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dimanche 10 mars 2013

Les clarifications nantaises de mgr fellay

Pour rendre compte des clarifications nantaises de mgr Fellay, j'opterai pour une recension commentée de sa dernière conférence (que l'on peut écouter sur la porte latine), où tous mes commentaires seront encadrés de deux astérisques et où je me permettrai de bouleverser la chronologie des paroles de l'orateur si je puis, sous un chapitre, regrouper plusieurs de ses idées. Même si la FSSPX ne désigne jamais nommément le pape ou un évêque comme hérétique. Mgr fellay n'en dit pas moins que le discernement de sa fraternité doit déterminer, à terme, quelle est la proportion d'évêques qui sont objectivement hérétiques. Il n'en établit pas une liste, se bornant à constater en fin de conférence que certains clercs conduisent objectivement les fidèles dans le péché. Il engage ses fidèles à "prier avec beaucoup d'intencité et à supplier le ciel : "Ca serait génial de nous donner un bon pape !" I SITUATION GENERALE DE L'EGLISE Il commence par envisager comme pouvant se poser et correspondant à l'état de l'Eglise actuelle la question de saint vincent de Lérins : "Le corps entier peut-il être malade et l'eglise… dérailler" ? ayant répondu par l'affirmative à cette première question, il se demande comment cela peut se produire, si l'on admet la majeure exacte d'un syllogisme dont les modernistes et les sédévacantistes tirent des conclusions opposées. Cette majeure est que l'Eglise est infaillible. Les modernistes poursuivent le syllogisme ainsi : Or L'eglise a voulu le Concile ou la nouvelle messe, donc le Concile et la nouvelle messe sont infaillibles. A l'inverse, les sédévacantistes poursuivent le syllogisme comme suit : Il y a des erreurs dans le Concile, donc le Concile n'a pas été fait par l'eglise. Mgr Fellay propose de formuler une mineure qui conduise à une juste conclusion du syllogisme, qui ne soit, ni celle des modernistes, ni celle des sédévacantistes. On verra que cette conclusion, il ne la formulera jamais. Pour faire comprendre à son auditoire quelle est sa démarche intellectuelle, il fait un détour par la théologie sacramentelle et rappelle les trois conditions qui sont fixées pour la validité d'un sacrement : la conformité de la matière, de la forme et de l'intention du ministre qui administre un Sacrement. Mgr fellay souligne ici que même un prêtre qui aurait perdu la foi peut administrer validement un sacrementpourvu qu'il veuille faire ce que veut faire l'eglise. Mais il peut aussi, à l'inverse, substituer une matière différente, employer d'autres mots, une forme différente, ou avoir un défaut d'intention : "Le bon dieu, même lorsqu'Il promet Son assistance, ne prive paps les hommes de leurs facultés les plus hautes qui sont la raison et la volonté et qui le font libres. Il n'offense pas cette liberté. Je veux dire en fait que le bon dieu réclame de ces créatures auxquelles Il promet ces privilège de coopérer aux privilèges de cette Promesse et, s'ils ne veulent pas, ils restent libres et ça fait un désastre." Ce détour par la théologie sacramentelle permet à mgr Fellay d'introduire comment il va contourner la difficulté touchant le Concile. Sa mineure consistera à affirmer que les Pères du concile n'ont pas voulu obéir à l'Esprit-saint au cours du concile validement convoqué par l'eglise. Et sa conclusion se tire de là, sans être exprimée au bout du syllogisme au cours de sa conférence, mais en étant symbolisée par son refus de signer après les injonctions romaines, de plus en plus pressantes, que, puisque "les Pères du concile n'ont pas voulu faire ce que l'Esprit-saint attendait d'eux", (donc) nous ne pouvons accepter le concile. A la fin de sa conférence, mgr fellay reprochera au pape d'avoir connu cette position dès l'origine et, dès lors que la fraternité avait clairement fait connaître qu'elle ne pourrait pas changer de position, il dit ne pas comprendre pourquoi le pape a provoquer des discussions avec la fraternité en vue de la signature d'un accord pratique sans "mettre le Concile en veilleuse", nous y revienrons. Pour fonder sonafirmation que les Pères du concile n'ont pas voulu obéir à l'esprit-saint au cours du concile, Mgr fellay prétend qu'ils n'ont "délibérément" pas souhaité suivre les formes ordinaires… des conciles antérieurs, et ont préféré qualifier le second concile du Vatican de "Concile pastoral", en faisant une fausse distinction entre "concile dogmatique" et "concile pastoral". Or cette distinction a été introduite, pour autant que je sache, par les critiques du concile qui l'ont relayée pendant le concile dans une revuecomme "ITINERAIRES", et ce refus de dogmatisé s'est vu infirmer, puisque le concile a produit, parmi ses constitutions, déclarations et décrets, deux "constitutions dogmatique" ("LUMEN GENTIUM" ET "DEI VERBUM") et une seule constitution pastorale ("GAUDIM ET SPES"). Que si ces constitutions n'ont pas produit de dogme nouveau, tous les conciles n'en ont pas défini, mais le Concile a développé, dans ses constitutions dogmatiques, des notions nouvelles venant enrichir le dogme ancien.* Mgr fellay regrette enfin, à la suite de mgr Lefebvre et de quelques autres pendant le concile, que le concile ait délibérément abandonné la forme des définitions scolastiques traditionnelles, qui serait "la philosophie du bon sens" face au kantisme condamné par Saint Pie X dans "PASCENDI" comme la source de l'agnosticisme aux origines du modernisme, à la phénoménologie ou à l'existentialisme, condamné par Pie XII comme le pire dessystèmes relativistes. Il ne déplore pas ici l'abandon de la pratique de l'anathème : *mais la sanction contre ceux qui ne croient pas en un dogme accompagne-t-elle nécessairement la définition de celui-ci ? Ce refus de recourir à l'anathème est sous-tendu par une Eglise qui se perçoit désormais davantage comme une "communion de charité" que comme une organisation sur la défensive, quand elle défend le "le dépôt de la foi", même si la Foi et la charité ne sont pas en opposition : la foi est le roc et le socle, mais la charité est la plus grande des trois vertus théologale, ce dont prend acte le concile dans sa conception d'une eglise, dont lahiérarchie doit désormais présider à la charité.* En plus des problèmes posés par les philosophies sous-tendues par le langage adopté par le concile, mgr fellay continue de poser comme nœud de son opposition "la fameuse trilogie" de "la liberté religieuse", "la collégialité" et "l'œcuménisme", trilogie (*habituellement complétée par la liturgie et la pratique du dialogue interreligieux comme prolongement naturel de la liberté religieuse*) dans laquelle mgr Fellay voit une transposition des "droits de l'homme" : la liberté religieuse appliquant la liberté, la collégialité instillant l'égalité au sommet de la hiérarchie éclésiale, et l'œcuménisme étant mû par un désir de fraternité. *L'a priori qu'on ne saurait inviter les droits de l'homme à la table de l'Eglise repose sur l'analyse, faite à la fois par Jean Madiran, André chouraqui ou rené cassin, sur des versants différents de l'échiquier politique, que les droits de l'homme sont pensés comme de nouvelles tables de la Loi. Mais, pour Jean Madiran, ce sont des "droits de l'homme sans Dieu" alors que, pour les rédacteurs de la déclaration Universelle des droits de l'Homme de 1948, les droits de l'homme ne visent pas à remplacer, mais à retranscrire ou à retranscrire le décalogue, origine de la loi naturelle aux yeux des catholiques, dans des termes supposés acceptables par toute l'humanité. Le traditionalisme catholique préfère la critique contre-révolutionnaire des droits de l'homme comme antidécalogue à la voie médiatrice (ou concordiste) des rédacteurs de cette déclaration, qui la considèrent comme un décalogue laïque.* Mgr fellay s'étendra sans les nommer sur les méfaits de la collégialité, qui sera l'une des origines, sans que mgr Fellay les cite à comparaître, ce qu'il appellera "le double langage de rome" et qui expliquera selon lui l'échec des discussions.* Mais avant de comprendre les raisons qu'il en donne, il est utile de s'arrêter sur sa critique étayée de la théorie et de la pratique de l'œcuménisme et de la liberté religieuse. 1. L'œcuménisme ne peut être toléré parce que l'eglise catholique ne saurait transiger sur la foi dont elle est dépositaire et dont on ne saurait "lâcher un principe" (non plus qu'un principe de la morale, aura-t-il précisé précédemment), sans encourir cette condamnation de saint Athanase: "A moins qu'il ne la tienne intègre et inviolée (la foi catholique), sans aucun doute il est damné". Pie XII ajoute en proclamant le dogme de l'Assomption que "quiconque refuse ou simplement met en doute cette vérité, doit savoir qu'il a défailli entièrement." "Si quelqu'un, ajoute mgr fellay, ne croit pas à l'enfer, mais croit quand même que le christ Est Dieu, il se coupe de la Lumière de la Foi, car si le bon dieu S'est trompé sur un point, alors Il peut se tromper sur tous les autres. D'ailleurs, c'est insensé de s'élever contre le bon dieu et de prétendre : "vous avez tort et c'est moi qui ai raison !" (…) Les protestants, et tous ceux qui se mettent à contester une des vérités de la foi, se placent au-dessus ou au moins à l'égal du bon dieu, et arguent contre Dieu. Ceux qui ont fait [cela] ont démoli la Foi de fond en comble." *Pourtant, mgr fellay pourrait se laisser toucher par l'invitation isaétique : "Venons et discutons". Ceux que dieu par le prophète convoque à se confronter à Lui, à lutter avec Lui comme Jacob, ou à contester contre Lui comme Job viennent toujours à résipiscence.