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vendredi 9 mars 2018

La personnalité de la démocratie


Commentaire posté sur le blog de Philippe Bilger, au pied de l’article :

 


 

Quelque chose me dit que la saillie d’Abou Dabi sera reprochée à Nicolas Sarkozy comme la citation tronquée du discours de Dakar à propos de l’homme africain et de son entrée dans l’histoire, insuffisante, faisait dire Henri Guaino à son porte-parole, nulle, a retenu l’opinion.  – Avez-vous remarqué que c’est précisément depuis la présidence de Nicolas Sarkozy, dont le nègre parlait mal de l’homme africain, qu’on reconnaît la plume dans celui qui répète ses discours ? Le nègre a accédé au statut d’auteur. Peu s’en est fallu qu’Henri Guaino devînt candidat à la présidence de la République, ce dont je me serais personnellement très bien porté. -

 

« La démocratie, c’est le gouvernement du présent », accusait Maurras, et « le gouvernement du spectacle », renchérissait Guy Debord, où non seulement le moindre long-termisme est impossible, mais où « le vrai est un moment du faux », de sorte que non seulement les lois qui sont votées sont à courte vue, mais elles sont votées sur la base de mensonges, mensonges ayant trait aussi bien à la temporalité (« l’actualité commande ») qu’à la hiérarchie de l’information (on réagit au fait divers et à l’émotion qu’il suscite).

 

L’information et l’actualité singent la culture. La culture étant une information de la civilisation qui extrait de l’arbitraire en les sélectionnant, l’artiste qui illustre son siècle ou la citation qui représente une pensée, l’actualité informe en imitant la culture et en sélectionnant arbitrairement des petites phrases insipides et décontextualisées, qu’elle extrait d’un long discours déroulant tout un raisonnement, le plus souvent intelligent. La culture est du passé choisi, l’actualité est du présent sélectionné.  

 

La chose est sans importance, mais la chambres d’enregistrement qu’est notre Parlement-croupion, n’a pas grand-chose à envier aux parlements que vitupérait Chateaubriand dans les mémoires d’outre-tombe, et qui ont précipité la chute de l’Ancien Régime. Macron aggrave la dérive en prévoyant que le droit d’amender sera indexé sur le nombre de députés que compte le groupe parlementaire. Autrement dit, votre droit de modifier la loi diminuera si vous êtes dans l’opposition, car vous n’êtes pas là pour discuter la loi, mais pour enregistrer la loi.

 

L’honneur de la démocratie est-il d’être un régime faible ? En deux jours, vous employez deux fois ce mot d’honneur, d’abord pour souligner celui de la responsabilité, et ici pour mettre la responsabilité à l’épreuve des contre-pouvoirs. Or, pour s’exercer pleinement, la responsabilité peut-elle s’affaiblir ? À vous lire en effet, « l’honneur [de la démocratie] », qui n’est pas qu’une « empêcheuse de gouverner en rond », « est précisément d'interdire à des "hommes forts" de faire fi d'elle. »

 

Mais nos gouvernants sont-ils des « hommes forts » ? Je me souviens d’une longue interview de Nicolas Sarkozy dans Paris Match, alors simple ministre de Chirac et trublion du gouvernement, où on le voyait jouer au foot ou au tennis avec son petit Louis en lui recommandant : « Frappe fort. » Être fort, ce n’est pas frapper fort.

 

Comment l’entropie et la loi de dégradation de l’énergie et des profils se sont-elles appliquées aux présidents de la Vème République ? Les deux premiers furent des patriotes sincères ; les deux suivants avaient des destins français ; les deux suivants étaient des ambitieux ; François Hollande était une chiffe molle empathique et sympathique. Le locataire actuel du Château n’est pas un pisse-froid, mais un pisse-congelée et pas un ambitieux, mais une ambition indifférente. Jacques Chirac voulait arriver à être président de la République en France ; Emmanuel Macron voulait arriver à n’importe quoi, n’importe où, et il est devenu président de la République en France.

 

La démocratie serait-elle par nature un régime faible et un pouvoir impersonnel ? Ce qui l’affaiblit est d’être une hybridation de pouvoir personnel sur un régime impersonnel, de pouvoir devant durer peu et dépendre de la versatilité de l’opinion. La démocratie représentative est la greffe qui a mal pris, d’un peu de pouvoir personnel sur un régime impersonnel. Comme chacun de nous gagnerait à courir jusqu’au bout son risque existentiel, la démocratie sortirait renforcée d’aller au bout de sa logique. On la dit le régime de la séparation des pouvoirs ? Alors pourquoi l’exécutif dispose-t-il en pratique du quasi-monopole de la proposition des lois ? Pourquoi le Parlement vote-t-il des lois sans écrire ses décrets d’application ? À quoi sert la Cour des comptes et pourquoi gaspillons-nous notre Trésor à la laisser subsister, si ce sont les parlementaires qui votent le budget au gré des pressions des agents d’influence ? Pourquoi les citoyens n’exercent-ils pas directement le pouvoir législatif et ne votent-ils pas les lois qui les concernent ? Doit-on favoriser jusqu’au référendum d’initiative populaire ? Toutes réformes qui seraient beaucoup plus radicales que la VIème République de Jean-Luc Mélenchon ou de (politiquement) feu Arnaud Montebourg (jusqu’à plus ample informé), QUI NE SERAIT qu’un parlementarisme renforcé, tempéré par le tirage au sort.

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