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mercredi 3 janvier 2024

La tragédie Althusser, réflexions sur le crime passionnel

Mon titre est trompeur, car je n'identifie pas la tragédie Althusser à un crime passionnel. Mon article est à lire en miroir du billet de PhilippeBilger et de ses commentaires qui apportent de très intéressants éclairages sur ce drame, l'impunité des puissants, des "sachants" et des gens exposés,  et sur bien d'autres points encore.


Justice au Singulier: Althusser à rien, vraiment ? (philippebilger.com)


"Après avoir lu l'article de "Libération" qui m'a fait froid dans le dos, j'ai lu le billet de notre hôte et à peu près tous les commentaires. Je souscris principalement à celui de Vamonos sur le non-lieu tordant le matérialisme historique du marxiste Althusser avant de m'enfoncer dans mes propres questions. 


Je voulais lire "l'Avenir dure longtemps" de Louis Althusser, pensant répondre par cette lecture à la question que me posait cette citation d'Oscar Wilde dans  "The Ballad of Reading Gaol)" que j'étais allée entendre dans un théâtre du XIXème arrondissement de Paris, dite par Stanislas Nordet: "Car on tue toujours ce que l'on aime." 


Si cette citation m'interpellait, c'est que je discernais en moi, non pas le germe d'un crime passionnel, pas plus que le danger d'une violence conjugale physique, mais une graine de tyran domestique ou de pervers narcissique, qui m'avait fait aimer cette chanson de Pierre Bachelet, revers moins réussi de la chanson de Jacques Brel: "Quitte-moi"... " avant que je devienne méchant". 

https://www.youtube.com/watch?v=bhRoia2IXa0


Quand j'ai été quitté, je l'ai encore moins bien supporté que le reste. Et pourtant c'était inévitable, car j'étais invivable.


Je croyais que Louis Althusser avait fait une introspection là-dessus dans "l'Avenir dure longtemps". On m'avait prévenu que non, mais je ne pouvais pas y croire. Les extraits de son livre que cite la recension de "Libération" montrent qu'il a fait pire: il a essayé de se justifier dans un style précieux.


Je ne sais pas si les manipulateurs existent. Leur existence supposerait qu'au début d'une relation, ils sachent où ils vont et ils la malmènent à dessein. Je doute de même de l'existence des pervers. Veulent-ils pervertir ou sont-ils pervertis? Font-ils volontairement dévier l'autre ou la relation ou les font-ils dévier parce qu'ils sont déviants? J'aimerais incliner vers la seconde hypothèse, car je veux croire que personne n'est intrinsèquement toxique. 


Ce qui pourrait me faire croire à l'existence des manipulateurs et des pervers, c'est s'ils nient le mal qu'ils ont fait ou tentent de se justifier, si peu que ce soit. Mais je redouterais de sombrer dans la perversité en sous-entendant que si tels sont les pervers, moi, je n'en suis pas un. Or ce n'est pas à moi de me déjuger ou de m'absoudre.


Face au mal que l'homme fait à la femme, au mal plus relatif, en genre et en nombre, que la femme fait à l'homme, je crois qu'il y a deux risques: la banalisation et la négation de la complexité des relations humaines, emportée par la vision chimérique que la personnalité se construit conformément à l'idéal moral ou à l'idéal du moi, quand la machine est grippée par des maladies de l'âme, des maladies psychiques, des troubles du comportement ou du caractère, voire des démons, autant de synonymes...


Mais ce que je trouve presque impardonnable, c'est la dénégation du malfaiteur ou du malfaisant, qui refuse de reconnaître le mal qu'il a fait quand il sait qu'il a mal agi. 


Suis-je travaillé par trop de culpabilité? Il paraît qu'il faut distinguer la culpabilité réelle et la culpabilité imaginaire. 


Une chose, en régime chrétien, n'aide pas à éviter de banaliser le mal: c'est le dogme chrétien de la rémission des péchés, très libérateur et qui aide à vivre en tant qu'il permet quelquefois de briser le supplice du miroir et de recueillir quelque joie au sein de ce supplice, mais qui brouille les pistes, car si tout est potentiellement pardonné ou pardonnable, où est l'acte moral?


La suprême injustice dans tous ces drames de la relation, c'est que, comme dans la tragédie Althusser, le meilleur est souvent effacé quand l'autre reste, auréolé de son ascendant qui le rend un bourreau presque légitime, même s'il est "infréquentable dans la vie quotidienne", comme quelqu'un l'a dit récemment des artistes. 


Tout cela, je l'expose, car je l'ai vécu ou au moins j'assume d'avoir vécu quelque chose de cette réalité. Et cette assomption peut encore recéler un autre piège: ce serait de faire croire que c'est encore moi qui souffre le plus. Il ne saurait en être ainsi."

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