* 2. "Jean-Paul II disait de l'œcuménisme : "Cette unité n'est ni une fusion, ni une intégration" mais "une fédération", commente mgr fellay. Et si le bienheureux Jean-Paul II avait voulu souffler à notre esprit une analogie de l'œcuménisme avec la très Sainte trinité, "Union sans confusion", analogie dont on se demande si la séparation des Eglises chrétiennes en trois branches, comme la ramification des religions abrahamique en judaïsme, islam et christianisme ne peut pas s'interpréter comme des clins d'yeux de la Providence pour y discerner des traces de la trinité. Tel n'est assurément pas la position de mgr fellay : 3. Qui regrette que l'on ne puisse plus parler de "fausses religions" (le dernier qui l'ait fait étant Pie XII) ni présenter les juifs et les païens comme des "ennemis de l'eglise" : a) "La claque que j'ai ramassée, simplement en disant que les juifs étaient des ennemis de l'Eglise ! (…)Or s'ils continuent à tenir pour un blasphème que nous confessions que Jésus-christ Est Vrai Seigneur et vrai dieu, ne sont-ils pas adversaires de notre Seigneur ? S'ils sont comme ça, comment est-ce qu'on pourrait nous dire qu'ils ont leur chemin pour aller au ciel? Saint-Pierre nous dit dans les actes des apôtres qu'"il n'y a aucun autre Nom qui Ait été donné sous le ciel pour être sauvés que le Nom de Notre Seigneur Jésus-christ. (actes 4:12) Et maintenant, on nous raconte que les juifs ont leur chemin à eux…" Entre la théologie de la substitution et la théologie de la double élection, en dehors des manœuvres de théologiens, électrons libres, qui veulent prononcer un mariage forcé du judaïsme et du christianisme sans consentement ni conversion, le par. 4 de la déclaration "nostrae aetate" indique, me semble-t-il, la voix de la sagesse, en demandant qu'on n'impute pas la responsabilité de la Passion du christ, "indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps" ; que l'on continue de confesser le "verus Israël", mais avec l'humilité de "l'olivier sauvage" plein de reconnaissance pour"l'olivier franc" ; enfin, "les Juifs ne doivent pas être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits",malédiction qui semble percer sous le besoin que ressent visiblement mgr fellay de traiter les juifs d'"ennemis de l'Eglise", b) et les païens comme de fausses religions (*l'islam semble assimilé aux païens, et sa revendication d'être, sinon la dernière, du moins l'une des ramifications abrahamiques n'est pas retenue*). "Le psaume nous dit que les dieux de ces païens sont des démons." Dès lors, le prélat déplore que l'on prétendent désormais que "les autres religions se dirigent vers notre seigneur" *(ce qui est pourtant le sens de la Promesse du christ : "Quand Je serait Elevé de terre, J'attirerai tout à Moi" (Jean 12:32.)* Mgr fellay reçoit comme un beau rêve, dénué de toute réalité, ces paroles de l'encyclique "ut unum sint" : "Notre Seigneur Est la fin de toutes les religions". Avec le pessimisme anthropologique qu'il opose à la naïveté de l'optimisme conciliaire,* il dit que, bien sûr, il y a de la beauté et du bien dans le mal, c'est même à cela qu'on le reconnaît. Une seule goutte de cyanure suffit à empoisonner la meilleure soupe de légumes. S'émerveiller de la beauté qu'il y a dans les autres religions, c'est peut-être, au départ, trouver un point d'appui pour amadouer celui qu'on veut amener à être un futur disciple du christ. Mais si on reste dans cette voie, de s'émerveiller [des grains de beauté] qui subsistent dans le mal, on "trompe son monde". Mgr fellay utilise ensuite la métaphore du train : dire à quelqu'un qui se trompe de train que son train est beau et climatisé et qu'il arivera un jour à bon port, ce n'est pas se montrer charitable envers lui. *Or cette métaphore du train qui désignerait les religions me rappelle celle de l'abé célier comparant l'homme à une voiture dont Dieu aurait placé le mode d'emploi, la loi naturelle, dans la boîte à gants. Voir la personne réduite à une voiture et les religions, ces voies de passage vers le salut espéré, rabattues à des trains, cela nous appauvrit et nous humilieextrêmement. Pourtant, l'analogie du train de voyageurs est assez rigoureuse, la religion nous aide à passer, et la vraie religion doit nous aider à passer de ce monde au Père de notre Seigneur Jésus-christ, Qui est aussi notre Père. Seulement, si les adeptes des "fausses religions" ont pris le mauvais train, sommes-nous embarqués avec eux dans une voiture pour louer le confort de ce train, ou leur faisons-nous cette remarque dans les adieux des quais de gare ?