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mercredi 31 janvier 2024

Avons-nous sauvé Dieu?

"Combien de malheureux qu’indigné la notion de son omnipotence accourraient du fond de leur détresse si on leur demandait de venir en aider à la faiblesse de Dieu ! » (Marguerite Yourcenar)


Cette citation de Marguerite Yourcenar mise en ligne par René Poujol fait écho à une intuition que je voulais traduire dans un livre que j'aurais intitulé: "la Symphonie Maupassant ou le soupçon de Dieu". 


Je m'y rappelais Abraham que Dieu sauve in extremis d'attenter à la vie de son fils Isaac, le fils de la promesse divine d'une postérité plus nombreuse que les étoiles, que Dieu sauve en trouvant un bélier pour le sacrifice (mais pourquoi donc est-il besoin d'un sacrifice?). 


Il s'avère dans la suite de l'histoire sainte que ce bélier est l'Agneau de Dieu et que l'Agneau de Dieu est son propre Fils. 


J'ai imaginé que ce Fils, le Sauveur du genre humain, nous interpellait: "Et moi, qui est venu à mon secours? Qui s'est proposé de me sauver? Pourquoi, à l'heure de ma suprême angoisse qui fut mon agonie, à Gethsémani dans l'assoupissement de mes apôtres,  personne ne s'est-il avisé que j'aurais préféré ne pas boire cette coupe jusqu'à la lie et qu'il ne tenait qu'à l'homme de m'empêcher de verser ce calice?"


Je ne dirai jamais assez combien Feuerbach est d'un grand secours dans le va-et-vient dialogique et précaire (Malraux faisait dériver "précaire" de la prière) entre l'home et Dieu. Un dialogue de théologie négative, une relation allégorique au Christ Lui-même qui n'a rien de médiocre et fait "vivre avec le Christ", comme le disait Michel Onfray dans un débat récent avec Louis Daufresne où le journaliste de "Radio Notre-Dame" n'était franchement pas à la hauteur. 


https://www.youtube.com/watch?v=V8dIU-Jiino


On peut vivre avec le Christ allégorique sans le ravaler à la définition vulgaire du mythe, mais en élevant le mythe à sa dimension jungienne où "le mythe est présent et le mythe est vivant".


Dans ces derniers temps dits "post-historiques" d'un Occident qui se croit arrivé au bout de tout et voudrait disparaître -et l'espèce humaine avec lui- pour laisser place à la biodiversité et "sauver la planète" (Michel Foucault n'a-t-il pas parlé de "la mort de l'homme"?), l'homme s'est mis en tête qu'il avait besoin d'un Dieu faible. Et le voilà qui Le renverse comme un vulgaire "puissant du jour" et Le relève "humble et pauvre" comme Dieu renverse les puissants et élève les humbles. 

Voilà qui n'est pas pour plaire au P. Augustin Pique, auteur de l'ouvrage: "Quel Dieu pour une Église en crise"? Non, Dieu ne choisit pas exclusivement "les perdants de l'histoire". Un peu de vitalisme dyonisiaque et nietzschéen, nom d'une pipe! 

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