elles sont pourtant de la philosophie à l'usage des classes de sixième. Je n'ai guère dépassé ce niveau, ni en Mathématiques, ni en philosophie. Mais tou l'émerveillement philosophique que renfermaient les Mathématiques modernes à ce niveau du collège, je crois ne pas être passé à côté. Ainsi, lorsque je reçus mes premiers cours de géométrie plane, ce qui m'émerveilla était qu'une droite n'eût besoin que de passer par deux points pour, de là, pouvoir se prolonger à l'infini. Il ne fallait pas beaucoup pousser notre professeur pour qu'elle nous dise qu'un point n'avait qu'à être poussé dans son  potentiel abstractif à donner la direction d'un autre, et ce point aboutissait à une droite qui menait jusqu'à l'infini. Mais le plus merveilleux n'était pas qu'une droite ouvrît une voie vers l'infini : c'était qu'on pouvait à son gré parcourir ce chemin dans un sens ou dans l'autre. On pouvait se pousser de la main jusqu'à l'infini en des étirements où l'imagination suppléait rapidement au muscle ; ou, si l'on préférait, on pouvait ramener l'infini à soi. Bien que cela ne manquât pas de m'émerveiller au plus haut point, ce sens de la droite à la mesure de ma main  me paraissait outré et, que cela donnât une liberté incomparable à l'homme pouvait bien m'exciter : je n'en étais pas dupe. Je sentais bien qu'il n'était pas au pouvoir de l'homme de soumettre la ligne à sa manière de la parcourir et, tantôt d'aller de lui à l'infini, tantôt de l'infini à lui, selon son bon plaisir, comme si c'était lui, l'Infini, le point humain. Pourtant, je ne me méprenais pas et ressentais effectivement que, s'il y avait de l'infini à tirer de quelque part, c'était moins de la droite qui ne faisait que prolonger à l'infini une direction que du point dont l'abstraction était le premier mystère,  mais dont le second n'était pas moindre : que ce point abstrait, idéal et presque n'existant pas ait pu s'expanser jusqu'à l'infini, ait pu susciter de l'infini comme par prolongement inévitable de lui-même. J'avais correctement dissocié l'infini visible de la prolongation idéale et linéaire et le centre invisible de toute infinité sans que j'eusse été capable pour autant de formuler l'une quelconque de ces approches de l'infini telles qu'on les lit sous la plume de Simone weil :

 

"Un nombre qui croit, pense qu'il sapproche de l'infini, il s'en éloigne."

"Si Un est Dieu, l'infini  est le diable."

"La misère humaine contient le secret de la sagesse divine et non pas leplaisir."

"Le mal est infini au sens de" l'indéterminé, matière, espace, temps. Contrepoids, le vrai Infini."

 

Inutile de dire que je me dissocie de "l'infini diabolique" que Simonne weil situe dans la croissance, encore que je ne vienne pas de dire autre chose que ce qu'elle a dit sans toutefois, il est vrai, assigner au vrai ou au faux infini des frontières de bien ou de mal. Je ne me reconnais même pas dans l'assimilation pourtant classique que la philosophe fait du mal au cahos, à l'"infini indéterminé" qui serait comme "une privation d'être" ainsi qu'ele le dit par ailleurs, dans la ligne de Saint Thomas d'Aquin. Pourquoi ne pas accepter cette fixation des frontières, qui n'a rien de répressif ni de répréhensible ? Parce que, contrairement à ce qu'écrit Bergson,  on ne peut penser une chose qu'en ayant la perception de la négation de cette chose. Ainsi, ne peut-il y avoir de l'être dans l'être que s'il y a aussi du non-être, que si Dieu contient en même temps l'être et le non-être et que dieu Soit Celui Qui a fait quelque chose du non-être, lequel, avant qu'Il nen fût rien, n'était pas du mal, mais rien et, s'il n'était pas rien, était qu'"indéterminé". Le Bien n'est pas la détermination et le mal l'auto-détermination. Mais, où est le mal, et c'est peut-être ici que Simonne Weil vise juste, c'est "le plaisir de l'autodétermination." "La misère" contient une infinité de maux et en cela elle "s'éloigne" de Dieu tandis que le plaisir est un sentiment magnétique, mais fuide. "La misère" est-elle plus une que "le plaisir" ? Dans la mesure où "le plaisir" est tressautant tandis que la misère est un accaparement de toute l'âme, leur rapport souffre d'être ainsi décrits. Passerait encore que nous fussions projetés avec plaisir sur "la droite" en sautant des points pourvu que nous fussions toujours portés dans le même sens : "Il n'y a pas en nous de principe d'ascension, il faut être tiré", écrit encore notrephilosophe. Mais ce n'est pas là que nous trouvons notre plus grand plaisir. Notre plus grand plaisir est l'indifférentisme avec lequel nous allons aussi facilement vers l'infini que nous voulons rapporter l'infini à nous-mêmes, et nous voulons faire ce chemin dans les deux sens, plusieurs fois dans notre vie, alors que nous venons de l'infini par notre mère en qui nous l'apportons ; qu'arrivés au point Zéro qui est celui, non de notre origine, mais de notre naissance, nous avons oublié l'infini et tout le travail que nous aurons à faire sera de réexpanser vers l'infini, d'être un petit infini se rendant à l'infini, chemin que nous ferons en suivant la voie tracée par notre père.

 

 

b)  Mon amour mal réglé de la géométrie me fait ne pas reculer, pour mieux m'expliquer, devant l'idée qui m'est venue hier d'essayer de représenter les trois figures sous lesquelles notre "culture occidentale" a voulu se représenter le monde. Cette explication ne s'impose pas et pourtant, elle n'est pas non plus superflue. En réalité, nous avons déjà rencontré les trois figures dans ce bref exposé ; mais les replacer dans leur perspective historique comme aussi dans le fait qu'eles n'ont pas cohabité dans la représentation, comme sivéritablement, elles s'opposaient alors qu'elles se complètent, ne me semble pas inutile.