* 4. Mgr fellay croit discerner la véritable nature de l'œcuménisme dans la mésaventure arrivée, "à Rome, au plus haut niveau de la hiérarchie", à cet évêque chismatique portugais qui, au soir de sa vie, voulut revenir au catholicisme, et que les autorités romaines en responsabilité des évêques et du dialogue interreligieux refusèrent de recevoir parce que, "depuis le Concile, ce [ne serait] plus nécessaire" Et bien sûr, pas question de le renvoyer vers la FSSPX, qui l'avait pourtant adressé à Rome : "N'allez pas chez ces fosciles !" Mgr fellay croit voir dans ce refus de rome l'essence de l'œcuménisme, puisque c'est "au nom de l'œcuménisme" que le cardinal Kasper aurait explicitement refusé de le recevoir ! *Ici, on ne peut s'empêcher de regretter que le moyen de l'œcuménisme se prenne pour une fin ; et quelles que soient les analogies de la division de l'universel chrétien en trois branches avec la Trinité qu'un élan métaphysique aux limites du panthéisme peut nous entraîner à risquer, notre pâte humaine ne peut que souscrire à l'espoir que nous gardons toujours, au fond de notre cœur, du retour de nos"frères séparés" : "ut omnes errantes ad unitatem eclesiae revocare" (litanie des saints). Car la troisième voie en qu'on peut essayer d'ouvrir face au constat du recouvrement difficile de l'unité dans l'Eglise, c'est de s'abstenir de considérations sur l'essence de cette unité ; et, c'est de prier pour la communauté de foi dans une communauté d'eglise, si c'est la forme d'unité voulue par Dieu ; mais si l'unité de la structure n'est pas ce que dieurecherche, s'Il préfère que "le salut puisse avoir pour portes d'entrée toutes les sensibilités chrétiennes" (malgré le "subsistit in"), sous la protection cachée du chef de l'Eglise catholique, référend et protecteur de toute la chrétienté, consciente ou non de ce rôle du pape qui bénéficie à tous les confesseurs du christ, c'est à nous de mettre nos sensibilités en veilleuse pour accepter que vivre de cet œcuménisme au sein de structures éclésiales dissociées nous soit d'un plus grand profit, d'autant que cela réclame de nous une plus grande abnégation, pour apprendre à vivre de l'Union trinitaire.* II LES DISCUSSIONS AVEC ROME *En fait de clarifications, le discours de mgr fellay demeure assez confus, si bien qu'il est difficile de dégager, ne serait-ce qu'une chronologie, parce que mgr fellay, comme à son habitude, se laisse emporter par son discours, ce qui l'amène, par exemple, à annoncer trois conditions fixées pour la réintégration de la FSSPX dans une lettre du pape du 30 juin 2012 (donc postérieure au 13 juin) et à n'en énoncer que deux. On peut cependant dégager quelques lignes de force : * 1. Le 14 septembre 2011, mgr fellay est convoqué par la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF) pour procéder à une évaluation des discussions doctrinales qui ont eu lieu, deux années durant, et se voir remettre un "préambule doctrinal" pour analyse et signature avant tout accord pratique. *On croyait savoir que ces "discussions doctrinales" étaient un préalable posé par mgr fellay à Rome, et mgr Fellay continue d'ailleurs aujourd'hui encore de motiver son refus d'un accord pratique par la préséance de la doctrine sur une "belle situation" canonique.* Or mgr Fellay nous présente ici ces discussions comme ayant été initiées par la CDF pour lever des difficultés doctrinales qui se posaient dans la FSSPX (*mais dit-on la même chose ? Pourquoi n'est-il pas plus simplement parlé de "difficultés doctrinales" soulevées et ressenties par la FSSPX en face du concile.* Le cardinal Levada et ses assistants concluent cette évaluation des discussions doctrinales en affirmant qu'"elles ont atteint leur but, puisque chaque partie a pu exprimer clairement sa position. "Or les représentants de la CDF ne vont pas avoir une seule parole pour dire en quoi les objections soulevéées par la FSSPX sont "bonnes, mauvaises, justes ou fausses". La CDF présente à mgr fellay le "préambule doctrinal" comme un texte à signer, néanmoins modifiable, à condition de n'en pas changer la substance. *Quoique mgr Fellay ne le perçoive pas ou feigne de ne pas le percevoir, cette méthode de réception du "préambule doctrinal" ressemble à s'y méprendre à "la marge de discussion et de (critiquabilité) du