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samedi 27 octobre 2018

Les racines analogiques


Hier soir, rediffusion sur « Radio Courtoisie » d’un intéressant dialogue entre l’abbé de Tanoüarn et Rémy Soulier, auteur de « racination », mot qu’il emprunte à Péguy. Curieux, de la part de ce philosophe de la reconstitution des apartenances, et de la présence à nos appartenances, de se complaire dans l’écriture fragmentaire et se déclarer partisan plus de la phrase que du livre et plus du mot que de la phrase, sans  aller jusqu’à adopter la religion du signe, dans la déperdition symbolique où l’ont plongée les philosophes de la déconstruction, alors que le vrai mouvement du poème est de chercher sa scansion dans l’expansion du vers jusqu’à la phrase infinie, en passant par l’aphorisme, qui définit le concept dans le passage au tamis poétique.

 

« La fonction de la modernité est paradoxalement de sécréter un goût pour la nostalgie, qui implique un retour possible, et un goût pour nos racines, qui ne nous intéressaient pas quand nous ne les avions pas perdues », parie, optimiste, l’abbé de tanoüarn, qui ajoute : « L’identité est revenue au goût du jour et s’impose à nous dans une telle crise, étant donné le mouvement de l’époque et des gens dans l’époque, que l’identité est élective. »

(Je préfère l’identité élective aux affinités électives, qui sont pour moi un pléonasme.)

« Pourvu que l’élection soit sérieuse », répond Rémy soulier.

Pour ma part, je crois à l’identité élective, à la nation matricielle et à l’adoption comme principal moteur de la naissance, c’est-à-dire que je crois qu’il est plus fondamental de renaître que de naître.

« Que faire en cas de double identité ? », interroge l’abbé de Tanoüarn.  Vous êtes un Aveyronais pur sucre, mais que vous serait-il arrivé si vous aviez eu un père aveyronais et une mère flamande ? »

- Maurras répond à gide qu’on choisit l’endroit où l’on veut, non pas être né ni mourir,  mais être enterré. On choisit sa sépulture. 

- Etes-vous adepte de la naissance naturelle ou de la naissance par adoption, où l’on se recréée, se reconnaît après être parfois né dans un endroit absurde de parents de rencontre ? 

- Il y a peu d’espoir pour ceux qui n’ont pas de rivage. 

- On peut pourtant retrouver sa patrie dans la littérature, j’aides amis qui ont vécu cela. »

Qu’on soit né  en faisant corps avec sa vie intra-utérine ou qu’on ait dû se reconnaître, l’important est toujours d’adopter sa matrice.

« Pour être présent au passé des appartenances, il faut avoir eu des absences », constate mélancoliquement Rémy Soulier.

Le paradoxe de l’enracinement, ai-je moi-même expérimenté,  est que le voyage déplace notre centre de gravité.

« Il faut se déprendre du fleuve qui nous prend et nous emporte loin de nous-mêmes », souhaite-t-il.

- Comment faire ?

-On ne peut pas, le courant est trop fort. À horizon humain, on ne retrouvera pas son rivage, mais on peut traverser le fleuve - la trraversée n’est pas si longue -, avec dans la tête la maison de ses rêves, qu’on se serafabriquée, bien plus idéale qu’un radeau de survie. « 

- En philosophie, deux principes se disputent l’adéquation de notre pensée : le principe d’identité et le principe de ressemblance, à l’origine de l’analogie », conclut l’abbé de Tanoüarn. Aux identités remarquablement numériques et statiques, je préfère la quête de mes racines analogiques, car ma matrice ne m’a pas été donnée en naissant, je l’ai adoptée en en prenant conscience.
 
Rémy Soulier : Racination, Pierre-Guillaume de Roux, Paris, 2018.
 

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