Il ne faut pas oublier d’où vient Gabriel Attal. Je ne parle
pas de l’École alsacienne (on raconte que son parcours personnel se résume en
sept rues du Paris favorisé, et il se prend une crise rurale en devenant
premier ministre). J’oublie d’autant plus d’où il vient qu’il a dit, en réponse
à Mathilde Panot, une phrase que j’aime bien : « Vous regardez d’où les
gens viennent, j’essaie de regarder où ils vont ». IL oublie qu’il y a un
certain déterminisme de la trajectoire. J’oublie l’École alsacienne et je
regarde sa méthode.
Je
suis tombé sur la fin de son discours en me mettant à table pour me coucher
avec les poules. J’ai trouvé déplorable son hilarité. Pour lui, l’agriculture n’est
pas un sujet sérieux. C’est comme s’il se moquait du monde.
Il
prend dix mesures emblématiques sur les taille-hiaes et, pour le reste, se
défausse sur les préfets dont il fait des chefs d’orchestre.
Il distingue
et choisit un agriculteur à l’origine du blocage le plus spectaculaire et il
lui dit : « Alllô, on négocie.»Le Distingué distingue, mais il
distingue au hasard. Il distingue comme distinguent les médias, non en
demandant un droit de suite pour régler chaque problème avec ordre, mais au gré
des faits divers. C’est la démocratie du tirage au sort. Il agit comme le pape François
téléphonant à telle personne qui l’a ému : « Allô, X, c’est François.
Je voulais te dire que… »Le Distingué distingue indistinctement, mais
médiologiquement. Son mode de distinction ressemble à ce que font les médias, l’emballement
médiatique, le fait divers, la fait-diversification du monde.
Il se
met ce leader dans sa poche. Séduit, le leader lève le blocage. Ce faisant, le
jeune premier ministre a tiré la leçon de l’erreur de Macron disant que « Jojo
le gilet jaune » ne peut pas être mis sur le même plan qu’un homme de son
rang. Mettant le leader de la première manif dans sa poche, Attal tente de
bloquer l’émergence d’un leader comme il s’en est produit dans la « jacquerie »
urbaine précédente, mise à la niche par les confinements du Covid que Gabriel
Attal a justifiés en tant que porte-parole du gouvernement. Je me rappelle tout
de même d’où il vient dans sa carrière ministérielle et porter la parole d’un
gouvernement absurde vous fait monter très haut en Absurdistan.
Comment
Gabriel attal qui est un Macron en plus jeune parle-t-il aux gens ? Chirac
compensait sa politique par des services de proximité. Il faisait sauter les PV
des gens ou leur trouvait des logements. Attal et Macron « vont au contact »
(comme si les gens étaient des bêtes ou des tabous dont il faudrait avoir peur.
Il « va au contact », mais mais sans les aider concrètement, sans s’intéresser
àleur cas particulier.
Le porte-parolat conduisant au poste de premier ministre montre une dérive de cette fonction qui date de Nicolas Sarkozy, qui a fait de François Fillon « un collaborateur ». Emmanuel Macron ambitionnait d’avoir une « parole rare ». Son côté intarissable ne lui a pas permis d’avoir l’ascèse d’atteindre cet objectif, mais se voulant jupitérien, il se posait en président de l’éloignement faisant porter sa politique par un premier ministre de proximité ou un premier ministre intermédiaire. Édouard Philippe a essayé d’en être un et y a plutôt réussi, malgré sa provenance juppéiste. Jean Castex a fait illusion en n’ayant que son accent pour faire terroir. L’échec d’Élisabeth Borne tenait à sa froideur et à son total manque d’empathie apparente. Gabriel Attal a compris son rôle et pour l’instant, il ne le joue pas trop mal. Macron a plutôt réussi son coup en le castant dans son gouvernement théâtral.
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