 

- Au commencement était le Cercle. Mais, contrairement à ce que je me suis, par plaisir, laissé entraîné à écrire, "le cercle" n'a pas été considéré du point de vue du point central, car loin de l'humilité des philosophes de l'intuition l'idée de se prendre pour le centre du monde ou de se mesurer à ce centre divin d'où émanait le cercle des activités et des passivités, des "éveils" et des "assoupissements", des "vies et des morts". L'on ne s'est pas permis de s'organiser un cercle à partir du Point Central. Ce pourquoi l'on a été intéressé par "le cercle", c'est qu'il décrivait une trajectoire, non point qui revenait toujours au même, mais qui revenait toujours au même point. Le platonisme, qui a ouvert les portes de la sagesse humaine sur l'Invisible, n'a jamais été nihiliste et ce n'est pas lui qui aurait dit comme mon frère Philippe, chaque fois que le gagnait la fatigue :

"Tout tourne en rond et rien ne mène à rien, seule peut nous sauver la création de ce néant", tiers élément contradictoire dont, quand on le soulignait, Philippe ne méconnaissait pas qu'on créée pour continuer de s'illusionner. Seulement, il fallait le lui arracher pour le rendre logique avec lui-même : malgré lui, Philippe ne pouvait se déprendre que "la création" apportait quelque chose au "rond" enrichi et au "rien" renforcé ou enfoncé.

 

Platon n'était pas nihiliste. Ce qui l'intéressait dans "le cercle", ce n'était pas la centralité autour de laquelle "le cercle" s'était conçu, ce n'était pas la persistance d'un trajet qui s'en balançait de changer, c'était le retour au même point situé à quelqu'endroit du cercle et qui était nous-même nous étant associé à la courbe dans un parcours existentiel où l'on serait allé de la réminiscence à l'"oubli". et ce "nous-même", ce point sur lequel sans cesse, on revenait au terme de la grande courbe de mémoire qu'avait été l'existence, c'était le "point d'oubli", "le même point" dont nous ne gardions pas mémoire à travers les âges à quel point nous en étions ssolidaires. C'était, par-delà les mutations successives de notre âme dans différents corps et les diverses expériences qui pouvaient nousêtre échues, la singulière unité de notre âme, unité que la troisième figure n'a bizarrement pas dissoute, comme nous ne manquerons pas de le rappeler quand, dans un bref instant, nous nous soumettrons à son examen.

 

Le "cercle" n'a pas été sans quelque lucidité devineresse pour autant que notre astronomie de lunettes, des télescopes et d'observatoires ne soit pas née de l'astrologie ptoléméenne, quelque distance qu'elle ait voulu prendre avec elle. "Le cercle" a anticicpé la forme des planètes et leur incessante rotation, si séparée de la première que soit la sphère et de la seconde que soit leur elliptique. Mais, du point de vue sémantique, qu'une planète tourne dans son éliptique explique pourquoi la philosophie des anciens a eu l'intuition du "cercle" pour expliquer la condition humaine et la configuration du monde : c'est parce que "le cercle" est eliptique de soi, mais cet "oubli de soi"  ne veut aucunement dilapider notre persistance et, encore une fois, c'est le point commun de toutes ces figures que, si éclatée puisse être la perception du monde qu'elles proposent, elles sauvegardent quasi toutes l'unité de notre âme dans sa capacité de récapituler le cosmos inversement proportionnelle à sa capacité de se récapituler ele-même.

 

- "Le cercle" a assimilé "la droite", socrate vient de nous le montrer, l'inverse n'est pas vrai, c'est à voir : le christianisme n'a-t-il pas baptisé toutes les idées païennes qui servaient sa démonstration ? Nous y reviendrons certainement, mais il faut commencer par souligner la différence des figures. Elle date du triomphe du judéo-christianisme qui, à la figure décrite autour d'un "point central" qu'on trouverait sacrilège de considérer, va substituer une droite axiale symbolisée par l'arbre. Mais, à la différence de ce qui s'est passé lors de l'iruption du cercle où seule avait compté la périphérie, ici la périphérie ne va vraiment jouer un rôle que périphérique et va presque complètement disparaître au profit de l'axe. Cet axe, répétons-le, est l'arbre, c'est-à-dire que l'émergence de cette figure va permettre de passer de la géométrie plane, au plan de laquelle la ligne droite va symboliser l avie et la mort, à la géométrie dans l'espace où cette vie et cette mort pourront aller de la terre au ciel en montant de branche en branche comme sur l'échelle de Jacob. Mais,a vant que "la ligne" ne se "verticalise", il y aura un incontestable abandon : "la droite" se substitue au "cercle" comme une résignation au "point de non retour" où tout se passe comme si "le cercle" n'avait pu se résoudre. On ne naît pas d'en haut pour aller en bas : on naît d'en bas pour aller en haut, point final. La mort est un infini qui consacre le choix d'éternité qu'a fait un homme fini. La "domination du cercle" dans l'abandon de son centre avait donné naissance à la multiplicité des lignes que sont les étoiles dans l'horizon ; ici, la centralité de l'arbre "familialise" d'autant plus ce qu’on bâtit autour de lui que l'univers a cessé d'être vu pour être visé. L'univers n'est devenue une finalité accessible que par la construction, dans le "jardin" qui a été planté autour de l'"arbre", d'une "maison". L'"arbre" peut être encore la colonne de la maison qui, autour de l'axe que représente la vie et la mort, va bâtir une ligne de révélation allant de la Création du monde à son apocalypse et son jugement en passant par autant de branches où grimper que ne comptera d'épisodes l'histoire révélée du salut. Pourquoi  parler de "maison" si l'on ne voit qu'un arbre ? Non seulement à cause de la transposition qu'on a faite de la destinée du genre humain sur l'horizontalité d'une destinée individuelle, mais aussi parce que "la maison" est fondée par l'Ecriture : la première lettre du premier mot de la Bible représente "la Maison" ; elle est fondée bibliquement et a des fondations, la Création. Elle montre un "ciel" qui est par-dessus le toit qui est l'apocalypse. L'apocalypse, le Jugement, ne font pas partie de la maison, elles sont dans le ciel au-dessus du toit de la maison ; comme, d'une certaine manière, la Création ne fait peut-être pas partie non plus de la maison, il n'est pas dit que la Création envisagée remonte jusqu'aux origines : la "Création" commence "lorsque Dieu commença". Mais le développement de la maison est consubstantiel à l'existence de la colonne de l'arbre : on veut vénérer dieu dans un temple et vivre abrité de la vérité sous un toit. Ma formule est ambiguë à dessein : la vérité n'est pas qu'on aspire consciemment à vivre à l'abri de la vérité, mais on veut mettre la vérité aux abris. L'Eglise catholique est cette maison dans laquelle on vit sous le toit de la vérité. L'Eglise catholique possède une vision, sinon totalitaire, du moins totalisante, d'un monde qui lui a été révélé du commencement à la fin, elle sait le tout de la terre et du ciel. Elle le sait au sein de cette maison sainte. Les deux figures, "la droite" et "le cercle", auront pour point commun de se construire en regard d'un "point aveugle" du temps : pour "le cercle", ce sera une certaine nécessité d'oubli ; pour la droite, le temps deviendra tout à fait contingent et, une fois que la droite aura été dessinée en esprit, c'est-à-dire que la Rédemption aura été accomplie en principe, le temps peut s'arrêter. L'histoire qu'on vit est sans nécessité réelle, on ne comprend même pas pourquoi on la vit. Il y a apparemment une plus grande dynamique dans "le cercle", il y a une nécessité de vivre le temps, mais c'est une nécessité qui tourne à vide, d'autant qu'on oublie le temps qu'on a vécu. En ceci, la droite a assimilé le cercle qu'elle lui a emprunté une certaine idée de l'Infini contingentée sur un temps qui a perdu de sa valeur.

