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mardi 31 mai 2022

Le mystère Céline Pina

Les socialistes ne sont guère transcendants et Céline Pina, ancienne socialiste, ne semble être mue que par deux transcendantaux pour conjurer la mort: la politique et la créativité.


La politique est un leurre s'il s'agit d'accéder par elle à l'immortalité. Car elle ne permet "le dialogue des vivants et des morts" dont parlait Michelet pour définir l'histoire que jusqu'à ce que la mort s'ensuive, mort des civilisations ou mort de l'homme. On fait de la politique pour se survivre et pour des survivants, ses enfants, qui certes auront les ressources d'affronter les défis du monde qui leur sera contemporain, mais combattront en vain puisque l'homme et les civilisations mourront un jour et la mort des civilisations est plus certaine que la fin de l'histoire en laquelle a cru Céline pina, qui prolonge son combat contre la mort en pariant sur la culture. 


La culture est certes le fruit de la créativité, mais aussi d'un arbitraire, qui sacralise ce qu'il a sélectionné en une histoire du progrès humain indéfini. La culture produit un contre-modèle de sacralité qui n'a pas grand-chose à envier au sacré du fond théologique sur lequel Céline Pina refuse de penser, en tenante d'une laïcité antireligieuse, dont l'islam est la diabolique surprise, car ennemi de la créativité, dit-elle et comme tel, source d'arriération des sociétés qu'il a innervées.


Sur ce point il est difficile de lui donner tort. L'islam est ennemi de la créativité en ce qu'il est iconoclaste: il refuse les images du monde visible et du monde invisible, il réduit l'art à l'arabesque dont Baudelaire faisait pourtant le sommet de l'art. Il prétend protéger l'homme contre lui-même en créant des sociétés harmonieuses parce que dociles, et qui n'ont qu'à suivre un mode d'emploi. Mais ces sociétés harmonieuses sont très vulnérables, car ce sont des sociétés de surveillance, et la loi est toujours soumise à interprétation. Quand la loi est prégnante, les différences d'interprétation sont vécues violemment et engendrent de la violence.


Mais Céline Pina omet le paradoxe qui avait échappé au Bergson des deux sources de la morale et de la religion, à savoir que la pensée close est souvent plus féconde qu'une pensée ouverte, qui n'a pour horizon que de se croire large d'esprit. Une société close est fondée sur un texte, et la lecture d'un texte est inépuisablement créative, surtout si ce texte est sacré.


Céline Pina méconnaît aussi le tragique de la condition humaine, comme tous les socialistes (ou anciens socialistes) qui manquent de transcendance. Un musulman suit son din pour avoir un modèle protecteur. ET puis il s'en écarte, il pèche, comme tout homme s'écarte de ce qu'il voulait faire, pour arriver à des résultats diamétralement opposés à ses intentions initiales, dans une hétérotélie à laquelle il doit trouver du sens. Le chrétien croit dans l'ordre "à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair et à la vie éternelle". C'est-à-dire qu'il transfère la responsabilité de sa vie sur quelqu'un qui peut le sauver, a payé pour ses péchés et lui permet de recommencer sa vie comme s'il était une terre vierge, voire de récidiver si la grâce ne parvient pas à chasser le naturel. La rédemption chrétienne est un transfert de responsabilité, d'où la "culture de l'abus" dans l'Eglise. Le musulman qui finit sa vie dans le terrorisme et la violence cherche la rémission des péchés d'après un autre modèle de martyre où l'on donne sa vie en prenant celle des autres et en aggravant peut-être le mal par un autre mal dont il ne voit pas le caractère maléfique, car l'urgence, c'est la rémission des péchés. Mais pour un socialiste, il n'y a pas de péché et c'est en quoi il se trompe sur la condition humaine, car il faut conjurer la violence et le socialiste ne sait rien en faire, il ne sait que refuser cette autre violence sociale illégitime qu'est la peine de mort, héritée du droit de vie et de mort du pater familias sur ses enfants.


Céline Pina est une Manuel Valls ou une Elisabeth Lévy à la voix douce. Elle est la même, avec des idées opposées, que Rokhaya Dialo. Ce sont des femmes qui fustigent la violence des autres par refus de la violence et du péché dans l'être humain. Or leur paradoxe intime est de n'avoir pour raison d'être que d'avoir des ennemis et elles accroissent le degré d'hostilité dans la société. Chez Céline Pina, la conscience de l'hostilité est arrivée sur le tard. Elle est devenue xénophobe sans s'en apercevoir, en voulant intégrer les musulmans dans un modèle culturel où la religion se ferait discrète, dans une culture au ventre mou, alors que les musulmans ont une colonne vertébrale. Cette laïque de stricte observance serait même prête à des accommodements à la Pierre Manent. Mais son hostilité l'a emporté sur le désir d'accommodement. Elle parle comme Christine Tazin de "Riposte laïque", mais elle n'élève pas la voix, elle n'a rien de vulgaire et se voudrait romanesque. 

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