concile", qui doit être appréciée selon la même méthode : non modifiable en sa substance, mais discutables sur les points litigieux. De même qu'on ne doit pas modifier la substance du préambule doctrinal, mais qu'on peut en préciser la rédaction, "on doit accepter le concile" (ce qui sera la conclusion de la CDF le 13 juin 2012, confirmée par une lettre adressée par le pape à mgr Fellay le 30 juin 2012), mais, comme le préambule doctrinal le stipule expressément, "il peut y avoir une discussion légitime sur certains points du concile qui font difficulté" dans le cadre d'une acceptation générale de celui-ci. Condition que mgr fellay résume ainsi : "Vous devez accepter le concile, après, vous pourrez en discuter. Mais si on l'a accepté, il n'y a plus rien à discuter." *La phrase prononcé par mgr Levada le 13 juin n'est pas contradictoire avec le principe qui semble se dégager de ce point désormais public du "préambule doctrinal" : "Vous ne pouvez pas dire qu'il y a des erreurs dans le concille", mais "la discussion légitime" vous permet de dire en revanche qu'"il y a des points qui", sans être erronés, font difficulté". 2. Le préambule doctrinal propose en outre un "cadre" à cette "discussion légitime des points qui font difficulté dans le concile" : c'est l'herméneutique de la réforme dans la continuité. (*Mgr fellay va d'ailleurs commettre un lapsus intéressant au cours de sa conférence : il considérera comme interchangeables les expressions d'"herméneutique de la Réforme dans la continuité" ou de "continuité dans la réforme". On doit donc entendre sous cap que le pape est essentiellement réformiste, voire accessoirement réformé. Ironie de la parole prise au piège de la liberté de son flux, mgr fellay dira, à la fin de la conférence que, si l'important n'est pas "que nous recevions le label catholique, quand bien même on nous excommunierait, nous devons protester… que nous sommes catholiques, et c'est cela qui les embête.")* De son propre aveu, mgr fellay va s'employer dans ses deux réponses au "préambule doctrinal", dont la seconde (dont il ne donne pas la date ici) précise la première du 30 novembre 2011 de portée volontairement générale, à "démolir" "le cadre" qu'on veut lui imposer pour "discuter" le concile : "l'herméneutique de la réforme dans la continuité". D'un côté, Benoît XVI condamne la rupture – "et c'est un point sur lequel nous sommes d'accord" - : "il y aurait une manière de comprendre le Concile qui serait fausse, expllique mgr Fellay décryptant la pensée du pape, c'est celle qui affirme que ce concile se pose en rupture avec le passé de l'eglise. Ce n'est pas une nouvelle Pentecôte, un nouveau début…" Cette critique de la rupture est en continuité avec la solution proposée par saint Vincent de Lérins pour sortir de la crise de l'Eglise qui avait lieu de son temps s'appuyer sur la partie saine, c'est-à-dire le passé. Le problème, c'est que benoît XVI ne s'en tient pas au passé : en introduisant le mot "réforme", il "bénit" tous les changements" introduits par le concile "auxquels nous nous sommes opposés". "Tous ces changements [résultant] du concile sont approuvés comme, non seulement bons pour l'eglise, mais aussi nécessaires." L'herméneutique dans la continuité est donc un cadre trompeur : il y a un point qui est juste, la condamnation de la rupture, et un point qui est faux, la justification des réformes conciliaires au Nom d'une "Eclesia semper reformenda". *De fait, "la Réforme dans la continuité" constitue bien un oxymore* qui induit, précise mgr fellay, deux conceptions de la tradition : 3. Au moment des Sacres, on avait reproché à mgr Lefebvre d'avoir "une vision incomplète de la tradition" : a) Mgr Lefebvre s'est toujours référé à la définition de saint vincent de Lérins : "ce qui a été cru toujours, partout et par tous". *La Tradition serait donc éternelle (comme les sionistes prétendent que Jérusalem est "la capitale éternelle et indivisible de l'Etat d'Israël"), quand même il a fallu attendre la prédication de l'evangile pour qu'on puisse croire dans le Mystère du verbe Incarné. Mais mgr fellay a un argument très solide à opposer à ce qui semble un anachronisme historique :* "L'esprit-saint n'a été envoyé que pour rappeler les Paroles du christ, et le Christ a dit ce que, de toute éternité, Il avait reçu du Père." *On serait tenté d'opposerà cela "l'autorité et la nouveauté" de l'enseignement de Jésus constatées par les foules et souignées par saint-Marc (1:22 et 1:27), mais il va de soi en même temps que cette nouveauté est pour nos oreilles tout humaines, tandis que l'autorité de l'Enseignement du christ est divine. Il