 

- L'implosion expansive est une sorte d'atomisme qui va exponentialiser les potentialités du point géométrique pour, une fois la fiscion faite, donner une étendue à ce noyau se divisant et perdant de sa chaleur à mesure qu'il s'éloigne du "feu central" qui, entre la prmeière et la troisième figure, s'est déplacé du centre de la terre au point alpha de l'univers. L'implosion expansive n'est qu'une certaine déclinaison de la gnose. Comme "le cercle » avait assimilé "la droite" et réciproquement (bien que laborieusement), "la droite" est le germe de cette doctrine de la contractilité du point géométrique après implosion, lequel point va donner une nouvelle forme à "la droite". Nous passons avec cette nouvelle figure de deux formalismes à un transformisme. Du premier formalisme, l'univers était déductible ; dans l e second, il était contenu : le troisième va l'avoir pour objet. L'objet de l'"implosion expansive" va être de s'expliquer sur le mécanisme qui l'a vu créer. L'hypothermie dans laquelle se produit ce transformisme va avoir pour conséquence que son point aveugle temporel ne sera rien d’autre que la conscience. Mais, cette cécité étant, elle est dans la logique de la cécité des deux précédents formalismes : en effet, qu'est d'autre l'Oubli que l'Inconscience ? Et plus lointainement, qu'est d'autre l'abolition du temps que somnolence et la somnolence qu'inconscience favorable à tous les onirismes et émergences de l'inconscient ? Le suréalisme est un fruit de l'abolition de la réalité. Avec l'abolition du temps, "nous vivions comme endormis". Avec le transformisme de l'implosion expansive, nous sommes devant une indifférence de la conscience et de la forme. L’implosion expansive est une indifférence formelle. Que la conscience n'occupe une place temporelle qui se réduit à rien au regard de l'origine de l'univers, il n'y a pas de quoi affoler la vie ! Le transformisme, indifférent à la conscience, pourrait l'être à la forme : pourtant, le transformisme est un formalisme. Il a beau, en théorie, s'expanser dans toutes les directions que lui donne son élan, il ne s'expanse que pour réaliser la direction que veut prendre "la droite" au terme des potentiailités du point. La différence est que les deux formalismes purs que nous avons étudiés précédemment sont comme des essences toute formées ; l'essence de ce néo-formalisme, c'est l'information. Il est l'expression du point zéro qui veut aller vers l'infini sans en venir, de l'enfant qui, en naissant, ne se souvient pas qu'il provient. Il a, en naissant, un sens inné de la filiation ; il fait corps, sans y penser, avec la nature et avec sa mère. Il devra découvrir son père qui lui montrera un "ailleurs". Mais il ignore pourl 'heure avoir à faire du chemin. Il ne sait pas encore marcher et ne se doute pas qu'il devra apprendre.

 

Qu'est-ce qui se joue au point Zéro ? L'Enfant est passé par les eaux du Léthée, il a oublié l'Infini d'où il vient. Il fait Un avec le corps qui lui rappelle sans mémoire qu'il est d'ailleurs. Il fait Deux avec celui qui l'accompagnera dans son retour vers l'Infini. Sa mère l'a fait venir de l'Infini, son père l'y fera retourner. On a dit souvent que "la paternité" était un reflet de la Paternité divine. C'est possible : mais la maternité est un reflet de cette part d'Invisible Qui est Antérieure en Dieu à Sa Paternité même, dans la mesure où c'est peut-être parce qu'Il Est Invisible et Transparent jusqu'au moment d'être Père que Dieu est pris d'un Désir de Paternité. Jean-Paul II  a donc eu raison d'appeler les femmes des "SENTINELLES DE L'INVISIBL". Elles sont gardiennes de l'Infini sans bien savoir ce qu'elles gardent. À quoi bon devraient-eles raisonner sur la vie qu'elles gardent et puis qu'elles donnent ? Le père l'"encercle" et "raisonne" sur elle jusqu'à ce que sa femme l'ait donnée pour lui. Alors, il découvre qq'il est fait pour aller vers comme la femme  est faite pour en venir. Ainsi, l'enfant fait-il deux fois le trajet qui sépare l'Infini du Zéro et le Zéro de l'Infini : il le fait, à l'aller, avec sa mère ; il le fait, au retour, avec son père. La différence des sexes entre l'Enfant mâle et l'Enfant femelle est quelque chose comme une différence de contenance. La Fille est une métonymie de l'Infini dont elle a pour fonction d'avoir le sens qu'elle en vient dans son trajet de retour, tandis que le garçon doit avoir creusé le point Zéro pour ne pas savoir, mais redécouvrir ce qui se joue à chaque pas. La petite fille sait la raison dont elle vient, le petit garçon devra trouver le sens de sa marche. À accepter la nature, la maternité pourra aider la petite fille quand elle sera grande ; à retrouver la nature, la paternité pourra servir de révélateur au petit garçon.

 

 

 

Maternité (III) :

 

 

16 février 2003

 

Par trois fois, Jésus a enfoncé Lui-même le glaive dans le sein de Marie, Sa Mère.

