(Autre réflexion publiée sur la liste dédiée aux implications sociales de la cécité)
Cher Président,
Vous nous demandez de réveiller cette liste, saisissons la balle au bond.
1. Comment s'informer sur "le plan déficients visuels" ? en quoi consiste-t-il ? Est-il l'oeuvre de M. Gilbert Montagné ou s'est-il affiné depuis la fin de sa mission ?
2. L'intégration sociale des déficients visuels est largement liée à l'existence ou non, dans les villes où ils habitent, de SAVS (Service d'accompagnement à la vie sociale), éventuellement liés à un établissement scolaire situé dans la ville en question. Pour donner un exemple que je connais, celui de X., l'Institut pour déficients sensoriels Y dispose d'un tel SAVS (avec psychologue, assistant social), mais aussi des "rééducateur" (instructeur en locomotion, aide à la vie journalière), qui interviennent au sein du SAVS alors qu'ills devraient relever théoriquement d'une structure médico-sociale, que le directeur craint de créer, de peur que le conseil général ne coupe les vivres du SAVS sans créer la structure médico-sociale, crainte tout à fait fondée puisque dans la grande ville d'à côté, capitale régionale ayant même une vocation européenne, (...) l'agrément a été retiré par le conseil Général pour le maintien du SAVS, ce qui a obligé un professeur retraité du grand établissement qui l'abritait à créer lui-même un SAVS de petite dimension, qui ne peut répondre à toutes les demandes, n'ayant un agrément que pour quinze personnes, lequel est depuis peu passé de quinze à trente-cinq. Il s'avère une fois de plus que la décentralisation a été cause de bien grands maux.
Ne saurait-il être édictées par le législateur, sinon recommandées par le CFPSAA des normes qui contraignent les Présidents de conseils généraux pour agréer et doter correctement les SAVS de toutes les villes abritant un établissement scolaire encore en activité venant en aide à des élèves déficients visuels ? En amont, est-il trop tard pour que le CFPSAA lute encore contre cette logique de décentralisation tous azimuts, qui désintègre la politique d'intégration scolaire et sociale des déficients visuels, selon l'endroit de France où ils ont élu domicile?
3. Ne doit-on pas, de même, procéder à un bilan de l'intégration scolaire ? Est-ce un bien que des élèves soient très tôt intégrés dans des classes "ordinaires", s'ils doivent faire "double apprentissage" et acquérir, en même temps que la maîtrise des outils qui leur sont propres, celle des "fondamentaux" que chaque élève doit savoir ? Est-ce un bien que la systématisation et la précocité de cette intégration et la suppression de l'internat si les élèves font triple ou quadruple journée : le temps scolaire, le temps de ramassage et le temps consacré à leurs devoirs ? Qui a décidé de cette intégration, les parents ou les chefs de quasi "feu" les établissements spécialisés dans la déficience visuelle, dont je n'ai pas entendu un seul ne pas tirer à boulets rouges sur les conséquences désastreuses que la généralisation de ce mode de scolarité fait peser sur la vie de leurs anciens élèves, qu'ils ne font plus aujourd'hui qu'assister ?
Dans quelle mesure le demi-échec de l'intégration trop précoce ne tient-il pas à ce qu'avant qu'on ait systématisé la présence des élèves en "milieu ordinaire", on a laissé les établissements spécialisés dépendre du ministère de la santé, alors que la scolarité des enfants dépendait du ministère de l'Education Nationale ? Cette double allégeance a-t-elle facilité les choses ? Où en est-on aujourd'hui ? Peut-on envisager sereinement l'avenir des établissements scolaires dans la mesure où la décentralisation fait là encore que chacun essaie de survivre comme il peut, et se sent trop pressuré par les administrations dont il dépend pour que tous puissent ès qualité venir, ne serait-ce que participer à nos Etats Généraux de la déficience visuelle dont ils sont des acteurs de pleindroit ? N'y a-t-il pas nécessité de sensibiliser l'education Nationale à l'importance qu'il y a, pour un déficient visuel, à avoir acquis les bases sans lesquelles il ne pourra s'en sortir et, de ce fait, au devoir qu'a le ministère de préserver et de pérenniser l'avenir des établissements scolaires spécialisés ? N'est-il pas largement nécessaire que l'on explique au ministère qu'il doit davantage s'appuyer sur l'expérience de ceux qui vivent au quotidien la déficience visuelle et de ceux qui connaissent les moyens de la rééduquer plutôt que sur le désarroi des parents qui n'ont pas encore digéré la catastrophe de la nouvelle que leur enfant ne verra pas et qui n'ont pas de compétence en matière de rééducation de la déficience visuelle, qui, au contraire, auraient davantage besoin d'une guidance parentale ?
