(Message publié avec l'aimable autorisation de son auteur sur la liste des Etats généraux de la Déficience visuelle qui a trait au "social")
Bonjour,
Je suis inscrite depuis peu sur cette liste donc je me présente. Je m'appelle Khadija, j'ai 35 ans et voilà un peu plus de 10 ans maintenant que j'essaie de contribuer même modestement à la vie associative qui concerne les déficients visuels.
Depuis six ans que je suis maman le thème de la parentalité me préoccupe plus particulièrement. En effet, je me suis rendue compte que la parentalité est un thème tabou, que du moins il n'est jamais abordé ni par les associations représentatives des déficients visuels, et encore moins par les pouvoirs publiques. Et pourtant ça concerne tous les handicaps.
La première fois que j'ai pris conscience de cela, c'est quand le PAM 78 a refusé de prendre en compte le fait que je pouvais utiliser ce service pour accompagner mes enfants sur un lieu de loisirs par exemple. Je ne demandais pas la gratuité du transport pour mes enfants, encore moins qu'ils soient considérés comme accompagnateurs, mais j'estime que le prix prohibitif appliqué aux familles composées d'au moins un parent déficient visuel et d'enfants empêche une famille de sortir. Dans mon cas, mon conjoint est malvoyant et par exemple pour un trajet en famille à Paris, le tarif étant le même pour les enfants que pour les parents, nous nous en sortons avec une facture de 240€, simplement inadmissible!! J'ai donc fini par prendre le train pour mes déplacements et on se débrouille très bien.
Autre thème qui touche la parentalité, ce sont bien sûr les infrastructures qui sont largement insuffisantes. En France, seul le Service d'Aide à la Parentalité des Personnes Handicapées (SAPPH) mis en place par Edith Thoueille au sein de l'Institut de Puériculture de Paris existe. A l'occasion de son allocution lors de la conférence nationale du handicap en juin dernier, le Président de la République avait salué le travail d'Edith Thoueille et depuis? rien!! Ah si, depuis, l'Institut de Puériculture a été mis en liquidation judiciaire et aujourd'hui encore on se demande ce qu'il adviendra de ce service. Des repreneurs se sont présentés, mais aucune décision n'a encore été prise.
Ce lieu est pourtant prisé par tous les parents france-îliens qui ont la chance de pouvoir y venir. Les parents de province aussi peuvent y avoir accès mais pour des raisons évidentes, c'est moins facile bien sûr.
Et que trouve-t-on d'aussi exceptionnel au SAPPH? d'abord infiniment de respect de la personne. Là-bas, on se sent parent, et parce qu'on est déficient visuel, on nous propose une attention personalisée si on la souhaite; on rencontre d'autres parents et des groupes de paroles sont créés pour permettre l'échange, le réconfort de ceux qui ne parviennent pas toujours à surmonter les regards extérieurs de la famille, de l'école, de la crèche...; des outils adaptés pour une grossesse et une entrée dans la parentalité optimums, l'échographie tracée en relief, des astuces pour préparer soi-même les biberons, soigner son enfant, porter son bébé pourne pas avoir à traîner une poussette, jouer, raconter des histoires...
Bien sûr, certains d'entre vous ont pu sans l'aide du SAPPH être de bons parents mais ça n'a sans doute pas dû être facile tous les jours.
Et puis après la puériculture nos enfants grandissent et nous nous devons de les suivre; cela veut dire: pouvoir leur raconter des histoires, jouer avec eux à la maison, et plus tard, adapter les livres scolaires, aller au parc sans les perdre de vue et pareil pour les lieux de vacances et j'en passe...
Oui N..., tu as raison nous nous en sortons sans doute mieux que les smicards, mais crois-moi, être parent handicapé visuel est un vrai luxe.
Bien sûr il y a le CESU, mais il n'est accessible qu'à la condition de travailler. Je me suis arrêtée de travailler pour m'occuper de mes enfants; conclusion: l'aide que je prends pour faire des activités de graphisme avec mes enfants ou organiser des sorties ne m'est pas à moitié remboursée.
Pour le livre de CP de mon fils, je l'ai fait adapter pour pouvoir le suivre dans ses devoirs le soir.
Pour les jeux et jouets, tantôt j'ai recours au SAPPH qui nous aide pour cela, tantôt je le fais avec mon aide de vie. Leur raconter des histoires? oui c'est possible, Les Belles Histoires par exemple sont éditées en braille tous les mois pour 54€. Si vous voulez que votre enfant voyant vous suive, vous achetez la version en noir 70€. Si vous voulez d'autres livres, eh bien vous les achetez, les scannez ou les envoyez dans les imprimeries adaptées pour transcription.
Je pense qu'un congé maternité un peu plus long pour les mamans handicapées ne serait pas du luxe car il nous faut non seulement le temps d'apprendre les gestes quotidiens que l'on fait avec nos enfants, mais l'adaptation en crèche ou en halt garderie demande là encore un peu plus de temps pour la maman handicapée, notamment parce que ces structures ne connaissent pas nos handicaps et ont besoin de temps pour mieux nous connaître.
Voilà. (...) Je m'arrête là.
Mais ce que je raconte de ma vie n'est qu'un cas isolé, ce que je veux dire c'est qu'il y a matière à faire pour les parents handicapés, qu'on n'en parle pas assez -et c'est rien de le dire- et qu'il est grand temps que ça change!
Saviez-vous que des signalements sont faits sur le seul motif que des parents arrivent en consultation et qu'ils présentent un handicap? Une maman enceinte et aveugle n'est pas reçue aussi naturellement qu'une maman ordinaire. Il arrive à l'accouchement que les services sociaux viennent s'assurer que les parents aveugles seront effectivement capables de s'occuper de leurs enfants etc etc...
Bon, je m'arrête cette fois.
Khadija
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