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lundi 30 juillet 2018

Qui sont les Vendéens?


Ce que j’ai aimé en Vendée ? La même chose que ce que j’y ai presque détesté au Puy-du-fou : la capacité qu’ont les gens de là-bas de coopérer les uns avec les autres, ce qui va des quatre mille bénévoles de la cinéscénie à, beaucoup plus simplement, le fait que trois cents personnes sur sept mille habitants assistent à la première de la compagnie de théâtre de la ville qui a aussi fondé une école de théâtre et va donner la pièce durant tout l’été.

 

Ce que je n’ai pas aimé au Puy-du-fou, c’est ce que ce parc à thème  révèle de l’imaginaire de Philippe de Villiers, qui  se borne à considérer qu’un peuple se constitue par la guerre et pour la guerre.  À ce compte, à quoi bon être contre l’Union européenne ?

 

Dans le grand cirque, qui est une attraction du parc, où des gladiateurs se battent au milieu des tigres et des lions, où les gaulois sont chrétiens avant d’avoir été christianisés et  où le gouverneur romain n’a aucun sens de l’honneur et ne tient pas parole, celui-ci commence par haranguer la foule : « Citoyens ! » Comme la foule leconspue, , le mot qui suit est : « Taisez-vous. » Dans l’imaginaire de Villiers, la fable politique est cette grosse ficelle que l’Union européenne est l’Empire, que l’Empire dit aux nations : « Taisez-vous », et que le peuple a toujours raison. Pour Philippe de Villiers, l’Union Européenne est l’autre nom de l’Emppire ou d’Edouard Balladur : « Je vous demande de vous arrêter. »

 

Pour Jeanne Smits ou Victoire de Jeaghère, la gauche est un synonyme de la « culture de mort ». Je n’ai jamais aimé cette expression de Jean-Paul II . Pourtant j’ai appris par Jeanne Smits que l’avortement de masse avait été une des premières mesures adoptées par Lénine et que la Russie de Poutine qui pourchasse l’homosexualité se prévaut de ce triste record que 22,5 % des couches se terminent par un avortement.

 

Qui sont les vendéens ? Sont-ils des chouans ? Ce sont des gens qui sont partis en guerre pour s’insurger contre la levée en masse (de la conscription) et qui du coup ont pris le parti des prêtres réfractaires qu’ils appelaient leurs « bons prêtres » et qui se sont opposés à la constitution civile du clergé, dont je rappelle qu’en soi et si l’Eglise l’avait soutenue, elle aurait renoué avec le principe d’élection des évêques en vogue aux premiers temps de l’ère chrétienne et qui ne donnait pas à l’Eglise romaine cet excès de structure pyramidale qui fait souvent crouler sa hiérarchie sous la rébellion des éléments les plus traditionalistes.

 

Qui sont les vendéens, je le découvre à travers le film de Patrick Buisson, Les manants du roi, dont le point de vue est étrange, précisément parce que, tourné par un idéologue revendiqué, il semble se caractériser par une absence de point de vue et, loin d’être favorable aux Vendéens, il montre que ce sont eux qui ont ouvert les hostilités, que les Bleus n’ont été atroces que galvanisés par thureau qui a ordonné un génocide et, aux Lucs-sur-Boulogne, un Oradour-sur-Glane ;  que la Convention, après la mort de Robespierre et de Thureau, a essayé de calmer le jeu ; que les chefs vendéens se sont voulus irréductibles ; que Charrette a bouffé à tous les râteliers et, après avoir pensenvisagé de négocier un compromis avec la République, a reçu promesse de Louis XVIII qu’il le soutiendrait et le ravitaillerait par l’Angleterre. Le comte d’Artois, futur Charles X,  devait le joindre, mais l’abandonna en rase campagne, ce qui lui valut ce cri rageur d’une des dernières missives de Charrette : « Vous signez mon arrêt de mort. »

 

C’est toute la tragédie du populisme conservateur dont je ne sais pourquoi Patrick Buisson s’obstine à l’incarner, lui que son apparente absence de point de vue quand il analyse ou quand il filme conduit à signer des fresques sociologiques inégalables d’exhaustivité et de profondeur de champ : quand un peuple supplée à ses élites nobles ou bourgeoises pour défendre leurs valeurs loin desquelles elles ont émigré, soit ces élites ne reviennent pas et abandonnent le peuple dans la défense de leur pré carré, soit, si elles reviennent, elles l’exproprient de ces valeurs, comme si ce n’était pas lui, le peuple, qui les avait défendues. Le peuple conservateur défend des chefs qu’il tient pour légitimes et cela se retourne contre lui parce que ces chefs le lâchent. Mais les Vendéens n’ont pas seulement voulu être fidèles à leur roi et se donner des chefs ; leur paysannerie de terroir n’entendait pas se laisser enrôler dans unne armée qui fît corps avec la nation, ce qui les a faits se retourner vers l’Église.

 

A l’université d’été de Renaissance catholique, j’ai été le voisin de chambre, une fois de table et plus souvent de chaise du dr. Xavier Dor. Autrefois j’aurais rougi de ce voisinage. Aujourd’hui, je trouve que le dr. Dor est un héros de notre temps.

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