4. A terme, ne pourrait-on pas envisager que l'avenir des établissements scolaires soit de s'occuper simultanément des enfants et des adultes déficients visuels qui se situeraient dans leur périmètre d'intervention et qui feraient appel à leurs services : transcription, locomotion, assistance sociale ? Ceci serait à la fois une manière de pérenniser leur existence et de faire d'eux une plaque tournante de la connaissance que les déficients visuels pourraient avoir, non seulement des aides techniques qui peuvent suppléer à leur carrence visuelle, mais aussi des uns les autres ? Les établissements scolaires naguère exclusivement réservés à la scolarité et qui deviendraient un endroit pour fédérer les actions associatives et un endroit qui ait une assise étatique, non pas d'où l'etat puisse surveiller ce qui se passe, mais où il puisse voir qu'il se passe quelque chose, pourraient également être des centres de ressource vers lesquels seraient orientées, dans un souci de proximité, les personnes venant de perdre la vue ou leurs familles, qui pourraient informer sur le tissu associatif local ou sur la manière pour un aveugle d'accéder à la culture ou à des soins oftalmologiques. Encore faut-il, pour qu'ils s'ouvrent aux adultes, seule garantie de leur pérennité devant la baisse heureuse des enfants aveugles du fait des progrès médicaux, que ces établissements se réunissent, acceptent de participer à une discussion en commun, accepte aussi de discuter avec les adultes qui, théoriquement, sont sortis de leur giron et ne dépendent plus d'eux.
Pour que les établissements scolaires servent de centres de ressource aux adultes, que les centres régionaux de transcription ne puissent pas (ne veuillent pas, ou n'aient pas les capacités budgétaires et humaines de) se faire les documentalistes des adultes au fur et à mesure que ceux-ci souhaitent disposer d'un document, on en a pris son parti, et ce parti est justifié si en effet il existe des associations qui font cela très bien ; mais le font-elles pour tout ? Ces centres de transcription pourraient aider les "non-voyants locaux" à se voir transcrits tel document administratif ou telle notice dont ils auraient absolument besoin. Avec l'informaticien ou l'Aide à la vie Journalière du SAVS transformé en centre médico-social, les deux structures fondant en une structure unique, le "non-voyant local" pourrait se faire adapter un produit qui lui serait d'un usage courant (télécommande de téléviseur, four, interrupteurs lumineux, synthétiseurs pour les musiciens, table à langer, chambre de bébé...) Mais le rayonnement de l'établissement scolaire qu'il ne faut surtout pas désaffecter pourrait ne pas se limiter au plan local si le centre Régional de transcriptiion, après avoir prêté assistance au "régional de l'étape", contribuait aussi à la diffusion du livre adapté dans la francophonie en conservant ses travaux en mémoire et les rendant disponibles à la demande.
Les bibliothèques de ces établissements pourraient également servir de centres de ressource. Ne pourraient-elle pas devenir des relais où viendraient se documenter les déficients visuels ne vivant pas trop loin de ces établissements ? Pour que les établissements jouent ce rôle de relais, il faudrait, outre leur consentement, que les adultes, le tissu associatif et les pouvoirs publics leur accordent leur confiance et veuillent bien leur assigner ce nouveau rôle de coordonateur (sans pouvoir coercitif) des activités non administratives, liées à la déficience visuelle dans une région donnée. Ne pourrait-on pas mettre d'accord tous ces partenaires pour redonner vie aux établissements scolaires spécialisés en voie de désaffection et en faire les pivots de l'intégration sociale des déficients visuels, d'une manière non concurrencielle avec la MDPH ou les "cap emploi", qui ne sont que des guichets ?
Au-delà du voeu pieux, ne pourrait-on pas constituer, à l'issue de ces Etats généraux, des groupes de travail réunissant des personnes, présentes ou non sur nos forums de discussion et "doléances", mais ayant une réelle envie de militer et se mettant d'accord pour promouvoir tel objectif dont nous finirions par convenir?
En espérant avoir ouvert quelques pistes et en insistant aussi pour qu'il soit apporté des réponses à celles déjà ouvertes par d'autres
J. Weinzaepflen
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