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vendredi 2 septembre 2011

Les traditionalistes ne sont pas des enfants prodigues,

(ou du rôle du courant traditionaliste dans l'Eglise) :


C'est même l'inverse : ils ont adopté la réaction du fils aîné de la parabole en ne concevant pas que l'on puisse tuer le veau gras pour un frère cadet à qui l'on n'a même pas demandé de revenir au bercail.


Ils se sentent lésés et défendent le "droit du premier occupant". De sorte qu'ils n'hésitent pas à dire parfois qu'ils sont occupés, et il n'y a pas là qu'un déplorable colapsus historique avec ce qui s'est passé durant la période de l'occupation, même si c'est une raison sous-jacente qui peut expliquer, chez certains traditionalistes, une assimilation entre un pétainisme nécessairement résiduel puisque le maréchal Pétain est mort, et ce sentiment d'occupation de l'Eglise.


Pour pousser plus loin, ils se sentent lésés et potentiellement dépossédés de l'amour de dieu dont ils reconnaissent implicitement que l'Eglise est comme dépositaire et habilitée à dire vers qui il se porte, et ils ne comprennent pas que ce ne soit pas à eux, qui ont essayé de conserver et de garder la Foi. Ils ne se sentent donc pas encourir le reproche qu'a fait Dieu à Caïn, cette question que Lui a posée la ruse de l'homme acculé :

"Suis-je le gardien de mon frère ?"

Ils pensent que garder la Foi et garder son frère font cause commune.


Ils ont la même réaction que Caïn, qui ne comprend pas que Dieu ait agréé le sacrifice d'Abel et pas le sien, alors que Caïn a travaillé dur pour l'apporter à Dieu et qu'Abel s'est contenté de garder son troupeau d'élevage.


Ils ont la même réaction que Caïn, c'est-à-dire que "le péché est tapi (à) l'ombre" de leur coeur et sème la zizanie entre eux ; et c'est celui qui entretient ce péché à l'ombre de leur coeur qui, non seulement fait de leur royaume qu'ils appellent "tradiland" un "royaume divisé", , mais qui ne leur fait voir aussi que les ombres de l'Eglise (qu'ils appellent officielle ou "conciliaire"), tapant à bras raccourcis sur les évêques au mépris de la succession apostolique, et se montrant plus ultramontains ou papistes que le pape, au besoin, non sans que leur petit nombre un peu caractériel les empêche d'être particulièrement prompts à se scinder, à se fractionner, à se fragmenter, pour accentuer sans s'en apercevoir la fragmentation qu'ils dénoncent par ailleurs dans la société et le principe de dissolution qui sévit dans l'Eglise.


Pourtant, héritiers de Caïn, ils se montrent, en dépit de leurs immenses défauts, en dépit de relents pestilentiels de nostalgie nauséabonde qui ont cour dans leur mouvance, et surtout en dépit de leur mauvaise langue sur laquelle ils tiennent à communier envers et contre tout, d'authentiques gardiens de la civilisation, c'est-à-dire du multiple face à l'uniformité de la mondialisation. Ils ont d'autres immenses qualités : ce ne sont pas des tièdes, leur manque de charité en témoigne encore en leur faveur ; leur pharisaïsme, anachronique dans une religion qui n'est pas légaliste, mais compréhensible en ce qu'un gardien de la civilisation se doit d'être un gardien de la loi, même s'ils confondent ce qu'ils appellent "la loi naturelle" avec un ordre surnaturel, n'en fait pas les derniers à s'intéresser à la théologie. Bien au contraire, avec les charismatiques et, à l'autre pôle, des "modernistes" soucieux de reformuler la Foi,ce sont peut-être les derniers à prendre la théologie fondamentale au sérieux.


L'Eglise qu'ils appellent "conciliaire" se voudrait assez conciliante pour donner simultanément sa place à Caïn et à Abel puisqu'en pratique, elle ne croit plus au châtiment divin et à l'élimination d'un des deux frères, même si Rome y revient un peu ces temps-ci en partant en croisade contre le relativisme.


