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jeudi 16 novembre 2023

Pourquoi pas moi?


@Michel Deluré | 16 novembre 2023 à 10:24
"Certes, n'importe qui peut très bien dire « je suis moi».

J'avais une amourette qui, chaque fois qu'elle me téléphonait, me disait "c'est moi" d'un air triomphant en me dérangeant presque à chaque fois, car j'en aimais une autre beaucoup plus qu'elle, tellement idéale que je trompais mon idéale avec elle qui était amoureuse de l'amour, mais qui ne savait pas qu'elle était vide et que c'était peut-être ce vide qui faisait son charme d'idole.

Elle savait qu'elle était vide, mais elle ne voulait pas le savoir et quand elle vous disait "c'est moi", elle croyait vous apporter le monde alors qu'elle ne vous apportait rien.

Mais le monde était peut-être encore plus vide qu'elle qui se prenait pour le centre du monde et qui en effet l'était, quand on vivait avec elle.

Elle s'annonçait en me disant: "C'est moi." Et j'avais envie de lui dire: "Ah bon, ce n'est que toi?" Or elle était sublime et je ne pouvais pas la sublimer en l'estimant, car elle n'était qu'elle, toute centrale qu'elle était.

"Mais vous conviendrez que ces mots ont une résonance autre, qu'ils soient prononcés dans un contexte particulier par un humoriste, en l'occurrence Pierre Dac dans ce cas précis":

Pour rappel: "Je suis moi. Je viens de chez moi et bientôt j'y retourne."
Un psychanalyste que je consultais pour comprendre qui j'étais me dit un jour: "Personne ne quittera ce monde en pouvant répondre à la question: "Qui suis-je?" Je laissai tomber sa cure et son cabinet s'il ne pouvait pas m'en dire davantage.

" ou qu'ils le soient par le commun des mortels."
Je ne crois pas dans la banalité du moi? Je ne connais que "la banalité du mal" et je ne crois pas aux anonymes, non pas dans le sens de Patrice Charoulet qui n'aime pas l'anonymat de la pseudonymie: mais je crois qu'il n'y a pas d'anonymes, il n'y a que des noms propres dont certains sont connus et d'autres inconnus. Tel être distingué ou célèbre peut être aussi propre que le nom qui l'a fait sortir du lot et du commun pour devenir une personnalité, mais il y a beaucoup de personnalités sordides bien qu'elles aient un nom propre.

Pourquoi, hormis la postérité, Pierre Dac serait-il moins le commun des mortels que moi? Pourquoi pas moi? Quand on me fait une proposition quelle qu'elle soit, j'ai tendance à répondre: "Pourquoi pas?" je préfère le "pourquoi pas" serviable ou qui ne veut pas mourir idiot au "pourquoi" des enfants dont j'aime les questions sans réponse, mais qui en posent d'aussi stériles que celle que j'ai posée à Thierry Piras, psychanalyste chamane: "Pourquoi avons-nous deux yeux et notre front ne serait-il pas le point d'intersection de notre bilatéralisme psychique à propos duquel Freud et Fliess se sont disputés, chacun s'attribuant la paternité du concept et le premier l'ayant en réalité volé au second?" "Pourquoi avons-nous deux yeux? Vous n'avez qu'à demander à Dieu." "Papa bon Dieu, c'est mon surmoi."

Tu me sollicites et je te réponds: "Pourquoi pas?", c'est le contraire du "pourquoi moi?" que hurlent à part soi tous les dolents et tous les valétudinaires qui ont un tel mal de ventre qu'ils se disent qu'ils n'ont pas mérité ça. Le "moi" qui est banal prend à mal d'avoir mal. Pourquoi? Ou pourquoi pas?

Rien ne saurait "[différencier] le "moi" célèbre de celui de "monsieur tout le monde" du moment qu'Ulysse a dit qu'il n'était Personne et qu'avant Jean Gabin, Socrate a dit que tout ce qu'il savait, c'était qu'il ne savait rien. Science paradoxale du connaisseur inconnaissant, inscience qui me paraît le faux-fuyant du faux monnayeur ou du banquier universel!

Je préférerais un homme qui me dirait: "Tout ce que je sais en tant que moi et en tant qu'homme, c'est que je ne vaux rien, car je suis un vaurien. Seigneur, dans ton Royaume, souviens-toi du vaurien que je suis."

 

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