 

La première fois, ce fut au moment où, L'ayant recouvré au Temple, comme elle Lui laissait voir son inquiétude en Lui demandant pourquoi Il leur avait fait cela, de les laisser sans nouvelles, Il lui répondit qu'elle aurait dû savoir que s'Il avait pris la peine de naître en elle, ce n'était pas pour rester dans ses jupes, mais seulement vaquer aux affaires de Son Père. Et, disant cela, Jésus, notre Roi, avait largement dépassé l'âge de passer aux hommes. Marie en reçut un premier coup au coeur, mais passa outre avec ce qu'elle savait qu'elle devrait passer encore.

 

La deuxième fois, ce fut à Cana. Marie était tout à la noce, abandonnée à la confiance, sans austérité aucune, et elle comptait bien que Jésus, sans compter, allait remplir les verres des noceurs qui avaient encore soif, de spiritueux comme prélude à la vie spirituelle, absolue.

"Faites tout ce qu'Il vous dira", avait-elle dit aux serviteurs du maître de cérémonie.

 

Mais Jésus se fit prier : "Femme, qu'y a-t-il entre toi et moi ?" Marie reçut un second coup au coeur, et les protestants se déchaînèrent en des sabbats d'applaudissements : "Il n'y a rien, ha ha, il n'y a rien !"

 

Mais Marie en y réfléchissant mieux, se dit qu'il devait quand même y avoir drôlement quelque chose pour que Jésus eût outrepassé ce rien, et quoi qu'Il en ait dit, ait fait ce que Marie voulait, comme si Jésus avait voulu lui dire en la prenant par la manche - mais les mamans ont le secret d'interpréter en bonne part ce que leurs enfants leur disent en mauvaise - : "Il faut drôlement que je t'aime pour que tu puisses hâter Mon Heure ! Entre toi et moi, il n'y a rien ? Il Y a tout."

 

La troisième fois, Jésus est dans un salon pharisien. Des huissiers viennent Lui demander de sortir deux minutes,car Sa mère a deux mots à Lui dire en particulier. Il s'y refuse et leur lance :

- Ah non, par exemple ! Vous pouvez le lui rapporter, messieurs les huissiers, que Je le lui demande un peu, qui est ma mère. C'est celle qui fait Ma Volonté. Or Ma Volonté du moment, c’est d’être dans ce salon, et c'est de causer dans le monde, pour leur apprendre un peu, à ces dandys, à la faire, ma Volonté."

 

"Mais ne vois-Tu pas combien je la fais, Ta volonté, mon enfant ?" Et marie de réprimer en elle l'envie qu'elle a de se laisser aller à le trouver ingrat, malgré tout, son Enfant prodige. Mais elle renouvelle le prestige de souffler sur ces mots qui lui ont arraché le coeur et, tandis qu'elle s'en retourne, dans sa tête, elle entend jésus lui dire :

" Qu’y a-t-il entre toi et moi ? N'as-tu donc pas compris, maman ? Ce que j'en ai dit, c'est pour ceux-là, mais tout de même, il faut que tu cesses de me retenir.

 

Tu as vu un peu ? Comme je t'ai répondu ? Je suis un homme maintenant. Ça t'en jette, hein, maman ! Je me permets de te jeter parce que je vole de mes propres ailes. Tu m'as sacrément bien élevé, mais Je  n'ai plus besoin de toi qui me dis ce que   J'ai à faire pour M’élever. Et puis Je n'ai plus de temps pour toi, j'ai à faire !"

 

"Fais, mon Enfant, fais, je comprends, je suis au fait !"

 

Au fond du coeur de Marie, quelque chose du premier acquiescement continuait de ne jamais douter, tandis qu'à mesure que l'épée rentrait jusqu'à la quatrième plaie, celle de la mort que Jésus subirait comme elle avait subi Ses coups d'épée, la blessure qui s'ouvrait dans son coeur inondait de torrents son visage, de larmes qu'elle versait d'un souffle retenu pour ne pas attirer l'attention.

 

Jésus allait mourir en croix et Marie allait être presque seule avec Lui. Tous ceux qu'Il lui avait préférée L'avaient fui et ils restaient, eux deux, avec un autre disciple qui s'appelait Jean et savait, comme eux deux, coller son oreille contre un coeur.

 

Et ce fut ce moment où Il allait mourir que Jésus choisit pour commencer la restauration de Sa Mère, dont Il avait déjà donné le premier signe en s'exclamant qu'il y avait quelque chose entre eux !

 

Ce deuxième signe allait concerner, engager, la vie quotidienne de Marie. Il ne voulait pas la laisser seule. Qu'allait-elle devenir ? Il fallait que quelqu'un la prît chez lui et veillât sur elle comme un fils, ce que seul pourrait faire (ce quelqu'un, qui serait-ce ?) celui dont l'épanchement fidèle, qui lui avait appris à  coller son oreille contre un coeur et  avait fait de lui "le disciple que Jésus aimait", accompagnait Son Maître à la mort et saurait veiller aussi sur la vie de Sa Mère.

 

A partir de ce moment, Jean prit Marie chez lui, mais la Marie qu'il recueillait ne serait plus, pour toujours, jusqu'à l'éternité où serait consommé et consumé ce qu'elle avait vu de la cruauté des hommes, que l'ombre d'elle-même, qu'une attente inquiète au Sénacle et même en Paradis où Marie voudrait tant que toutes les âmes viennent, attirées par Son Fils comme Il lui  a promis !

 

Au ciel, le Père dit au Fils : "Tu ne peux pas laisser Marie comme ça. Elle a beau aimer Jean comme Ton ami, cela ne la console pas de T'avoir perdu et vu mourir. Aucune mère sur la terre ne peut oublier cela. Au moins, fais-la venir ici !"

 

Et le Père et le Fils Qui ne demandait pas mieux envoyèrent à Marie un sommeil mystérieux que lui souffla l'Esprit, et Dieu l'enleva. Marie n'a jamais connu la mort. Sa maternité n'avait aucun rapport avec la mort. La mort, aucune mère ne peut la voir. Aucune mère ne peut la vouloir. Aucune mère ne peut s'y résoudre, se résoudre dans la mort de son enfant comme il arrive que, subrepticement ou par haine profonde, on e vienne à souhaiter la mort d'un proche (il m’est arrivé de souhaiter la mort de ma mère).