L'Eglise (dite) "conciliaire occidentale et singulièrement française, qui, sur beaucoup de points, ne sait plus trop bien que dire et se répartit entre un épiscopat épaulé d'un parterre de sociologues pour empêcher que les évêques soient déconnectés de la société, seule matière dont ils glosent, alors qu'ils n'ont plus le bras séculier assez long, et une branche qui, sous couvert de renouvellement des générations, veut rompre avec les valeurs soixante-huitardes et est atteinte de "nonisme" aiguë, l'Eglise épiscopalienne d'Abel qui, à la différence de l'épisode de la genèse où celui-ci ne disait pas un mot, tient le crachoir, se méfie des intentions hommicides de Caïn. Conciliante, conciliaire, elle ne demanderait qu'à se réconcilier avec Caïn, mais Caïn médite un fratricide, Caïn veut tuer Abel, donc les évêques, qui ont pris le parti d'Abel, trouvent que le pape actuel fraye un peu trop avec Caïn qui, en même temps qu'il négocie avec le Vatican sa réintégration dans la pleine communion de l'Eglise, se méfie de "la double Rome" qu'il traque aussi bien dans Rome que dans les diocèses, soupçonnant a priori d'invalidité rampante à peu près toutes les messes célébrées selon la "forme ordinaire" et le "Nouvel Ordo Missae (qu'ils appellent NOM), tandis que, célébrant sous le Vetus Ordo Missae, ils s'appellent des vomistes. Ils ne se rendent pas compte qu'ils se traitent eux-mêmes phonétiquement de nauséabonds, tandis que, soudain remplis d'une sollicitude involontaire envers leurs frères "nomistes", ils les érigent, toujours phonétiquement et sans s'en rendre compte, soit en gardiens du Nom (du Christ, soit en gardiens de la loi, l'adjectif "nomiste" pouvant dériver du Grec ancien "nomos" qui veut dire loi.


Mais ces remarques, qui ne sont pas de pure divagation - car je ne me lasserai jamais d'évoquer la puissance des non dits portés par le choix inconscient des termes que l'on emploie sans les avoir choisis et sans s'apercevoir de ce qu'ils portent par devers eux -, ces remarques étant mises à part, l'Eglise peut-elle tolérer en son sein une telle dissension ? Peut-elle réintégrer dans la pleine communion de l'Eglise des frères qui, en même temps qu'ils soupçonnent l'Eglise majoritaire de se livrer à des liturgies invalides, commencent par traîner savates et faire des courbettes à leurs évêques pour les supplier de leur attribuer des "paroisses personnelles", solution d'avenir qui entérine la désectorisation géographique des individus au profit d'une réunion par affinités, sensibilités et demeures spirituelles ; et puis, quand ils se voient refuser ce qu'ils demandent, c'est-à-dire presque systématiquement, recommencent à fustiger du prélat ? L'épiscopat abélien croit-il régler le problème en exaspérant Caïn qui, de son côté, médite le projet homicide de se soumettre pour que les autres se démettent, les autres étant constitués par ce que Caïn estime être "le côté obscur de la double Rome", ombrageant celui-ci, l'épiscopat abélien qui, après avoir répugné naguère à former une Eglise autrefois biritualiste, aujourd'hui biformaliste, craint en réalité que ne devienne naturellement ingérable et surnaturellement incohérente, une Eglise pratiquement bifidéiste ?


Pourra-t-on en sortir par le haut ? Pourra-t-on demander aux zélotes de la tolérance et du différencialisme, d'appliquer tolérance et amour de la différence à ceux qui leur sont le plus contraires : des gens qui appellent humanitarisme l'altérophilie, qui souffrent donc d'un certain complexe d'altérophobie et qui disent que la tolérance, il y a des maisons pour ça ? Et pourra-t-on mendier leur amour de l'Eglise à des traditionalistes qui, frustrés qu'on leur ait réellement changé la religion presque à la vitesse où a changé le monde, oublient, en voulant retrouver la pleine communion avec Rome, qu'il ne s'agit pas seulement de retrouver une situation canonique, mais des frères de chair et d'os, qui leur sont tellement étranger pour le moment qu'ils passent à leurs yeux pour des hérétiques sur lesquels on devrait jeter l'anathème ?


Pourra-t-on demander aux gardiens du droit canon et de l'orthodoxie des dogmes d'aimer les hérétiques, et à ceux qui professent le différencialisme et l'amour du prochain de ne pas être indifférents à leurs lointains ? Pourra-t-on unifier dans l'Eglise du Christ l'Eglise de Caïn et l'Eglise d'Abel, chacun ayant été à sa façon préservé par le Christ, Caïn en étant marqué d'un signe pour qu'il ne soit pas tué et Abel en étant Identifié au Christ, tandis que son sang criait depuis la terre, non pour réclamer vengeance, mais pour chercher consolation ? L'Eglise des "frères ennemis" pourra-t-elle redevenir une et sainte dans la catholique/universelle Eglise du Christ, veillée par la succession apostolique à la fois pétrinienne et collégiale/oecuménique ?


C'est la prière d'unité que je voudrais élever vers le Père et, par-delà mes formules mordantes, qui pourraient paraître railleuses, Lui adresser dans l'Esprit-Saint par le Christ, notre Seigneur. Que tous ceux qui trouvent quelque pertinence à cette analyse et portent avec moi ce souci prononcent avec moi: "Amen !



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