y a un dynamisme humain qui se joint à l'Origine divine de la pédagogie et du Pédagogue. b) On aurait envie de dire que cette "autorité de (ou dans) la nouveauté" (sic) est ce qui contribue à rendre "la tradition" encore plus "vivante" que la simple adaptation du magistère aux conditions d'énonciation qui évoluent et doivent s'adapter aux changements de la situation historique des hommes au fil des époques. Mais on craindrait de hérisser mgr fellay, qui souligne au contraire* que "Rome utilise moins le concept de Tradition vivante". Pour eux, la tradition, c'est ce que fait chaque pape : chaque pape apporte une nouvelle strate de tradition. La tradition se construit par couches sédimentaires : la Tradition n'est plus l'objet, mais [ressort du] sujet qui transmet. *Pour les traditionalistes, Il ne peut pas y avoir de "développement interne" du dogme. C'est même le propre du modernisme que de penser que le dogme prend cette voie immanente pour préciser sa formulation.* C'est l'objet qui spécifie la tradition et non le sujet qui la transmet. Or "ils ont cassé la tradition". (Mgr fellay a ici des accents du : "ILS L'ONT DECOURONNE" de mgr Lefebvre). 4. La contradiction interne contenue dans "l'herméneutique de la réforme dans la continuité" peut expliquer qu'à romme, "nous fassions face à une contradiction, à une double communication, à une ligne officielle et une ligne officieuse", d'où la nécessité de rechercher constamment, à la fois "ce que veut le pape" et si ce que veut le pape est bon et acceptable pour la Fraternité." Mgr fellay donne plusieurs exemples de cette contradiction, dont il a même saisi le secrétaire d'Etat pour s'en plaindre, lequel était tout à fait dans la ligne officieuse, puisqu'il a promis à mgr fellay qu'une fois la situation canoniqueréglée, la Fraternité pourrait continuer de"tout attaquer", ce qui constitue aux yeux de mgr fellay une condition préalable de sa réintégration (*autant dire que mgr fellayprétend, enposant cette condition, être reçu comme "un ennemi de l'intérieur", à qui l'autorité permettrait de miner l'autorité (un fou du pape en somme ?), "ce qui est impossible pour une Autorité, reconnaît mgr Fellay lui-même)*. Mais revenons-en aux exemples de contradiction romaine pointés par mgr fellay, qui semble s'étonner qu'il y ait "des saboteurs" et des "faussaires" dans une curie qui devrait être "le bras droit du saint Siège", comme si tout groupe humain n'était pas soumis aux pressions contradictoires d'intérêts catégoriels divergents et comme si, dans le cas particulier de l'Eglise, il n'y avait pas depuis toujours des loups dans la bergerie : a) Contradictions entre dicastères. En septembre 2010, un prêtre qui a rejoint la FSSPX est excommunié par la congrégation des religieux en ces termes : "Le Père un tel a déchu de la foi en rejoignant formellement le chisme de mgr Lefebvre." Donc la cause était déjà jugée en septembre 2010 par la congrégation du clergé après la levée des excommunications et en plein dans les discussions doctrinales avec Rome.Je vais à rome et je proteste auprès de mgr Pozzo. Il ne m'a pas laissé finir ma phrase et m'a interrompu en disant que la commission "Eclesia dei" avait déjà signifié à la congrégation du clergé qu'elle n'était pas compétente pour prononcer un tel jugement et qu'elle devait par conséquent leréviser." (*Ici, on a moins à faire à une contradiction entre dicastères au sens strict qu'à une congrégation ou à un dicastère qui abuse de son pouvoir et de sa compétence.* b) La contradiction par des procédés dilatoires. Sur quoi, mgr Pozzo fait le geste de déchirer cette lettre. De même, au lendemain de l'ultimatum de la CDF, les interlocuteurs officieux de mgr fellay lui font savoir que tout ce qu'(il) doit faire de cette lettre, c'est de l'archiver. Ca ne veut pas tout à fait dire : la mettre à la poubelle, mais ça revient pratiquement au même.". Après que mgr Fellay a refusé l'ultimatum de la CDF, il rédige, sous la dictée de mgr di Noia, nommé pour trouver un chemin de conciliation avec la FSSPX, une lettre pour dire à la congrégation que "son texte est encore à l'étude". C'est une habitude à rome, lui explique mgr Di Noia, de dire qu'un texte est encore à l'étude pour apaiser les esprits. Mgr fellay de s'indigner qu'après cela, on écrive dans la presse que rome n'a pas encore reçu de réponse de sa part… c) Une contradiction dans les nominations. Mgr Levada démissionnaire est remplacé, à la tête de la CDF, , par mgr Müller qui, avant sa nomination, avait exprimé des positions très hostiles à la fraternité : "Les évêques (de la Fraternité) doivent redevenir prêtre ; quant