 

Le grand problème pour tous ceux qui méditent sur la vie de Marie, pour tous ceux qui aiment Marie, pour tous ceux qui aiment leur mère, est de se demander pourquoi la maternité n'est pas immédiatement restaurée. Pourquoi ces coups d'épée dans l'eau du coeur liquéfié d'une mère ? Et pourquoi les mères qui n'ont d'autre désir que de donner la vie, en tirent-elles autre chose avant que mère et enfant se retrouvent enfin, soit dans la maison de retraite où l'enfant qui va voir sa mère joue au papa et à la maman avec elle, soit sur les genoux de Dieu où ces deux enfants jouent.

 

Le cri que poussent les mères est : "Pourquoi ?"

Et pas seulement les mères, mais aussi les mystiques : "Pourquoi, Dieu, moi qui ne veux que Toi, Tu t'éloignes de moi bien avant que je m'éloigne de Toi ? Tu Te caches et je me perds. Et puis on se retrouve, et comme des enfants on se crie : "Dans les bras !",

mais n'est-il pas trop tard?

 

Je T'en supplie, mon Bien-Aimé, qu'il ne soit pas trop tard, que j'aie encore la fraîcheur de ma jeunesse quand je Te rencontrerai !"

 

 

 

 

Maternité (IV) :

 

 

20 février 2003

 

Je l'ai lu hier.

Pierre Monnier, officier français issu d'une famille protestante et mort à l'âge de vingt-trois ans en 1915 sur le front d'Argonne, Pierre Monnier, ce fils unique, l'a dit à sa mère avec qui, depuis sa mort, il a communiqué par écriture intuitive ; et sa mère en a tiré sept gros volumes :

 

"La mort, petite maman, ne la crains pas.

J'en avais peur malgré moi, je l'ignorais :

c'était un visage inconnu que je me représentais voilé de sang.

 

Oui, j'en avais peur, mais quand elle est venue, elle avait un clair visage qui ressemblait au tien. Je me suis endormi dans ses bras." ([2])

 

 

 

 

Maternité (V) :

 

 

20 février 2003

 

1. J'ai été élevé par une louve. C'est pourquoi longtemps, j'ai cru que ma mère et moi n'étions pas faits pour nousentendre.

 

Ce fut mon père qui, le premier me détrompa, bien qu'il fût déjà séparé d'elle : "Quand tu étais petit, ta mère était gentille avec toi", et ce n'était pas une sinécure d'être gentil avec moi, vu que je  ne voulais prendre aucune nourriture et que mes parents apprirent bientôt - et ma mère la première - que j'étais incurablement aveugle.

 

Or, je l'étais pour une raison qu'on n'a jamais sue, mais incurablement à la suite d'une erreur médicale. Et, là où tant d'autres auraient baissé LES BRAS et perdu leur temps à accuser les toubibs, ma mère fit des mains et des pieds pour comprendre et faire comprendre à qui ne voulait pas l'entendre que j'aurais une place à prendre. Elle força les portes à s'ouvrir à moi et prit fait et cause pour une association de parents d'enfants aveugles qui, tout en publiant une revue intitulée "COMME LES AUTRES" (où d'ailleurs, ma mère fit paraître un article sur moi), militait pour qu'on substituât le mot de "différent" à celui  d'"handicapé".

 

"Différent" et comme les autres", il y avait une incohérence, qui constituait un flagrant délit de paradoxe associatif, mais ces parents avaient beau se lancer le défi d'une acceptation sans équivoque du "handicap" de leurs enfants ; ils avaient beau croire supprimer l'obstacle en faisant à leur place la course au "handicap" en sautant par-dessus le mot, ces parents n'en étaient pas moins des parents d'enfants tels qu'ils n'avaient pas rêvé d’en avoir. Il fallait qu'ils fassent avec et c'était leur honneur de tout faire pour s'y faire, où d'autres comme j'en ai connu, au lieu d'apprendre à leur enfant à découvrir ses atouts, auraient traîné de colloques en procès pour dénoncer l'inexpiable suite de négligences ophtalmologiques à la suite desquelles leur enfant n'avait pas la délicieuse normalité qu'ils auraient désiré pour lui en le mettant au monde, véritable  machine à broyer, non pas à désincarcérer, mais à insérer où "tout le monde" veut être comme "tout le monde".

 

Ma mère, la tête la première, entra dans le combat, dont elle prit les devants. Comme elle aimait se mettre en avant disaient ses détracteurs (dont beaucoup étaient de ma famille), elle fit de la guidance parentale et fut déléguée de son association qui, en précurseur de bien des revendications communautaires à venir, voulait par le droit à la différence forcer ces "différents" que nous étions à être considérés en parité par la société dans laquelle il fallait qu'en échange, nous nous efforcions de nous intégrer, l'épreuve nous ayant rendus corvéables jusqu'au  dernier souffle à l'enfer de la preuve à faire. Nous n'aurions jamais dû cesser de démontrer que nous pouvions le faire à une société qui n'en avait rien à faire : elle en avait "exclus" d'autres, pourquoi pas nous ?

 

Sous bien des masques majoratifs de notre identité de minorité promue, la société trouve en fait très amusant de mettre des bâtons dans les roues aux porteurs de canne blanche, nous qui, pour nous faire bien voir, nous sommes mis à jouer les dandys. Pour mon compte personnel, tout fils de ma mère que je suis, je me fous pas mal de ce que la société pense de moi. Pourvu qu'elle ne me laisse pas crever de faim. Si elle veut bien me faire cette aubole, je serais très heureux  qu'elle me foute la paix et je m'engage à faire de même à son endroit : je scandaliserai les bourgeois pour le plaisir, mais lui serai parfaitement inutile.

 

Mais mes parents ne pouvaient pas le vivre comme ça ni penser dans une anarchie aussi moche et aussi molle. Ils avaient un problème de regard à régler. Ils étaient regardés de travers par des gens qui avaient toujours l'air de se demander, quand ils les voyaient passer avec moi dans la poussette, s'ils n'avaient pas gravement péché pour hériter d'un enfant pareil. Mais tels sont les manèges de la normalité qui toujours récupère que le droit à la différence que prônait et brandissait ma mère, m'a finalement réintégré dans la catégorie des "comme les autres". Ça m'embête, car je me crois original et j’aime ma marginalité, mais quitte à être des guignoles, il vaut mieux tout de même être récupéré par la normalité dignifiante que d'être considéré comme une charge sur laquelle viennent se lamenter, lénifiants, des concerts de pleureuses à la voix de casserole.

