Pages

samedi 30 novembre 2024

Dialogue avec Lodi

Lodi est un commentateur du blog de Philippe Bilger de tendance plutôt transhumaniste pessimiste. Je reproduis ici cet extrait de notre dialogue qu'on trouvera en totalité sur le blog de notre hôte à cette adresse:



Justice au Singulier: Plutôt les coulisses que la scène...


@Lodi | 30 novembre 2024 à 07:44

"Je ne comprends cependant pas pourquoi vous êtes revenu au christianisme. Avez-vous lu autre chose, senti une communion avec ce qui vous a semblé être Dieu, préféré vous accorder avec votre milieu?", 

Je n'avais rien lu. Mon athéisme partait de moi, j'y étais libre et heureux. J'ai peut-être voulu m'accorder avec mon milieu ou faire la part du conditionnement: mon athéisme perçait le coeur de ma grand-mère et sans doute inconsciemment, voulais-je arrêter de l'en faire souffrir. Mais avant tout, j'ai "senti quelque chose", j'ai vécu un transport, de ceux dont on ne revient pas et qui vous interdisent de vous détacher de Dieu, au-delà du fait que le détachement est un anti-douleur.


"Les dieux ont soif", résumait Anatole France ou pour vous citer, "je soutiens que le crime de masse du Déluge ou que la fin du monde, gigantesque boucherie assortie d'un jugement de l'assassin sur ses victimes" est le pire des châtiments qu'on puisse imaginer, avec l'enfer chrétien, cette éternité de combustion sans consomption, une imagination qui ne serait pas même venue dans la pensée d'Hitler. Oui, mais si la religion n'assouvit pas la soif qu'elle creuse ou met en évidence, le contact qu'elle fait prendre avec dieu ne relève pas des histoires qu'on raconte à son sujet, histoires violentes, vous avez raison, histoires qui parfois comme dans l'islam, mettent des noms de personnages sur le dieu des philosophes avec plus d'efficacité que dans le monde chrétien. Non, le contact que la religion nous fait prendre avec Dieu est d'abord personnel, même si, par la suite, j'ai été heurté qu'on m'oblige à ne pas m'interroger sur l'idée de Dieu, mais sur Sa Personne, moi qui avais noué beaucoup plus une relation avec l'Esprit-Saint qu'avec Jésus-Christ, Fils de Dieu.  Mais oui, la conversion qui fut la mienne fut une rencontre avec l'Esprit-Saint, et peu m'importe encore aujourd'hui de savoir si Jésus a existé historiquement ou si c'est notre soif de Lui et nos attentes à Son égard qui lui confèrent l'existence. Ce que Michel Onfray dit de "Jésus, personnage conceptuel" avec qui vivre une relation allégorique ne me choque pas et je tiens Feuerbach pour le plus grand théologien apophatique, sinon le seul, de l'Occident chrétien. 


"Si puissant que soit un abuseur, il n'est jamais qu'un abuseur."

Quand je vous disais que la rémission des péchés n'est pas très "tendance", dans cette prise de conscience où nous sommes de l'impact des abus sexuels ou de conscience, je pense que cela s'aggrave sous l'effet d'un dogme tel que la rémission des péchés qui revient à suggérer à ceux à qui on ne fait de la vie morale qu'un impératif de second ordre: "Abusons-nous, folle ville, puisque tout sera pardonné."


"Participer au salut du monde?" "Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre", se promettait la petite Thérèse.


"Dieu est trois dans le christianisme, une de ses personnes meurt et ressuscite, tout cela sauvant bien des gens. "

Si le Fils meurt, quelque chose dans le Père meurt aussi. Et cette mort ne peut Le satisfaire, si je prends ce mot dans son sens usuel, qui me fait converger globalement avec votre résumé : "Dieu lui-même s'astreint à une dépersonnalisation quand il agit comme dieu fractionné, un abandon exprimé par le fameux "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?". 