à leurs séminaristes, il n'y a qu'à les renvoyer dans les séminaires diocésains." "Cela revient à dissoudre la fraternité, voilà ce que dit de nous notre responsable", commente mgr fellay. Comme cette nomination pose problème, le pape nomme un second interlocuteur: mgr di Noia, *chargé de déminer le terrain. Mais on a en effet l'impression d'un jeu de rôle, où l'un jouerait le rôle du méchant et l'autre celui du gentil. C'est une tactique classique de gouvernement, dont on voit mal comment on pourrait la proscrire de l'eglise, puisqu'il est recommandé aux disciples d'être rusés comme des serpents et doux comme des colombes. (Mt 10:22)* d) Une contradiction dans la position pontificale. "Le pape me fait savoir que résoudre le problème de la Fraternité est au cœur des priorités de son pontificat." Mais, après que j'ai reçu l'ultimatum du 16 mars, je courre-circuite le mandataire officiel et écris directement au pape. Le pape me laisse faire ce geste, puis, après un moment, me fait savoir que je dois envoyer la lettre que je lui ai expédiée par le chemin normal. La congrégation se contente de corriger mon texte de façon qu'on revienne à la case départ. A ce moment-là, j'écris au pape" (restitution oral du contenu de cette lettre) que, dès lors qu'il manifestait le désir de réintégrer la FSSPX dans la pleine communion de l'Eglise catholique, "j'étais [fondé à] conclure que vous deviez mettre en veilleuse (sic) le problème du concile. Si l'on remet – dans le texte qu'on nous donne à signer – les éléments du concile qu'on ne peut pas accepter, je suis obligé de conclure que je me suis trompé. Donc dites-moi vraiment ce que vous voulez." C'est la seule fois que j'ai reçu une réponse du pape datée du 30 juin et qui expose trois conditions pour que la fraternité soit reconnue. La première, c'est que nous reconnaissions que c'est bien le Magistère qui est le juge de la tradition. (…) La deuxième condition (dont on pouvait craindre qu'elle découlât de la première), c'est que vous reconnaissiez que le concile fait partie intégrante de la tradition apostolique" *Comme je l'ai déjà signalé, la troisième condition a été omise. Quoi qu'il en soit, on constate que, s'il a pu y avoir, avant et après cette date pivot qui marque l'unique fois où le souverain pontife est l'interlocuteur direct de mgr Fellay dans cette longue séquence de discussion, des assouplissements et des raidissements de la part du pape, le pape, dans cette unique lettre privée, ne désavoue nullement, voire reprend quasiment les mêmes termes que la CDF, ce qui, du moins, ne le met pas en porte-à-faux avec cet organe du gouvernement de l'Eglise et même si cela n'empêchera pas le souverain pontife de continuer à faire des propositions de régularisation canonique très favorables à la FSSPX, qui, à partir du 13 juin, ne veut plus faire aucune concession, mais pose au contraire trois conditions : "que nous soyons reçus comme nous sommes, que nous n'ayons pas à signer ce papier de rome, et que continue de nous être garanti le droit de critiquer (parfois décliné en droit d'attaquer)." Comme, à cela, mgr di Noia oppose la nécessité d'une "critique constructive" et que la CDF ne revient pas sur sa condition d'acceptation préalable du concile, avant la discussion légitime de tel point litigieux, condition dont mgr fellay fait une lecture maximaliste en plaçant l'acceptation au-dessus de la discussion et en estimant que la foi passe avant le confort d'une situation canonique régularisée, "nous sommes revenus à la case départ" est la conclusion qui s'impose et que le prélat tire légitimement de ses discussions avec Romesous le pontificat de benoît XVI. Mgr fellay est loin de nier la critique qu'on a peut-être manqué "une occasion historique" de signer un accord, comme l'ont nié beaucoup de suporters de la FSSPX, après la publication sur son blog d'un article de Jean-Marie Guénois, faisant état d'une ultime tentative de rapprochement de benoît XVI, information que le journaliste n'a jamais démentie bien qu'elle n'ait été confirmée par aucune des deux parties et ne semble fondée, à ce jour, que sur l'espoir qu'avait manifesté mgr fellay après l'annonce de la renonciation de benoît XVI, que "le pape ferait un dernier pas vers nous". Mgr Fellay, on l'a dit, reconnaît que les conditions qu'on lui proposait étaient favorables à un point que mgr Lefebvre n'avait jamais reçu de telles offres. Mais il assume d'y avoir opposé un "non possumus" tout à fait dans la tradition de l'action française, qu'il motive par la raison que la foi doit passer avant l'accord pratique et le confort d'une situation canonique, fût-elle