"Laisse, maman, je vais porter les casseroles de la normalité qui t'encombrent. Bon sang, qu'est-ce que t'as pu en mettre dans ta valise !"

 

2. "Je sais bien que je suis en train de perdre Juju !"

 

Longtemps j'ai cru que ma mère et moi n'étions pas faits pour nous entendre, mais cette phrase que ma mère avait prononcée devant une de ses copines dont l'enfant, la fille, me l'avait répétée, qui l'avait entendue, cette phrase de ma mère me bouleversa.

 

Evidemment qu'elle était en train de me perdre et c'était moi qui le voulais ! J'étais l'enfant dans lequel on avait planté le couteau du divorce, ce qui m'ouvrit à la vie qui saigne. J'en avais pris mon parti et je prenais parti, comme il était naturel, pour mon père, car c’est lui qui était le plus doux avec moi.

 

Mon père s'était attendri à me voir ne pas voir, attendrijusqu'à pleurer quand j'avais du chagrin, m'embrasser de sa longue barbe douce ou me faire dormir dans son lit ; il s'était attendri à me voir ne pas voir après avoir mal accusé le coup, ce  qu'il avait appris à faire de ma mère qui, comme elle était sévère, qu'elle grondait  et qu'elle avait une grosse voix, une grosse voix de louve, m'attirait à ce point moins que, quand je rentrais de chez mon père où je passais le plus clair de mes fins de semaine, j'avais le coeur gros et j'en vomissais de caffard, avec une régularité qui finit en péritonite ; vomissements sur lesquels l'anecdote la plus croustillante qui nous soit arrivée fut qu'un lundi matin, comme pour les cacher, je les avais retenus jusqu’au dernier moment (parce que ma mère m'avait menacé que, si je continuais de vomir en rentrant de chez mon père, je n'irais plus qu’un week-end sur deux), nous étions sur le point de partir pour l’école quand je finis par vomir incontinent, ce que ma mère entendant, elle se précipita dans l'escalier - nous habitions un duplex - et  s'étala la tête la première dans mon vomi. Dans mon vomi d'enfant qu'elle était en train de perdre et qui avait bu du chocolat chaud.

 

3Car i Il n'y avait rien à faire, je voulais partir, je le voulais depuis trop longtemps pourle différer de nouveau.

 

Dès l'âge de neuf ans, j'avais essayé de me faire inscrire dans une école de malvoyants dans la ville où habitait mon père, avec qui j'aurais vécu. Et puis je voulus me mettre interne, mais cela aurait été trop dur à vivre pour ma mère, de m'avoir interne dans la ville qu'elle était venue habiter pour m'éviter de l'être.

 

La directrice me le fit comprendre. La directrice avait du coeur. C'était mon ancienne institutrice de CE1, la plus gentille, celle qui m'avait appris à écrire, celle chez qui j'avais commencé d'écrire, tous les mardis soirs, "des histoires qui (seraient) cadeaux à mon papa".

 

Quand elle devint directrice, j'allais me confier à elle tous les mardis soirs aussi, c'était rituel. Franck y allait une heure avant moi, et puis c'était mon tour. Nous préparions mon départ, c'est-à-dire que j'essayais de le précipiter et elle de m'en dissuader. Elle n'y arriva pas. Pourtant, un de ses arguments porta et, même après avoir réussi à quitter la maison maternelle, il me travailla  :

 "Ta mère est généreuse !"

 

Ma mère et la générosité ? Cette association meparaissait exacte, même si je n'y avais jamais pensé, et je dus convertir en générosité tout ce que j'avais jusque là détesté chez maelle :

d'abord elle recevait trop, elle sortait beaucoup et, même si elle n'eut pas "une foule d'amants" comme Madame Arthur, je vis défiler un certain nombre de "locataires".

 

Au Nom du Fils, Hervé Bazin-Daniel Astin parlait à ses enfants de cette mère qu'ils avait perdue, en terme élogieux qui toujours masquaient la vraie déploration qui serrait le coeur du veuf en deuil, encore blessé dans son orgueil de cocu :

"Votre pauvre maman, qui avait un amant..."

était le seul gémissement qu'il avait envie de pousser et qu'il n'osait pas devant eux, et pourtant c'était la seule chose qui l'étreignait, car la trahison de sa femme était plus forte que sa mort.

 

Que mon père fût ou non cocu après divorce, que ce divorce même, sans d'ailleurs qu'il ait jamais été prononcé, ait trouvé occasion de ce que c'était lui, mon père, qui le premier, avait cocufié ma mère, je n'en voulais rien savoir, je prenais fait et cause pour le cocuage de mon père et condamnais ma mère au Nom du Père.

 

Et du Fils... Ta Générosité, Seigneur Jésus... Jamais je n'ai pu oublier ce mot. Avant que la directrice me l'ait ouvert en le prononçant dans son lien à ma mère, j'aimais musculairement qu'on dût aimer, et je voulais m'y efforcer, de toutes mes forces. Comme cette foule d'hommes qui aiment abstraitement et veulent emplir le monde - qui ne veut en boire goûte - de leur amour sans réciproque, je voulais aimer pour crever la bulle de mon orgueil et Toi, Jésus, Tu avais GÉNÉREUSEMENT DONNÉ Ta Vie !

 

Je savais que chacun devait aussi donner la sienne, mais jamais je n'aurais imaginé que la donner, c'était se donner, prostituer son amitié au point de la rendre superficielle parce qu'on tenait à tenir table ouverte ; c'était rire d'une voix éraillée, c'était donner son corps, car on avait été femme avant que d'être mère, ma mère me le répétait souvent !

 

En somme, donner sa vie, ce n'était pas se perdre. C'était faire briller ses qualités jusqu'au fantasme, où l'imagination se taille son Image de la divinité, et puis elle recule, craignant l'idolâtrie ; mais la divinité la rejoint, car elle aime cette Image Que le fantasme a fait d'elle. Cette imagination généreuse n'a pas craint de confronter la Vérité de l'Original avec les couleurs crues de la copie.