Il y a une dimension orphique de la création divine. Dimension que je qualifie ainsi parce que je "joue avec les mythes". Mais il ne faut pas avoir peur de jouer le jeu de la relation spirituelle.


"Je vais tenter une autre approche. Si Dieu avait créé le monde par trop-plein de créativité, d'amour, l'univers serait une fête, un paradis, une perfection dont le moindre recoin vaudrait la totalité de ce qui existe en vérité."

Je retiens votre hypothèse parce que je l'ai souvent émise par-devers moi sans la formuler aussi bien que vous: Dieu a créé le monde par trop plein de créativité. Sans obligation de résultat du fait de son "sentiment d'incomplétude". Variante: Dieu a mis des millions d'années à éprouver le besoin d'un vis-à-vis dans Sa Création. J'avais énoncé cette idée en rencontrant le Père Martelet qui ne m'a pas envoyé sur les roses en m'opposant la relativité générale qui fait que mille ans sont comme un jour.


"Dieu a créé le monde parce qu'il est tombé."

Je vous reconnais bien là. La gnose n'est jamais loin de vos investigations métaphysiques.  

"Pas le diable, un sous-fifre, lui..."

Le diable n'est qu'un manque-à-être.

"[Dieu] est tombé dans le sentiment d'incomplétude, un mécontentement de ne pouvoir se satisfaire de soi, et il s'en est voulu comme il en a voulu au monde, et nous en payons les conséquences."

Cela pourrait être, ou bien c'est une histoire que vous faites dériver  de ce qui se veut être la Révélation chrétienne. Histoire à laquelle je serais sans souscrire? 

Mon analyste, athée, mais atomiste, me dit un jour: "Vous (sous-entendu vous au moins) avez conscience, en étant croyant de participer à la paranoïa collective."  Et quand bien même? Il n'y a pas d'homme sans histoire, sans édification, sans monument. Si "le Fils de l'homme n'a pas une pierre où reposer sa tête", l'Église catholique lui offre une triple pyramide:


-Elle lui raconte l'histoire depuis la Création du monde jusqu'à la dévastatrice Apocalypse;


-elle le situe à la base d'une hiérarchie qui va du simple fidèle jusqu'au pape;


-hiérarchie qui elle-même est le miroir et met l'homme en communion avec tous les vivants et les morts. C'est déjà pas mal et peut-on lui en demander davantage?


"Le salut, plutôt brutal, que nous offre Dieu, est l'ombre du salut qu'il se fait à lui-même, bon sang, j'écrirais peut-être une fiction sur ça, ou du moins en partie me dis-je avec enthousiasme."

Neal-Donald Walsh écrit que "Dieu crée pour faire l'expérience de Lui-même." 


"Dans ce cas" (si vous écriviez une fiction là-dessus), vous m'auriez inspiré, merci, grand merci, vraiment !"

J'en serais honoré."Dans ma version des mythes de salut, en nous sauvant, Dieu se sauve, en participant à son salut, l'homme participe au salut de Dieu."

Variante personnelle: le récit de la ligature d'Isaac se termine heureusement par le fait que Dieuintime à Abraham d'abaisser le couteau qu'il allait lever sur son fils comme une preuve ultime de son amour incommensurable d'un Dieu, lui aurait-Il été infidèle et pris le fils de sa promesse. Je me dis que, jusqu'au dernier moment, non pas Jésus qui accepta de boire le calice jusqu'à la lie, mais Dieu le Père a cherché un homme qui L'aurait supplié de ne pas laisser se lever le bras séculier de l'autorité civile satisfaisant la foule versatile et irritée sur Son Fils  en rémission des péchés du monde. Mais Dieu n'a pas trouvé ce suppliant, qui vient à contre-temps dans l'islam estimer que Dieu n'avait pu laisser Jésus au pouvoir de la mort pour vaincre la mort. 


Moi aussi, je voussouhaite le meilleur et ce n'est pas la première fois que nous nous le souhaitons dans ces colonnes à nous ouvertes par notre hôte et sa tendre moitié.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire