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mercredi 18 juin 2014

Le métier de professeur et sa formation

(sous le pré-texte d'une analyse et d'une proposition de françois dubait). http://rue89.nouvelobs.com/2014/06/18/francois-dubet-recruter-les-profs-a-bac5-cest-erreur-252636 selon moi, cette analyse est à la fois profuse et parcellaire. Le diagnostique est globalement exact, mais ne va pas assez loin. Le sociologue de l'éducation n'ose pas se demander si l'école n'est pas un modèle périmé. Je n'hésite pas à dire par provocation que la "classe" est la reproduction d'un modèle non affinitaire et concentrationnaire, où les relations sont d'autant plus tendues que le professeur n'a qu'un contenu formel à transmettre, en fait de patrimoine culturel commun, vidé de tout contenu idéologique positif. La laïcité est ainsi une valeur négative, opposant la coquille vide de la neutralité religieuse au retour massif et inquiétant du fondamentalisme; et la citoyenneté républicaine n'est que l'insertion du sujet dans une superstructure, avec un culte implicitement réclamé de lui pour cette superstructure. Un vice de la formation des maîtres n'est pas évoqué par François dubait: la concommitance du master et du concours qui rend fou, on ne peut pas courir ces deux lièvres à la fois, trop grande surcharge de travail, qui fait des professeurs formés à cette aulne de futurs évaluateurs, qui ne jureront que par le travail à la maison, et transporteront l'esprit de compétition dans la classe, non plus dans l'esprit du "tableau d'honneur", mais de la "compétence". Autre insuffisance de la formation des maîtres: on apprend aux futurs professeurs à dresser des séquences pédagogiques parfaites, progressives, harchi pleines et bien faites; mais à aucun moment, on ne lui apprend à être un acteur, à se transposer dans une classe. On ne lui fait pas jouer de jeux de rôles avec ses camarades de promotion, on ne lui dit rien de ce que doit être sa présence physique dans la classe, on ne l'entraîne pas à parler en public, on ne lui explique pas que sa participation en cours est une préparation à son futur métier, et que le "relationnel", dès la formation, compte autant que les savoirs diplômants. François dubait dramatise quand il prétend qu'on peut être admissible au CAPES en étant un cancre dans sa discipline. A ma connaissance, les critères d'admissibilité à l'écrit supposent qu'on n'ait pas loin de la moyenne. Pour pallier le manque de vocation et la formation déficiente, il préconise une filière spécifique vers le professorat commençant dès le bac+1. Avantages de cette solution: l'école cessera de creuser un fossé entre des professeurs d'origine plutôt favorisée s'adressant à des élèves issus de milieux potentiellement modestes, François Dubait note à raison cet avantage. Mais limite de la méthode: il n'y a plus de vocation précoce; la dimension collective de l'orientation n'est guère valorisée par le système scolaire: "Dirige-toi vers le métier qui te plais, ne t'inquiète pas de son utilité sociale". Il n'y a plus guère de vocations que tardives. François dubait essaie de faire sauter le tabou qui diminue l'attractivité du métier de professeur, quand ceux qui "candidatent" pour l'exercer se projettent dans une première affectation "galère". Pour françois dubait, il faudrait que le recrutement vers ces établissements difficiles soit assuré par ces établissements eux-mêmes, avec une valorisation du salaire. C'est mieux que rien ou que le statu quo, mais ça ne résout pas le fond du problème. Le fond du problème, c'est que le monde enseignant est devenu tellement individualiste que les syndicats qui le représentent assument sans honte, en ne la remettant jamais en cause, une politique où il est tenu pour acquis et logique que les moins chevronnés aillent au casse-pipe pendant que les plus expérimentés pantouflent. La solution la plus équilibrée serait à mon sens, en s'inspirant du "contrat de génération", qu'un professeur chevronné serve de tuteur à un professeur nouvellement recruté, a fortiori dans des établissements difficiles. Le métier retrouverait ainsi une consistance et on réduirait un peu la solitude du professeur.

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