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mercredi 2 janvier 2019

Zola et Bloy

Baudelaire détestait Sand parce qu'en bourgeoise conciliante, elle ne croyait pas à l'existence de l'enfer. Pourquoi Bloy détestait-il Zola? Bloy voyait dans le christianisme une immense vengeance des pauvres consumant le monde. Le salut par le feu, à la Torquemada. Les écrivains plus doux et plus panthéistes comme Hugo et Zola sont volontiers socialistes et voudraient sauver le monde de façon plus accommodante pour la vie des hommes sur la terre. Bloy détestait Zola parce que sa bonhommie avait un couteau entre les dents. La formule n'est pas de lui, mais j'essaie de résumer avec mes mots ce que je comprends de l'aversion du "Désespéré" pour l'auteur de "La joie de vivre". Zola avait une folie destructrice un peu naïve. La folie de la bête humaine pendant ses crises. Bloy reprochait-il à cette folie d'être d'autant plus destructrice que naïve? Naïveté de Zola: dans le livre-testament de la saga des Rougon-Maquart, "Le docteur Pascal", Antoine Maquart s'enflamme d'une goutte de trop d'une boisson distillée. Le positivisme de Zola n'était pas antireligieux. Dans "Lourdes", Il fait preuve d'une vision très fine de ce que devient la vocation d'un prêtre qui, confronté au miracle, en perd la foi, parce que le miracle est tombé sur la femme qu'il aimait. Que fait-il? Il continue à être prêtre, par dévouement. Est-ce sordide? Bloy n'a pas eu de mots assez ordurier pour critiquer ce chef-d'oeuvre de zola. L'Occident contemporain veut des croyants non fanatiques, des catholiques agnostiques et des prêtres athées. Mais à se perdre dans ses paradoxes, l'Occident décline de ne plus être innervé par une religion acivilisationnelle, mais qui, parce qu'elle est celle de l'Incarnation, porte en elle un ferment de civilisaition. Pour Bloy, Zola a le tort d'être positiviste. On ne peut avoir un sens religieux qui tire à la religion de l'humanité. Le mouvement par lequel l'homme est fait Dieu par la vertu de la kénose est passif et ascendant. L'homme de l'humanisme qui se fait Dieu est assimilé par Bloy au suppôt de satan. Et de fait, l'humanisme "humilie" l'homme qu'il a divinisé jusqu'à souhaiter sa mort. L'homme n'est plus au centre du monde (Copernic), son âme ne gouverne pas son corps comme "un empereur dans un empire" (Descartes), sa raison est "la putain du diable" (Luther), l'homme est un animal qui a bien évolué (Buffon, Darwin), la société ne lui est pas un progrès et le surnaturel n'existe pas (Rousseau), il a du mal à maîtriser sa construction spirituelle, jouet qu'il est de son inconscient à la dégénérescence de la civilisation (Freud), l'homme doit renoncer à la beauté d'Apollon pour choisir un vitalisme dyonisiaque, cynique, carnassier et sans remords (Nietzsche) ou il mérite la mort (Foucault et le structuralisme). Zola accède même à un certain fantastique, présent dans son ouvrage si étonnant: "Le rêve". Mais le fantastique n'est pas du goût des apocalyptiques comme Baudelaire ou Bloy, qui sont des mystiques de la dévastation ou des mystiques dévastés, à qui la simple motion intérieure ne suffit pas,il ne leur faut rien de moins que l'échange des cœurs avec consomption de l'être fini qui reçoit le Cœur de l'infini. La nuit n'est pas le lieu du conseil du petit matin. Elle est celui de la ruine et de l'effondrement d'où l'on sort en lambeaux, un mémorial cousu dans son pourpoinct comme Pascal. Et pas d'humilité sans disparition. Zola n'est pas un écrivain mineur comme voudrait le faire croire Bloy, parce qu'il est un écrivain sans gravité. Dans son "Docteur Pascal", le héros médecin dépourvu de tare, censé sauver sa famille rongée par l'hérédité, se met à soupçonner l'amour et le détruit méthodiqument. Adieu, Clotilde, ciao bella! Et puis Zola décrit autre chose que lui-même. Bloy ne sait pas faire. Il ne décrit que l'émonctoire de ses ingratitudes. Bloy a toujours été un mendiant trop gâté.

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