Pages

samedi 12 septembre 2020

Bruno Retailleau a-t-il ses chances?



Analyse postée sur le blog de Philippe Bilger à la suite de son billet: <p>


https://www.philippebilger.com/blog/2020/09/contre-bruno-retailleau-lambition-de-perdre.html <p>


Le villiérisme mène à tout à condition d'en sortir. François Fillon devait se dire la même chose à propos du séguinisme. Bruno Retailleau, c'est l'ancien poulain de Philippe de villiers, puis celui de Christine boutin, émergeant parce que vrai n° 1 de la campagne Fillon sans que celui-ci ait le courage de créer un ticket avec ce seul soutien fidèle, qui avait eu l'habileté de se hisser président du groupe LR au Sénat.  François Fillon avait préféré promettre le poste de premier ministre au chiraquien François Barouin, chiraquien voulant dire immobiliste, roi fainéant et impétrant puis élu qui ne fait pas de vagues. <p>


Le fillonisme mène à tout à condition d'en sortir, doit se dire Bruno Retailleau, qui s'autorisait ce droit d'inventaire à la fin de l'interview qu'il vous accordait sur "Fréquence protestante" et que j'ai écoutée tout récemment (on peut la retrouver ici:

<p>

https://www.youtube.com/watch?v=doW3klKpUq4 ): "Mon projet, c'est celui de François Fillon moins la réforme de la sécurité sociale qui en était le point faible" et a fait tomber "le bourgeois de la Sarthe", comme l'appelait Rachida Dati, dans les esprits. <p>


Bruno Retailleau a un point commun avec Xavier Bertrand: son timbre de voix, mais il est plus intelligent, son éloquence est moins contrefaite et son discours est plus construit. Xavier Bertrand n'a même pas l'intelligence stratégique de se poser en "gaulliste social", comme le faisait remarquer Alain Juppé cette semaine dans "Le Figaro". Vous me direz, malgré notre mémoire courte, personne n'y aurait cru, étant donné l'indifférence avec laquelle il  se résignait aux "petites retraites" quand il était aux affaires, mais ne pas passer pour un gaulliste social est un handicap quand on se pose en alternative au parti socialiste qui s'est sabordé de lui-même,  et au RN qui y gagnait du terrain, en venant du Nord et en ayant présidé ce qu'on appelle désormais "les hauts de France", région à forte tradition socialiste, catholique, minière et prolétaire. <p>


Bruno Retailleau est tellement opportuniste que c'est le seul  de vos interlocuteurs qui n'ait même pas pris la peine de faire semblant d'avoir envie de se révéler, comme c'est la règle du jeu de "Philippe Bilger les soumet à la question". Il a déroulé son programme présidentiel et vous a avoué sans pudeur ni ambages qu'il voulait l'incarner, remarquez, cela nous change. Pour un peu, c'est chez vous qu'il s'est déclaré candidat. <p>


Bruno Retailleau, c'est un F.X. Bellamy qui a de la bouteille, un partisan de "Sens commun" qui se cache, un homme qui a pris la mesure du "mouvement dextrogire" en refusant traditionnellement -et comme son mentor Villiers jusqu'il y a peu- l'alliance avec le RN, un Laurent Wauquiez sans ses défauts et son déséquilibre, un régalien qui fustige le communautarisme islamique comme la bourgeoisie a envie de l'entendre, et qui sait lui tenir un discours "dur" en sauvant les apparences de la justice et d'un volet social, pour lequel il parlerait plus volontiers de redéploiement du budget de l'Etat et de meilleure répartition des dépenses publiques en baisse comme baisserait la fiscalité, qu'il ne présenterait  ces réformes comme une casse du modèle social pour renverser la table, comme François Fillon avait accoutumé de présenter son projet en faisant peur aux gens tant il était glacial, et finissant par faire peur y compris à la bourgeoisie elle-même. <p>


Pour toutes ces raisons, Bruno Retailleau se situe en effet au centre de l'arc de la droite républicaine. Il l'exprime idéellement par  le concept de "droite globale" et de "droite sans adjectif" qu'il invente à votre micro: "ni droite décomplexée, conservatrice ou libérale, mais droite globale". Ingéniosité dialectique venant adjectiver une position centrale sur l'échiquier de la droite républicaine qu'il ne parvient cependant pas à incarner, peut-être parce qu'il a "le charisme d'une huître" comme le disait méchamment Nicolas Sarkozy à propos de Bruno Le Maire, mais plus profondément parce que ce Vendéen qui ne méconnaît pas que la droite doit conquérir le pouvoir culturel selon le conseil gramscien adressé à la gauche, n'assume pas l'héritage contre-révolutionnaire de sa Vendée natale et de son villiérisme originel. <p>


Or je ne suis pas loin de penser qu'Yves-Marie Adeline a raison quand il dit dans "La droite où on n'arrive jamais" que la Révolution ayant rompu avec l'idée même de "pouvoir légitime" pour substituer la souveraineté populaire à l'incarnation sacrale du souverain, elle est intrinsèquement de gauche, et nous avons beau courir une aventure bonapartiste depuis 169 ans comme le note Edwy Plenel à juste titre à la fin de ses entretiens "A voix nue" sur "France culture" diffusés cette semaine, la droite n'arrivera jamais à rattraper la Révolution que le bonapartisme a prolongé en la transformant en pouvoir personnel. Même pas en dosant son opportunisme comme le fait Bruno retailleau. <p>  


Bruno Retailleau a ses chances, mais il doit travailler à devenir populaire. <p>

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire