Par c.d.
Bonjour,
Et l'umain dans tout ça?
Sur la majorité des groupes concernant ces Etats Généraux, je lis pas mal de choses intéressantes, mais l'essentiel est du matériel, des moyens de compensation, les galères de ceux qui cherchent du boulot et ceux qui essaient de s'y maintenir...
Mais le côté psychologique, l'aide, le soutien qu'on peut apporter à une personne qui est amenée à perdre la vue en cours de vie, comme c'est de plus en plus souvent le cas maintenant, qu'est ce qui est fait? Qu'est ce qui existe?
Je parle du tout début, lorsqu'on sort de chez l'ophtalmo et qu'il vous annonce que ça y est, vous allez devenir aveugle, qu'il vous faudra beaucoup de courage, mais qu'il vous salue et vous pousse gentiment dehors parce que le patient suivant attend, lui!
Quand on sort de là, on va voir qui? On fait quoi?
Evidemment, si j'évoque cela, c'est qu'il y a du vécu personnel là-dedans...
Pourtant j'étais déjà dans le milieu associatif de la déficience visuelle, ça ne m'étais pas un monde totalement inconnu, et pourtant je n'ai pas trouvé d'aide, alors quelqu'un qui n'y connait rien, je n'ose même pas imaginer dans quel marasme il doit se retrouver...
Si j'insiste sur le versant psychologique, en tant que soutien, accompagnement dans le cheminement de la perte de vision, dans l'acceptation du processus de deuil, dans la mise en mots de notre ressenti, colère, angoisse, abattement, révolte, questions, remises en cause... c'est parce que j'ai trouvé, pour ma part, que sur le plan compensation technique, tout cela est plutôt bien rôdé. En tant que malvoyante avec une vision stabilisée, j'avais pu apprendre le braille, débuter l'informatique avec du matériel grossissant et même avoir un chien-guide, parce que je savais que la perte de vue m'arriverait un jour ou l'autre, sans savoir quand au juste.
Je me sentais plutôt d'attaque sur ce plan-là, même si tout n'est pas prévisible avant, il faut ajuster et s'adapter au fur et à mesure.
Par contre, plus je sentais ma vision diminuer, plus je me sentais mal, moins je comprenais ce qui m'arrivait, moins je me sentais en confiance, en sécurité... Dans ma tête ça n'allait pas du tout!!!
J'ai cherché, auprès des Associations locales que je fréquentais à l'époque, j'ai exprimé ce malaise, j'ai demandé à trouver quelqu'un de compêtent dans le domaine qui pourrait m'aider à franchir ce cap... Rien! Si, à part des "Nous aussi on a des problêmes, si on s'apitoie tous sur notre sort, on n'avance plus!", ou des "les autres y arrivent bien alors pourquoi toi t'y arriverais pas, arrête un peu de t'écouter!"
Pour d'autres, pas question d'en parler, comment ils avaient vécu cette période-là, comme si c'était une honte d'avoir été mal dans sa peau...
J'ai pu trouver une personne, hors de ma ville, qui se proposait de m'aider psychologiquement, maleureusement, mon attente était uniquement une aide sur la perte de vision, la vie sans voir, et non une psychanalyse de fond, j'ai cessé les entretiens, somme toute assez onéreux. A part cette personne, aucune autre forme d'aide, débrouille-toi dans ton coin Céline!
Depuis, je suis toujours dans l'Associatif, j'ai juste changé d'Assos ou pris pas mal de recul vis à vis de certaines autres, quand je constate, toujours maintenant, qu'on ne sait pas accueillir, qu'on ne sait pas écouter la parole de celui qui vient, complêtement perdu, complêtement paniqué à l'idée de ne plus voir bientôt ou de savoir qu'il a une maladie évolutive.
A cette personne, on va lui parler paperasse, Allocations, ordinateur, braille... alors qu'il a tout simplement besoin, dans un premier temps qu'on le rassure et discute avec lui, avant d'aborder toute démarche.
Quand je suis là, j'essaie d'établir le contact, quelques uns osent rappeler mais la plupart non.
Le plus triste est que ces personnes, par la suite, on ne les voit plus revenir, il n'y a aucdune suite. Pourquoi donc???
Il me semble que de savoir qu'il y aura tout ça à faire, apprendre, acheter, très vite en plus, parce que la maladie n'attend pas pour certains, au lieu de se sentir rassurés, accueillis, entourés, écoutés, les personnes ont plutôt très peur de tout ce qui les attend et préfèrent fuir cette réalité qu'ils se sont pris en pleine face.
Evidemment, des mois, des années après, on les recroise, après qu'ils aient fait un parcours cahotique, d'ami qui voulait aider, en professionnel du social qui ne connait pas forcément le secteur du handicap visuel.
Je croyais que les Associations, dans leur ensemble s'occupaient aussi de l'humain, d'abord et surtout.
Mon expérience perso et celle de pas mal d'autres personnes avec lesquelles j'ai pu en discuter, parce que je ne cache pas par quelles difficultés je suis passée avant d'arriver oû j'en suis maintenant, tendent à montrer que les premiers temps, il faut sacrément se débrouiller tout seul après une telle annonce, qu'il faut aller soi-même à la pêche aux infos pour essayer de comprendre comment il faut s'y prendre pour avancer avec ce nouveau handicap.
Après on constate que pas mal de personnes ne font pas partie des grandes Assos, ce sont toutes celles qui n'ont pas eu la chance d'y être écoutées, accompagnées, accueillies, orientées afin que leur mal-être ou leur questionnement sur eux-même soit pris en compte avant toute chose.
être conseillé sur les démarches c'est bien et c'est important, sur le matériel aussi mais pas comme ça, de but en blanc!
D'accord, maintenant existent quelques services types REMORA, quelques établissements pour aider la personne à retrouver son autonomie, mais avant d'être prêt à franchir le cap de tout ce travail, tous ces nouveaux apprentissages, ne vaut-il pas mieux aussi, et parrallélement, être aidé et au clair avec soi-même?
Perdre la vue ou être atteint d'une maladie de la vision fait très peur à une majorité de personnes voyantes, pourquoi, dans le milieu de la déficience visuelle oublie t on qu'on ne peut accepter cet état de choses comme si ça allait de soi?
parlons-en entre nous, sachons écouter celui ou celle qui ne va pas bien, qui doute, ou pour qui la période est difficile à maitriser parce que sa vue s'en va beaucoup plus vite que prévu.
Me concernant, je ne peux en parler qu'avec un petit nombre de personnes, toutes celles qui ont pu ou su prendre du recul justement.
J'ai la chance d'avoir trouvé une psychologue, pas du tout dans le domaine de la déficience visuelle, mais qui sait trouver les mots et aime apprendre en retour elle aussi.
Je souhaite à chacun de pouvoir trouver une telle personne s'il en a besoin.
Excusez-moi pour la longueur de ce mail, mais on parle si peu de ce sujet-là.
C.
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