"Il faut favoriser cette imagination", se dit la divinité, car c'est sans mérite du donneur qu'il se donne, mais Ma Grâce Efficace, par un subterfuge, lefait se donner au moment qu'il est le plus égoïste, le plus plein de lui-même, traversé seulement par un élan de générosité."

 

Merci Seigneur ! Je suis content que se donner, ce ne soit pas se perdre. Je l'avais toujours espéré au fond, non pas seulement parce que je n'aime pas me mortifier, mais parce que j'ai remarqué que Nous nous donnons buvablement quand nous avons perdu toute abnégation.

 

Ma mère était donc maîtresse de générosité. Se donner, c'était donc, comme elle le faisait, se propager à partir du besoin qu'elle avait de se faire aimer, c'était aimer l'autre à partir de l'amour de soi, c'était se montrer extraverti et oser tout ce dont j'avais peur, recroquevillé  dans ma coquille d'escargot désorienté, qui voulait bien partir, mais qui ne savait pas grimper aux murs et, quand il devait faire le tour du pâté de maison, se cramponnait, se cramponnait...

 

J'avais apprivoisé des escargots qui tous étaient tombés du mur. Je les avais un peu aidés. C'était ma générosité à moi, de les faire partager mon sort, mmoi qui, si je m'aventurais, allais, je n'en doutais pas, tomber moi-même, si je ne les envoyais à ma place, dans un trou où m'aurait happé la possession diabolique.

 

Quand même j'eus cru, combien de fois !, que ce coup-ci, j'étais bon, le diable m'avait eu, alors me revenaient, à moi révélées au moment où j'allais la quitter, la générosité de ma mère comme un modèle à suivre pour que soit bannie la crainte.

 

Moi qui avais condamné au Nom du Père, voici qu'au Nom du Fils, le Dieudonné, je devenais libéral comme l'avait toujours été mon père, épris de liberté comme moi ; et, de toute la liberté dont était capable ma pensée sans frontière, j'essayais d'aller où j'avais choisi.

 

4. Il me restait à choisir ma mère, ou plus précisément à savoir si elle était de Dieu et fréquentable, elle dont j'avais cru longtemps que nous n'étions pas faits pour nous rencontrer, pour nous entendre parce qu'elle avait une grosse voix, ou si elle n'était pas certainement condamnée, parce qu'elle ne vivait pas sa foi de la manière intransigente et intransgressive dont je croyais qu'il fallait que chacun la vécût.

 

Ma mère était une louve et c'est pourquoi elle avait une grosse voix. Son amour était dévorant et c'est pourquoi j'avais peur d'être mangé par elle, mais jamais, même s'il lui était arrivée de lever la main sur moi, elle n'eût fermé ses dents sur ma chair pour que je ne fusse plus qu'en elle, une bouchée giclante et ensanglantée. N'avais-je pas réussi à la quitter sans qu'elle m'ait montré les dents, comme un fugueur officiel qui entre en pension, non seulement de son plein gré, mais à sa demande ?

 

J'avais quitté ma mère soi-disant pour apprendre le latin qu'on n'enseignait qu'à Paris, car à l'école spécialisée de la ville où j'habitais, il y avait de petits effectifs, mais aucunprofesseur n'était assez qualifié pour prodiguer cet enseignement, le latin, à ce seul élève que j'étais, qui voulais apprendre les langues mortes. J'avais donc fui ma maman-louve pour aller apprendre à parler la langue de celui que la louve avait recueilli et qui devint, grâce aux soins et au lait de la tendresse attentive de cet animal, conditor urbis, le fondateur d'une nation capitale qui finirait par dominer le monde, la moitié du monde connu.

 

Ma mère ne rêvait pas pour moi cette élévation dominatrice à cheval sur un trône d'emprunt. Mais sans elle, certainement, je n'aurais pas été Mozart. Tout petit, ne m'asseyait-elle pas au piano, laissant carrière à ma fantaisie de mélanger  les notes comme elle faisait des couleurs ? Ce qui me valut, quand je voulus mettre un peu d'ordre à mes dissonances, d'avoir un sens inné de l'harmonie que je n'ai jamais apprise, ce qui est fantastique, et d'éprouver un immense bonheur que je fais partager quelquefois, à improviser en ouvrant mon robinet à musique. Mozart et Rossini écrivaient au robinet.

 

Ma mère était une louve : ce n'est pas moi qui le dis, c'est elle-même qui l'a avoué. Souvent, quand, vers l'âge de vingt ans, déjà éloigné de celui où j'étais parti, mes frères et moi venions dîner chez elle, elle nous accueillait en disant : "Voilà ma nichée !" Au point qu'il m'est arrivé de me demander si elle était louve ou lionne et parfois d'opter pour la seconde solution, puisque la lionne va chercher de quoi nourrir ses petits et que ma mère a quelquefois raconté qu'avec nous, elle avait vécu des période de "vache maigre » où nous mangions des « sandwichs jambon beurre", ce qui ne risquait pas de m’arriver puisque je déteste le beurre...

 

Je ne me souviens pas de pareilles périodes, mais ma mère n'est pas une lionne. Elle a bien trop besoin de se rassurer sur ses vieux jours : la nourrirons-nous. Une vraie lionne ne s'arrêterait pas à des préoccupations si viles. On ne met pas des enfants au monde pour qu'ils nourrissent leur mère et lui servent de bâton de vieillesse.

 

Le malentendu qui faisait que, longtemps, j'ai cru que ma mère et moi n'étions pas faits pour nous rencontrer, pour nous entendre, se nourrissait de ce que ma mère était louve et que moi j’avais peur des chiens et, non pas étais agneau, mais j'étais né sous le signe du taureau, ce qui fait que très tôt, moi aussi, j'ai eu les idées graves et quand j'étais pris de chagrin, ce qui procédait rarement d'un caprice, je brâmais, pleurais comme une vache. Car j'avais une voix qui, sans être rauque, atteignait au naturel une téciture d'enfant contre-alto. Autrement dit, j'aurais pu faire un castra tout à fait respectable.

 

Ma mère était louve et j'étais un taureau castré. Elle avait faim et j'avais peur. Elle me chatouillait et ma peau ruisselait d'un certain malaise où il se lisait qu'elle portait trop lourd et attendait trop de la vie pour ce que je pouvais lui en donner, moi qui étais né avec des pieds bots et qui, des années plus tard, un soir qu'elle se faisait draguer devant moi, l'encornai en lui tordant le pouce.

