Emmanuel Macron, dont Donald Trump s'est moqué pour sa propension à vouloir toujours être au centre du motif, souhaiterait "revoir Poutine" pour lui faire entendre la voix de l'Europe" et Poutine se dit prêt à un dialogue avec lui.
"Revoir Poutine et mourir?" Euh, non, évidemment. Aussi revoir Poutine, pour quoi faire alors que "ce dernier, depuis l’invasion de l’Ukraine, n’a pas bougé d’un iota" (PB), quand Macron n'a cessé de faire des "voltes", certes moins "obscènes" que celles de Trump -à supposer que celui-ci nait pas bougé qu'en apparence-, mais étant passées, on s'en souvient, d'"il ne faut pas humilier la Russie" en se posant en interlocuteur privilégié de Poutine à se montrer plus va-t-en-guerre qu'aucun dirigeant européen, après que Poutine a humilié Macron en le tenant à distance très respectueuse de l'autre côté de sa table de cinq mètres de large, de peur que Macron ne le contamine d'un Covid qu'il n'avait pas contracté, quand il a fait le voyage de Russie pour le ramener à la raison.
Revoir Poutine pour remporter "le rapport de force" après que notre président eut joué les fiers à bras en mettant en scène la manière dont il parlait mal à ce sportif qui quittait l'exercice pour le prendre au téléphone pour se faire croire à lui-même qu'il était de taille à dompter l'ours russe. Et pour laver une humiliation sous prétexte de lui faire entendre "la voix de l'Europe", Macron, fruit de la société des individus, croyant que l'Europe est blessée quand son narcissisme en a pris un coup. Macron est un dirigeant individualiste à la sauce ukrainienne. La société ukrainienne est devenue une "société des individus" résiliente, travailleuse, mais sans motif moral, et déserteuse aussi, et corrompue, guerrière sans lendemain et profiteuse de guerre qui met à l'os cette Europe dont Macron veut être la voix, cette Europe bâtie pour la paix que Macron voudrait plonger en économie de guerre, à commencer par son pays qui n'arrive pas à bâtir un budget pour les dépenses courantes et voudrait se doter d'un porte-avions.
Macron veut laver l'humiliation de Vladimir Poutine. Mais en matière d'humiliation, la Russie a certes humilié l'Ukraine, mais avoir subi l'humiliation de l'Europe, et ne l'avoir pas subie à la manière dont Macron est tout décontenancé de n'avoir pu jouer les gros bras avec le "mage du Kremlin" dont notre inénarrable ministre de l'Économie Bruno Le Maire prétendait mettre l'économie russe à genoux tout en ayant sauvé l'économie française. À peine les accords de Minsk étaient-ils signés que François Hollande refusa à Poutine d'être invité aux cérémonies du Débarquement parmi les Alliés, manière de le rejeter dans son ancienne tentation du Pacte germano-soviétique alors qu'on avait pardonné aux Allemands d'avoir cédé à ce que Jean-Pierre Chevènement avait osé appeler "le déraillement nazi". Dès lors, les alliances pouvaient se renverser, les droites nationalistes européennes se laisser envoûter par les manières de tsar du charmeur de serpents russe et une Amérique retournée avoir les yeux rivés vers la Russie après s'être posée en championne du monde libre avec sa première des démocraties libérales.
Mais l'humiliation continue: à Maastricht, les présidents Kohl et Mitterrand avaient fait miroiter à Boris Eltsine que la Russie pourrait, directement ou par un accord de coopération, être intégrée à l'Union européenne. Puis ils ont repoussé ce rêve gaullien en préférant à l'Approfondissement un Élargissement tous azimuts qui contraignait l'OTAn, non seulement à ne pas se saborder en même temps que le pacte de Varsovie, mais à repousser constamment vers l'Est sa zone d'influence en devenant une menace pour la Russie et pour la paix du monde, cette OTAN que Trump voulait quitter par avarice et dont Macron constatait "la mort cérébrale" à défaut d'horizon mental, un peu comme la société ukrainienne. Or non seulement l'OTAN étendait ses tentacules jusqu'aux frontières de la Russie, mais c'était à l'Ukraine que l'Union européenne voulait ouvrir les bras.
Poutine n'a pas "bougé d'un iota" depuis le début de la guerre en Ukraine. Ce qui pourrait plutôt paraître une preuve de force à l'épreuve de la diplomatie versatile d'un macron ou de la diplomatie déboussolée d'un "monde libre" qui ne veut plus "toucher les dividendes de la paix", lui est tenu à faiblesse, car bien sûr "il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis". La Russie a bradé l'empire russe à la chute de l'Union soviétique. On reproche à Poutine de vouloir le reconstituer. Qu'il proteste qu'il se borne à vouloir préserver son aire de civilisation, on lui fait remarquer qu'il lorgne sur l'Afrique, on l'acccuse de vouloir attaquer l'Europe (après tout, beaucoup dont j'étais ne pouvaient imaginer qu'il agresserait l'Ukraine), et on compare cette volonté de maintenir un statut d'hégémon à la manière dont les nazis voulaient reprendre toutes les terres qui avaient des populations allemandes ou dont certaines populations parlaient Allemand. Mais l'Allemagne est un peuple dont l'âme est offensive et dont l'idéalisme austère est un garde-fou qui ne parvient pas à conférer à sa culture l'universalité qu'elle escompte, là où la manière dont la Russie n'a jamais lésiné à garder sa folie est paradoxalement garante que son universalité respecte mieux la complexité humaine. On dira que cette défense de l'universalité russe est faible, je conviens qu'elle gagnerait à être davantage argumentée.
Beaucoup (dont j'étais aussi) étaient persuadés que la Russie remporterait cette guerre en quelques jours. Elle a parfois marqué le pas, elle demeure en position de l'emporter militairement bien que l'Occident remplisse à fonds perdus le tonneau des DanaÏdes ukrainien, et pourtant la victoire russe se fait attendre. Qu'est-ce qui l'a bloquée depuis le début? Certes, si l'on considère que les BRIC étaient du côté russe, la Russie avait pour la soutenir plus de la moitié du monde, mais elle s'était mise à dos toutes les puissances mondiales et le monde n'est pas démocratique. Il n'est pas la somme des soutiens plus ou moins complets et avoués de la population mondiale. Une guerre n'est gagnable qu'avec l'assentiment des puissances mondiales qui s'appellent elles-mêmes des "démocratie" libérales. Peut-être jusqu'à ce pari de Poutine, mais l'addition sera salée. Une guerre se paye toujours au prix fort. Celle-ci aurait pu devenir une guerre mondiale, car l'Europe pacifique et la précédente administration américaine n'ont pas eu peur de l'escalade. Elle ne l'est pas devenue, quoi qu'on en dise, parce que Poutine a menacé, mais il n'a pas perdu ses nerfs.
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