(brouillon d'une conférence que j'ai peut-être été invité à donner sur ce "thème").
Pourquoi le thème est-il en déclin ?
a) Le thème a toujours été en déclin, c’est pourquoi le thème porte en germe l’anathème.b) Il est aussi en déclin parce que, par-delà la déchéance de la notion de « fort en thème », le thème n’est plus à l’honneur : on préfère faire des traductions (ou versions) que des rétroversions. Pourtant dieu sait si nous vivons dans des sociétés qui aiment l’inversion et n’ont pas peur de la perversion. Mais la rétroversion, cela supposerait, au premier chef, que l’on trouvât intéressant de se mettre à la place des autres au point de risquer de se mettre à parler dans leur langue, ce qui va beaucoup plus loin que de traduire leur langage.
c) Mais les autres ne sont pas seuls en cause dans ce « déclin du thème » : serions-nous prêts nous-mêmes à faire l’effort de faire un thème, c’està-àdire de traduire l’original de notre pensée-message dans le langage des autres ? Il nous est beaucoup plus facile de déplorer d’être incompris pour rendre impossible la rencontre. S’astreindre, quand on est un autre, à faire une rétroversion, de même que s’astreindre, à l’usage des autres, à faire un thème, c’est se lancer dans un effort de Pentecôte personnelle, de Pentecôte par ses propres moyens, c’est donner du souffle à ce que nous sommes, ce qui ne nous empêche pas de fair appel au souffle du Dieu qui, tour à tour, peut « confondre les langues » ou les rendre compréhensible les unes par les autres, quand Il ne nous fait pas murmurer en des glossolalies qui seraient des « gémissements thématiques » dont la musicalité serait seule accessible aux Oreilles de dieu, la musique étant un infralangage au gré de l’entendement humain, mais étant Langue auprès de dieu, car Dieu n’a pas besoin d’entendement pourentendre. La musique est peut-être le Verbe de dieu. On parle bien de thème musical. Exposer ce thème, c’est extérioriser sa « musique intérieure ». L’extérioriser, c’est l’extravertir ; mais l’extravertir, ce n’est pas trahir le secret d’une introversion, c’est simplement répondre au besoin de dévoilement qu’a l’existence, car le secret lui-même réclame d’être proclamé. Qui confie un secret à son vis-à-vis le fait entrer dans la confidence ; mais il n’est pas impossible qu’en un sens, cette preuve de confiance qu’il lui fait ne cherche pas ultimement à sortir de l’intime pour pouvoir être exclamé, comme on guérit de la douleur en la criant. On guérit de la douleur en proclamant son mal ; pour autant, verbaliser son thème ne fait pas que nous soit apporté sur un plateau l’objet de notre désir. La Création par le Verbe de dieu est beaucoup plus la pesée des correspondances par son entendement qui ne nous paraît même pas être une langue que l’appel à l’existence de l’au, de l’air et de la lumière, dont ont besoin les plantes pour faire végétativement circuler leurs germes séminaux depuis leurs étamines jusqu’à leur pistil. Le Verbe musical de Dieu cherche « les correspondances musicales » entre sons, couleurs et parfums, tandis que nous n’entendons pas seulement peser si nos désirs sont ou non légitimes. Rudolf Steiner se justifie ainsi de conjuguer la réincarnation avec le golgotah que, quand nous mourrons, notre âme s’en ira, frustrée de tous les désirs qu’elle n’aura puassouvir. Et elle sera tentée de revenir jusqu’à avoir obtenu satisfaction.
d) Mais comment comprendre que le
thème soit ainsi mis au secret ? Dans la logique intime de cet effacement, se dissimule, j’en ai peur, que nous préférions nettement une logique de sujétion qui ne nous fait jamais sortir du rapport de dominant à dominé, de la « relation maître-esclave », à l’acceptation enjouée que nous ne sommes qu’un thème, qu’est engrammé en nous un message, qui fait la spécificité de notre âme, à charge pour nous de le traduire. Il y a certes un certain déterminisme sous cette idée que, si nous sommes un message, c’est que nous avons un thème, qui ne serait plus cette fois musical, mais astral… Or à l’acceptation de ce déterminisme est subbordonnée celle-là même, si nous en avons, de notre génie : si nous avons du génie, du moins nous faut-il en rabattre, car le génie n’est qu’un génitif. Le code génétique qui est unique pour tout vivant confirme que, si nous sommes un message qui a du génie, ce ne peut être qu’en qualité de complément de détermination. Nous ne sommes en quelque sorte qu’un complément de création ; or nous nous sommes laissés subjuguer par l’idée que nous pourrions être un nominatif. C’est ainsi que nous avons interprété le cartésianisme et lu son postulat de base :
« Je pense donc je suis ».