 

5. Ma mère était-elle possédée ? Pour ma tranquillité d'esprit - il fallait bien que je vive avec moi -, il était pour moi acquis que je ne l'étais pas. Mais elle, ? C'était sûrement parce qu’elle l’était que longtemps, j'avais cru que nous n'étions pas faits pour nous entendre, nous rencontrer, parce qu'elle était possédée, infréquentable et pas moi,  que Dieu n'appréciait pas sa façon de vivre et ses contournements d'une morale qu'elle faisait d'abondance aux autres et se faisait en ayant toujours l'air de ne pas se la faire et en protestant ([3]) tous ses grands dieux qu'il ne fallait pas la lui faire, qu'on la "culpabilisait"... Mais au fond d'elle-même qui était puritaine, elle ne cessait de s'en vouloir et de se demander comme moi si elle n'était pas en état de péché mortel.

 

Ma mère était généreuse et un jour, j'eus besoin d’elle, j’eus besoin d'argent. Elle n'en avait pas, en ayant toujours dépensé au-delà de ses économies. J'étais au bord de ne plus pouvoir me subvenir et, comme je n'allais pas m'abaisser à demander quoi que ce soit à mon père, si je n'étais pas à la rue, du moins étais-je dans l'impasse. Elle me conseilla de faire un emprunt, me conduisit à la banque et se porta caution. Ma mère était généreuse avec l’argent qu’elle n’avait pas.

 

Plus tard, je me vis pour la première fois foutu dehors de quelque part. Je fus renvoyé du séminaire Saint-Sulpice sis au six, rue du regard où j'avais trouvé domicile après avoir quitté, dans des conditions de grande mésentente, un studio que j'occupais à Colombes, ville des oiseaux de paix, et que je louais deux cents francs par mois. Je m'étais donc allé blottir en cet antre de prêtres  parce que je voulais moi-même le devenir, mais cela ne me fut pas donné. Je n'habitais pas plus tôt là où tout aurait dû m'édifier que je m'abandonnais à mes penchants les plusvils, instincts les plus bas, habitudes et turpitudes.

 

Je buvais jusqu'à de colossales ivresses alors que je m'étais contenu jusque là, des ivresses à vomir dans l'escalier, quand je remontais dans ma chambre d'étudiant qui, s'il se conduisait bien, deviendrait séminariste, mais je chancelais et vomissais les études dans un banquet perpétuel où moi-même et moi nous disputions sur la contenance des carafons.

 

Une aube que mes vomissements s'étaient encore étalés dans l'escalier et avaient de nouveau repeint les murs, l'économe du séminaire jugea que c'était un matin de trop. Et, comme il m'en avait averti, il me convoqua pour me signifier que je devrais pourvoir à me reloger dans les plus brefs délais. Il m'accordait trois mois.

 

Ce coup-ci, je n'étais pas seulement dans l'impasse, j'étais à la rue, car je ne voyais pas où aller, ni comment expliquer aux miens que je ne pouvais plus me trouver où je venais d'emménager.

 

M'expliquer du reste, j'étais fermement décidé à ne pas le faire, mais à ma mère à qui, ce fut plus fort que moi, je me confiai et qui, loin de me condamner, prit la plume, écrivit à Monsieur l'économe, démarche qui ne donna rien, mais elle me comprit, ne m'intima aucun commandement de reconversion, me déclara que j'étais pardonnable, que je ne l'avais pas fait exprès, de vomir ou de tordre son pouce ; que tout petit déjà, je voulais faire le bonheur de tout le monde, que j'étais malheureux, mais généreux ; que si je ne devenais pas prêtre, ce n'était pas de ma faute, mais celle de la vie qui s'était acharnée, retournée, et il n'y avait pas à rechercher si c'était un bien ou un mal, si la vie s'était retournée contre moi ou pour autre chose.

 

Ma mère fut si généreuse envers moi que j'acquis la conviction que je l'étais aussi et que, non seulement elle ne pouvait pas être possédée, mais qu'elle était plus intimement unie au bon Dieu que tous ceux qui avaient de l'hypocrisie mêlée dans le miel de leur amour pour moi, l'hypocrisie du conditionnel : "Nous continuerons de t'aimer si tu deviens ce que ton père veut que tu sois, un normalien !"

 

Ma mère était comme Jésus, elle m'aimait en Lui. Jésus n'avait pas voulu de moi pour prêtre et Il m'avait regardé me faire exclure, mais exclus j'étais devenu Jésus, plus Jésus que si j'avais suivi le droit chemin. Jésus avait toujours fait la Volonté du Père. Réduit à moi, je devenais Lui et donc, moi aussi, sans l'avoir fait exprès, je faisais la Volonté du Père, et c'était ma mère qui l'avait compris, que j'avais prise pour celle qui me montait contre mon père, pour celle qui ne l'aimait pas, alors qu'elle l'attend toujours.

 

Mon père, mon pareil (il me disait cela quand j'étais petit : "Tous les deux, on est pareils!", toi qui détestes à la fois que je sois devenu Mozart et que j'aie tout perdu parce que je suis dépensier comme ma mère ; toiqui détestes tout ce que je suis devenu parce que "tout cela," dit-tu, "c'est ce qu'a fait de toi ta mère", Pardon papa, mais ce qu'a fait de moi ma mère, je l'aime bien - car il faut bien que je vive avec moi - comme elle aussi, j'ai fini par bien l'aimer, d'un amour qui ne se démentira pas, quelque prodigieux agacementdont elle m’indispose.

 

Et toi, mon père, mon pareil, qui as tout fait pour ne pas devenir ce que je suis devenu et as bien fait, toi, je t'aime aussi, et je ne te demande même plus de m'aimer comme je suis, je t'aime comme tu es, il faut partir de là, qui est le degré zéro de la vie :

 

un enfant naît, anormal, expression de la Vie Qui Est Dieu, car Dieu Est la Vie, Il l'a dit et Il la Veut. Anormale Est Sa Volonté.



[1](Si j'en parle, c'est que c'est lui qui y insiste)
[2](Cité par François Brune in LES MORTS NOUS PARLENT)
[3]Elle était luthérienne.
 

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