Meilleurs voeux à tous. J'ai du mal à former les miens cette année, tant cette respiration calendaire me laisse peu espérer dans les changements du monde.
Pierre Moscovici a écrit un livre de mémoires dont il parle bien et dont on parle en bien. De là à lui supposer des ambitions présidentielles, il y a un pas que Serge Hirel, commentateur du blog de Philippe Bilger, n'hésite pas à franchir.
Justice au Singulier: On a connu un Jean-Luc Mélenchon heureux... (philippebilger.com)
Mosco président ? Ou Mosco candidat ? S'il n'y pensait pas, il devra à Serge Hirel d'y penser ou de mesurer et de tenter sa chance.
Mosco a des atouts:
- "soixante-six ans, l'âge de la sagesse" ;
- un enfant en bas âge, ce qui donne envie de se projeter dans l'avenir pour l'avenir de son enfant ;
- "une expérience européenne" ce qui compte beaucoup pour que tout paraisse changer sans que rien ne change en France (la bureaucratie capitaliste européenne a dans les soixante-dix ans. Si elle subissait le sort du soviétisme, ce serait juste ce qu'il faut pour tomber comme un fruit mûr) ;
- le fait d'occuper le poste de Philippe Séguin en incarnant à peu près le contraire du "souverainisme" que Séguin représentait dans son opposition non persévérante au traité de Maastricht ;
- mais surtout une ambition contrariée.
J'avais cru discerner que, pendant la campagne de François Hollande dont il était de loin le meilleur porte-parole, "il se voyait déjà"... Premier ministre, ce qu'il aurait été certainement sans la gestion calamiteuse, toute d'appareil, sans connaissance des hommes, des ressources humaines de ce président rompu à la synthèse et au mélange des ego, mais novice en matière de gouvernement, qui lui préféra l'insipide mais compétent Jean-Marc Ayrault, qu'il fit sauter pour le remplacer par l'impétueux Manuel Valls, qui fit valser son quinquennat à force de froncer les sourcils et de cliver inutilement et beaucoup plus vexatoirement que ne cliva jamais Nicolas Sarkozy.
Mosco se voyait déjà Premier ministre et ne s'en cachait pas. N'avait-il pas atteint l'âge de la maturité, plaidait-il dans les médias pour mettre la puce à l'oreille de Hollande qui n'y entendait rien. J'ai quant à moi ouï exactement la même remarque proférée par Philippe de Villiers au moment de ferrailler contre le traité d'Amsterdam. Or Villiers est resté un éternel ferrailleur qui rendit impossible l'union des droites et joue désormais au griot sur CNews comme il l'a fait au Puy du Fou.
Ainsi qu'il aime à se définir dans ses quarts d'heure de lucidité, Villiers ne sera jamais qu'un "saltimbanque de la politique" comme Mosco, quelle que soit l'estime qu'on lui porte, a toutes les chances de rester un éternel second rôle, quoi qu'il y ait derrière son envie de poser un jalon à travers ce livre de dirigeant politique qui ne transgresse pas la loi du genre (tous les livres de politiciens donnent dans l'"intimement politique").
Si je m'en rapporte à notre hôte, Mosco fait une bonne analyse, et de Lionel Jospin, et de Jean-Luc Mélenchon, qui a moins changé qu'on le dit, mais dont le côté caractériel était plus méconnu avant ; qui était un ministre impliqué dans la réforme de l'enseignement professionnel auquel il croyait et dans lequel il voyait un marchepied pour parler au monde ouvrier, et qui a trouvé une fenêtre de tir inespérée, pas tant dans son opposition au référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen - référendum dont Jacques Chirac s'était bien gardé de nous informer qu'il était purement consultatif -, que dans l'exclusion du parti socialiste qu'il subit de la part de François Hollande et qui lui permit de créer le parti de gauche, puis le front de gauche, puis la France insoumise en concevant une rancune inextinguible contre l'ancien premier secrétaire du parti qui l'avait exclu, avec qui, lui président, l'union de la gauche était impossible tandis qu'elle le redevenait, Hollande étant hors jeu, et Mélenchon en prenant improbablement la tête et s'improvisant l'invraisemblable fédérateur de la Nupes comme Jospin avait été celui de la gauche plurielle.
Mélenchon a rallié Mitterrand qu'il vénère, mais en le propulsant ministre, c'est Jospin qui lui a donné un destin sans qu'il en conçoive une gratitude à son égard qui aille beaucoup plus loin que la reconnaissance.
C'est Jospin dont Mosco et tous ses collaborateurs parlent avec estime, pour qui ils ont une gratitude méritée, et dont Axelle D prétend à tort qu'il avait promis le poste de Premier ministre à Manuel Valls qui n'était qu'un directeur de communication tout à fait inconnu, alors qu'à l'époque, Martine Aubry était en piste pour l'occuper et pouvait provoquer un effet repoussoir.
L'étrange étant que Jospin ne s'y voyait certainement pas quand il s'improvisa candidat en 1995 et fit une très bonne campagne qui manqua de peu de le hisser à la magistrature suprême, et s'y voyait au contraire en 2002, où comme on remplit une formalité, il fit une mauvaise campagne sur "l'âge du capitaine" qui, en plus de lui nuire par cette discourtoisie et d'être débordé sur sa droite et sur sa gauche par J.P. Chevènement et par Christiane Taubira, entraîna son élimination dès le premier tour, D'où je tire une sorte de théorème du "temps différé", qui dispose que c'est quand on croit ramasser le pouvoir qu'on ne peut pas le prendre et c'est quand on n'y croit pas, parce qu'on ne pense à rien de mal, qu'on devrait se baisser pour le ramasser.
Quant à Mélenchon que sa position de chef de parti a mis en pleine lumière, il montre un lyrisme populacier qui en fait un orateur postillonnant que sa violence rend trop perméable à l'exercice du pouvoir personnel basé sur la crainte et le culte de la personnalité. Comme tous les lyriques, il était en quête de sacralité et son républicanisme robespierriste lui a donné ce qu'il lui fallait de presbytéral, en sorte que les deux phrases par lesquelles il semble s'être ridiculisé, "la République, c'est moi" et "ma personne est sacrée", sont certainement l'expression de ce qu'il a de plus authentique. Mais je veux croire que, malgré sa propension au pouvoir personnel, il est trop soucieux de l'intérêt général pour se représenter en 2027 à 75 ans, non seulement pour commencer une carrière de dictateur comme disait l'autre, mais surtout après avoir tempêté contre la réforme des retraites. C'est certes une autre histoire et elle n'est pas encore écrite.
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