D’un seul coup, nous nous sommes dit :
« Je n’ai plus simplement le pouvoir de nommer les êtres, je suis l’être en soi.
Et nous nous sommes en même temps donnés l’illusion de penser sans voir que l’incapacité même où nous sommes de savoir seulement décomposer une pensée signifie que nous ne pensons pas puisque nous ne sommes pas maîtres de la combiner comme bon nous semble : nous ne pensons pas, nous contenons seulement. C’est ce qui nous est dit au fond du :
« Connais-toi toi-même ». Connais-toi toi-même, non pas pour te sublimer toi-même en tant qu’objet de connaissance, mais pour savoir ce que tu contiens :
« Connais-toi toi-même, et tu connaîtras l’univers et les dieux », dit l’oracle complet du templed’apollon sis à Delphes.
Du reste, Descartes ne l’a jamais entendu autrement : la déduction que je suis de ce que je suis l’instance qui pense n’a pas pour conséquence que je suis le sujet et la cause de tout ce qui est. Mais descartes ajoute aussitôt qu’au-dessus de moi, est une instance que je puis appeler dieu et Qui, non seulement Pense et est plus que moi, car IL n’a pas besoin de douter de tout ce qui est autour de Lui pour Se rassurer dans Son Etre, mais Dont la Pensée est la cause de tout et dont l’être est la cause de soi. Loin de l’auteur du « DISCOURS DE LA METHODE » de s’imaginer chimériquement être le sujet originaire de tout ce qui existe, mais bien plutôt le sujet de sa Majesté Donnant l’existence. Si je suis le sujet de quelque chose, si je dois être placé sur le piédestal d’un trône, je ne suis tout au plus que le sujet de la majesté existentielle de mon royaume personnel. Je peux en chasser le roi. Mais en chasser le roi, c’est faire un déni de réalité. Faire allégeance en tant que sujet de Sa Majesté de l’Essentiel, c’est me libérer d’une illusion. Mais, en même temps, me poser d’emblée dans l’essentiel plutôt que de me proposer seulement dans l’existentiel et dans son jeu, c’est précisément faire de ma vie quelque chose de non ludique. Accepter la règle du jeu, du déterminisme qui peut quelquefois me rendre génial et me faire faire des étincelles parce que je possède la lampe d’Aladin, c’est faire éclater ma vie du rire de son jeu. Nous avons cru nous libérer en nous croyant « sujets » et « personnes » en oubliant que le sujet est le dernier mot de la soumission et que la personne vient du masque, moyennant quooi être une personne, c’est porter un masque et jouer un rôle. Nous sommes moins une personne que nous n’avons une personnalité et nous sommes moins un sujet que nous ne sommes un thème, c’est-à-dire que ce n’est certes pas nous qui faisons parler les choses en provoquant les phénomènes ; mais si nous savons bien . nous y prendre, nous serons le sujet dont on parle. Sujets ayant jusque là décliné, d’abord par notre acceptation théorique, et puis logiquement par la sujétion sémantique de « la philosophie du sujet », dans l’évanouissement de l’inouÏ, qui ne craignons plus jusqu’à « la mort du langage », et puis « la mort de l’homme » après « la mort de Dieu » ; sujets qui, par l’insignifiance de nos gestes, ne cessons de chanter le chant du cygne du signe dont nous ne croyons plus qu’il puisse faire œuvre dans nos mains, cathédrale ou temple : nous ne nous croyons plus des bâtisseurs, mais des syndiques de faillite. Mais si nous nous laissons réhabiliter jusqu’à devenir ce que nous sommes, à savoir des thèmes, c’est-à-dire moins des sujets que des attributs dotés d’une qualité principale et moins des déterminants que des compléments de détermination ou de création, le signe refleurira sous notre signature et nos conversations démembrées reparleront de quelque chose.
Julien WEINZAEPFLEN
mercredi 27 octobre 2010
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