une prélature personnelle à juridiction universelle. Il a beau appeler ses fidèles à prier pour que "le bon Dieu nous donne un bon pape", il n'y croit pas vraiment. Il prédit, à vues humaines, que le successeur de benoît XVI opérera plutôt un "gauchissement" à la mode Jean-Paul II, et que les cardinaux pourraient bien faire passer "un mauvais quart d'heure à la messe traditionnelle", sans toutefois aller jusqu'à accepter l'ordination des femmes ou la communion pour les divorcés remariés, ce qui serait, assurel'évêque dissident, "la dissolution de l'Eglise", "Quant à nous, qu'est-ce qu'il nous reste à faire" ? "Regarder les cardinaux", continuer à construire une espèce de sauve-qui-peut, un raffiot de sauvetage en se disant : "On verra bien". Mgr fellay avoue à demi-mots avoir fait un coup de poker inspiré par "la politique du pire", puisque des conditions aussi favorables ne se présenteront pas de si tôt : "Je ne vous promets pas la paix dans l'eglise avec le prochain pape". Mais il vit le flottement de ce retour à la case départ avec beaucoup de zénitude : "Il n'y a pas de quoi s'affoler". La vie a besoin d'aventure. Nous vivons dans "une rue cernée de tireurs d'élite". L'aventure que propose mgr fellay come geste à ses fidèles consiste à ne pas marcher dans cette rue comme en "temps de paix". On est plutôt dans l'évitement que dans "LA CHANSON DE ROLAND". Mais ne le prenons pas avec tant de condescendance : il s'agit de "faire son salut par des chemins d'exception". Cette aventure n'est pas qu'évitement,. L'héroïsme est au rendez-vous. Mgr fellay convoque le témoignage d'une mère de famille de ses fidèles qui, le même jour de Noël 2011, a perdu deux de ses enfants : sa fille cistercienne assassinée au Nigéria et son fils, fraîchement reconverti du bouddhisme, à qui des bouddhistes avaient présenté une croix pour qu'il marche dessus et qui fut exécuté, parcequ'il avait préféré l'embrasser. La zénitude de l'évêque helvétique consiste à préparer ses fidèles au martyre en leur parlant d'apocalypse, tout en les exhortant à ne pas penser à de telles scènes (quoique la suggestion soit dans l'esprit), mais à faire leur devoir d'état, comme si de rien n'était, "par amour du bon Dieu", au milieu d'un "champ de ruines" : "Ce n'est pas compliqué, la vie catholique. C'est exigeant, mais c'est très simple." Il suffit de faire une consécration à saint-Joseph, "terreur des démons", en ayant à l'esprit les promesses de fatima que " le cœur Immaculé triomphera". Du monde, de l'état actuel de l'eglise ("il n'y a pas de quoi s'affoler") ou de l'apathie de mgr fellay, preux chevalier du statu quo ou véritable risque-tout du combat décisif ? Comment savoir ! La sérénité dans les épreuves fait rarement bon ménage avec une piété craintive. ROME-FSSPX : CHRONOLOGIE D'UN MALENTENDU : Cette esquisse de chronologie prend pour guide les notes que j'ai prises à l'audition de la conférence de mgr fellay donnée à Nantes, laquelle conférence étant orale, omet beaucoup de dates. Cette chronologie est donc susceptible d'être amplement complétée et corrigée. 14 septembre 2011: convocation de mgr fellay auprès de la congrégation pour la Doctrine de la foi pour évaluer les discussions doctrinales des deux années précédentes et lui présenter pour analyse et signature le "préambule doctrinal" comme préalable à un futur accord pratique ; 30 novembre 2011 première réponse de mgr fellay au préambule doctrinal ; 16 mars 2012 : ce qu'on a appelé l'ultimatum de la CDF disant en substance que "le fait de refuser la proposition du 14 septembre 2011, explicitement approuvée par le pape, revenait à refuser l'autorité du pape, et donc, à travers deux canons dont seuls, les numéros étaient cités,exposaient à une condamnation comme chismatiques et à une excommunication. "Dans sa bonté, le pape vous laisse encore un mois pour réfléchir et, si vous voulez revenir survotre décision, vous avez un mois pour le faire savoir à cette congrégation." 22 avril 2012, réponse de mgr fellay à la CDF, qui lui remet une proposition de prélature personnelle, assortie d'un nouveau préambule doctrinal 13 juin 2012 : nouvelle rencontre de mgr fellay avec la CDF pour un constat de désaccord et d'échec 29 juin 2012 : sermon de mgr fellay où il constate que la situation est bloquée, après avoir essuyé le désaveu de la CDF, mais avant de recevoir la lettre du lendemain, signée du pape ; 30 juin 2012 : lettre du pape adressée à mgr fellay dans laquelle il reprend les arguments exprimés par la CDF du 13 juin. Et entre le 30 juin et la renonciation de benoît XVI ?

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