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mardi 17 mai 2022

Macron ou le progressisme immoral

En réponse à cet article de Christian Vanneste:

https://www.christianvanneste.fr/2022/05/08/complotiste-populiste-non-democrate-et-lucide-ii/?
S’il fallait dresser un tableau du mal que nous fait le macronisme, il illustrerait la révolution des mentalités qu’il a sinon produite, du moins couronnée. -Abâtardissement de la langue, ce “système en équilibre”, qui neutralise la victoire (en réalité neutre) du masculin dans la grammaire pour, soit ignorer le genre, soit faire que le féminin l’emporte dans des désignations aussi banalement prestigieuses que celle de premier ministre, où le premier devient première. -Algorithmisation d’un homme-machine qui accepte cette sujétion à des items, et sa segmentation dans des “minorités” en perpétuelle lutte de reconnaissance, qui masquent son déclassement. -Perte de tout esprit critique sous prétexte de lutte systématique contre les préjugés, qui ne sont pas toujours faux, mais qu’il faut vérifier, vérification exclue par “la société du spectacle” pour laquelle “le vrai est” toujours “un moment du faux”. -Cette perte de l’esprit critique est particulièrement sensible à l’école où, sous prétexte de distinguer savoir et croyance, on déconstruit la connaissance, non pas au sens d’une déconstruction foucaldienne qui ne consiste à rien d’autre qu’à faire “l’archéologie du savoir” ou, à la manière de Nietzsche, la généalogie des connaissances pour savoir comment les représentations découlent les unes des autres, entreprise honorable. Mais il s’agit de “séquencer” l’esprit des élèves (ainsi l’entendent les instructions officielles écrites dans un jargon innommable), pour qu’avant que la culture ne mette de l’ordre dans leurs idées, toutes les disciplines se confonde dans les méandres de l’interdisciplinarité: ainsi on n’enseignera plus méthodiquement la grammaire, mais on enseignera des points de grammaire dans des séquences de Français au hasard de “prélèvements” réalisés dans des textes. De sorte que l’élève soit incapable d’une pensée structurée et d’un agir qui le soit davantage. Le phare de la pensée des ados de droite, c’est Mila, déscolarisée parce que persécutée après avoir dit (bêtement) que l’islam était de la merde, et la Jeanne d’Arc des ados de gauche est Greta Thunberg, déscolarisée pour faire honte à la génération qui l’a précédée de ne pas avoir suffisamment veillé sur le climat. Les hommes préhistoriques croyaient que les rois primitifs faisaient la pluie et le beau temps. Nos derniers roitelets aiment les écervelé.e.s qui ont tellement perdu l’esprit critique qu’ils croient à pareilles fariboles. Dissolution de la pensée dans “la fabrique des crétins” chère à Jean-Paul Brighelli même si je n’aime pas à parler de la sorte, mais dissolution de l’action, qui fait que les mêmes ne veulent être ni médecin ni manoeuvres et qu’ils ne sont pas industrieux, parce qu’un Etat qui a choisi le chômage et le nivellement par la médiocrité préfère tertiariser le plus clair de ses citoyens-administrés-consommateurs, faire de la Chine l’usine du monde et importer les travailleurs pour faire malgré tout les basses besognes nécessaires plutôt que d’encourager ses enfants à s’orienter vers les métiers de l’excellence intellectuelle ou manuelle pour assurer le bien commun de leur pays. “Le gouvernement du peuple est devenu l’Etat de droit” et l’itinéraire de l’enfant gâté Macron qui rempile dans des conditions que vous décrivez très bien signe la décadence de la bourgeoisie qui, après avoir perdu la bataille des valeurs au point d’adopter celles qui devaient la détruire, ne défend plus aucune valeur qui ne soit fiduciaire, numérique ou technique, en sorte qu’on se demanderait vainement de quoi le progressisme macronien pourrait bien être le nom si l’on n’y répondait par ces trois adjectifs et quelques autres du même acabit, où il faudrait faire une part au casino auquel joue l’économie des spéculateurs et des start-upeurs, ces rois du produit conceptuel et virtuel qui ne se rendent pas compte qu’ils vendent du vent. “Parce que c’est notre projet”… que ce progrès-là. Les Ukrainiens que je vois venir ici, indépendamment de leur malheur et exception faite de la compassion qu’on doit à celui-ci, sont des Russes mal occidentalisés. La perte de notre esprit critique nous a rendus incapables de dresser pied à pied le tableau du quinquennat calamiteux de Macron, ce qui aurait pu être fait par les journalistes et qui aurait dû être fait par son adversaire du second tour lors du débat où elle s’est laissée humilier une fois de plus parce qu’elle n’a pas de colonne vertébrale. Ce qui tient l’édifice est la peur dans la société “phobophobe” où l’on a commencé par critiquer les phobies parce qu’on confondait la haine avec la peur. Puis on a dit que la peur était le contraire de l’amour. Puis on a gouverné par la peur et les apeurés de la peur n’ont pas vu que leurs gouvernements tremblaient ou faisaient semblant de trembler. Ce n’est pas parce que la menace d’un complot permanent fait le fond du paranoïaque que le complot n’est jamais possible et ce n’est pas parce qu’on se sent persécuté qu’il n’y a pas de persécuteur. Quant au populisme qui devrait désigner la démagogie, le mot pris en bonne part devrait être le synonyme de la démocratie, si les populistes en intégrant leur disqualification n’avaient pas flatté ces deux passions tristes que sont la xénophobie et le mépris des élites, qui ne sont pas par définition opposées au peuple, même si l’entre-soi des “sachants” gagne à mesure qu’augmente la distance entre l’usage qu’un utilisateur sait faire de son outil et l’incapacité où il est de décrire comment il est fait, entre la technicité de l’usager improductif et la scientificité de l’ingénieur qui a programmé jusqu’à son obsolescence, loin des moyens de production et des forces productives. De quoi le progressisme macronien est-il le nom? D’un progrès purement matériel et donc immoral.

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