Pages

samedi 27 janvier 2024

Thomas Michelet et la loi de gradualité

Quatre choses que je retiens de cette longue étude du frère thomas Michelet:

https://revuethomiste.fr/contenu-editorial/chroniques/lumieres-et-grains-de-sel/peut-on-benir-fiducia-supplicans

1. D'abord, j'observe avec fierté (ou vanité) qu'il dit la même chose que moi:
"Au-delà des polémiques, cette affaire montre la difficulté d’ériger en règle universelle ce qui était pratiqué jusque-là par tous les pasteurs dans le secret du Confessionnal ou dans la discrétion d’un accompagnement personnalisé. [...] Tandis que la règle doit demeurer générale et impersonnelle, disposer pour l’avenir, ces situations réclament un esprit de finesse et non de géométrie, un tact pastoral qui peine à se mesurer de loin et se gouverner d’en-haut." Surtout si les critères de gouvernance ne sont pas clairement indiqués.

2. La fine pointe de ce texte est dans le rappel de la "loi de gradualité" mise en lumière par Jean-Paul II dans "Familiaris consortio" et rappelée par François dans "Amoris laetitia". Cette loi de gradualité indique toutes les étapes d'un beau chemin de conversion:
"La « loi de gradualité », politique du « petit pas » et du « pas à pas » qui admet qu’il faille du temps et des étapes pour aller à la vérité. En voici douze pour l’illustrer. – Reconnaître un manque dans sa vie, d’où l’on se tourne vers Dieu. Envisager le mal dont on est responsable. Nommer son péché. Détester son péché. Croire que l’on peut soi-même être pardonné. Demander pardon. Considérer qu’une autre vie soit possible. La voir comme bonne en soi. La voir comme bonne et désirable pour soi. La croire possible pour soi, avec la grâce de Dieu. Prendre la décision de changer de vie, avec tout ce que cela implique. Le faire en acte et persévérer dans ce propos. – Tout cela peut prendre beaucoup de temps, voire des années, mais il ne faut pas désespérer car Dieu patiente à l’égard du pécheur. Saint Augustin en convient : « Mieux vaut suivre le bon chemin en boitant que le mauvais en courant", et "boîter n'est pas pécher."

3. Question baroque ou loufoque que je me suis déjà souvent posée: "Peut-on sauver à tout prix la brebis perdue au point de perdre les quatre-vingt-dix-neuf autres ainsi délaissées ?" Le dominicain semble reprocher à Jésus son manque d'équilibre. Et il lui lance de manière assez pharisienne: "L’époque fait primer les droits individuels sur le bien commun, ce qui à terme est ruineux pour toute société fût-elle ecclésiale." Il va jusqu'à prôner la stigmatisation de la brebis perdue: "L’ordre des pénitents de l’Antiquité avait cette fonction de stigmatiser le pécheur pour traiter à part le membre malade et ainsi éviter la contagion du corps entier. "Que dire d’un hôpital de campagne où les malades siègent avec les bien-portants au point de ne plus offrir aucune résistance à la pandémie ?"
François a été très respectueux des "gestes barrière" pendant la "crise sanitaire", mais son "hôpital de campagne" n'était par anticipation pas vraiment covidique. Les temps sont durs et les dominicains le sont autant que les jésuites sont casuistes. Jusqu'à François, aussi souple que le "Père Anat" des "Provinciales", qui se mêle de réhabiliter Pascal.

4. L'expression de Thomas Michelet est un peu plus souriante que celle de son confrère Emmanuel Perrier. Il n'empêche qu'il pose une question autrement cruelle, celle de la pente savonneuse qu'on dit toujours fantastique et dans laquelle on glisse incontinent:
"À moins que l’effet visé soit justement celui-là : d’obscurcir les consciences en bénissant à tout-va le pécheur et son péché, le bien et le mal, ce qu’à Dieu ne plaise. Des ministres complaisants se prêteront facilement au jeu, au nom d’une conception erronée de l’amour qui couvre tout, lorsqu’ils ne partagent pas eux-mêmes l’idéologie qui le sous-tendrait. Aveugles qui guident des aveugles… ils tomberont dans une fosse (Mt 15,14). Sous couvert d’une orthodoxie censée irréprochable, une pastorale déviante s’installerait peu à peu à bas bruit, préparant le coup suivant qui consisterait à changer la doctrine et réécrire le Catéchisme en ce sens. Le simple geste apparemment bénin d’une bénédiction informelle s’avère un redoutable instrument pour la scotomisation des esprits. Si telle était la stratégie, elle marque ici un point d’arrêt qu’on espère définitif. Si tel n’était pas le cas, il serait bon de le manifester autrement que par des communiqués imprécis qui ne font qu’accroître le doute."

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire