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jeudi 4 août 2011

La primauté de Pierre

Dans l'evangile de ce jour (donné pour la forme ordinaire du rite latin), nous est rapportée l'institution de la primauté de Pierre et du pouvoir des clefs, donnée parce que Pierre, inspiré par le Saint-Esprit, est le premier à avoir reconnu l'Identité de Jésus, non seulement Christ et Messie, mais fils de dieu. Le christ semble ému de reconnaissance parce qu'Il a été Reconnu. La remise de l'eglise entre les mains de Pierre semble émaner humainement, en-deçà du Plan de dieu, d'un mouvement de reconnaissance, et l'on pourrait même aller jusqu'à dire d'un mouvement de reconnaissance mutuelle.


Aussitôt, voici Jésus qui se risque à donner à Ses disciples plus de détails sur ce que suppose la suite de Sa mission: la crucifixion et la résurrection. Comme on le sait, Pierre, pénétré de la toute nouvelle aura qu'il croit avoir acquise auprès du Seigneur en tant que chef de Son eglise, se met à protester vivement et à Lui faire de vifs reproches. Le christ l'éconduit vertement:
"Passe derrière moi, satan (vade retro satanas). Tes pensées ne sont pas celles de dieu, mais celles des hommes."


A ce stade, cet épisode est révélateur de ce qui semble devoir être une tension permanente dans l'histoire de l'eglise: le souverain pontife est dépositaire de l'autorité légitime; il est le gardien de la foi, mais son entendement défaille à saisir l'intégralité du dépôt sacré qu'il a entre ses pauvres mains d'homme, pour ne pas dire qu'il perd la foi, comme la Sainte Vierge à la salette en aurait fait l'abrupte prophétie:

"rome perdra la foi."

Ce disant, elle ne faisait que décrire ce qui s'était toujours passé: le gardien de la foi ne comprend pas toujours immédiatement par où passent les Voies de dieu, au point qu'on est obligé dans l'Eglise de distinguer le prêtre du prophète.


Si l'on entend par prophète celui qui reçoit des révélations privées de dieu (rarement), plus fréquemment du christ ou de la vierge, celui qui, paradoxalement, n'oblige pas la foi puisque la révélation est close, on s'aperçoit que ce prophète se pose assez souvent en opposition aux prêtres. Du moins les femmes prophètes (puisque le don de prophétie semble être devenu un charisme féminin, ce qui règle ipso facto, même si c'est un peu hâtivement, la répartition des sexes dans les charismes de l'eglise) disent-elles avoir à reprendre les prêtres de la part du christ, afin qu'ils deviennent plus saints.


Une fois remarqué que le gardien de la foi ne comprend pas toujours les voies de dieu, on n'en a pas fini avec le Mystère. Voici ce qui me semble être la fine pointe de celui-ci : c'est que le souverain pontife qui, dix-neuf siècles plus tard, sera déclaré infaillible, c'est que Saint-Pierre en personne s'illustre, lors de sa comparution devant le Sanhédrin, par ce célèbre adage qui pourrait passer, sinon pour un aveu de faillibilité, du moins pour une incitation à la désobéissance, disant:
"Il vaut mieux obéir à dieu plutôt qu'aux hommes" (Actes 5-29), comme si celui qui était réputé ne pouvoir faillir en ses déclarations dogmatiques ou en ses recommandations morales n'allait pas jusqu'à inciter à relativiser cette croyance, mais prévenait le "sensus fidei" qu'il l'emporterait toujours sur lui si jamais il le trouvait en état d'errer gravement. Certes, c'est assisté de l'esprit-saint que le souverain pontife exerce son vicariat du christ. Mais c'est aussi sous la motion de l'esprit-saint que saint-Pierre a fait cette déclaration devant le sanhédrin, dans l'une de ces situations où le christ en Personne avait prévenu ses martyres, Ses témoins, de n'avoir pas à se préoccuper de leur défense, puisque l'esprit-saint leur ferait trouver le langage adéquat pour y pourvoir.


Comment conjuguer tous ces mystères? Comment en faire une lecture catholique? En quoi continuent-ils de jouer de paradoxe pour notre temps? En quoi aussi ne les tirons-nous pas trop à nous si nous en tirons argument dans nos combats? En quoi cette tension entre la faillibilité apparente du pape et la déclaration de son infaillibilité d'une part, mais aussi la contradiction entre la dévolution du rôle de gardien de la foi à quelqu'un qui ne comprend pas toujours immédiatement quelles sont les voies de Dieu, ne contribuent-elles pas, voire ne sont-elles pas les garanties positives , du fait qu'elles prennent en compte les errances humaines, que l'eglise a bien les Promesses de la vie éternelle? Autant de questions qui me semblent intéressantes à ouvrir!

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