Je suis tombé presque par hasard sur « LE DIEU pervers » de Maurice Bellet. J’avais demandé que l’on m’envoie un ouvrage d’Olivier Legendre que je croyais s’intituler « Le Dieu pervers » et qui devait s’intituler en réalité «LES MASQUES DE DIEU ». DANS MON SOUVENIR, OLIVIER LEGENDRE répondait dans cet ouvrage à la question posée par une amie : « Pourquoi Dieu a-t-Il créé le fruit dont Il interdisait qu’on en mange et qui allait faire un tel ramdam dans le monde ? » On m’envoiya l’ouvrage de Maurice Bellet à la place sans m’expliquer qu’il y avait erreur et alors qu'il en était beaucoup question pour commenter les abus sexuels dans l’Église et la chute posthume de Jean Vanier.
Je prenais Maurice Bellet pour un auteur obscur et austère. Or son livre est cursif et limpide. C’est du Françoise Dolto à la puissance 10. Françoise Dolto écrit de la bouillie existentielle par rapport à Maurice Bellet, quine pratique pas l’escroquerie intellectuelle comme Tony Anatrella, commis à se servir de la psychanalyse comme d’une caution apologétique, pour recycler la morale de l’Église en ayant les déviances personnelles que l’n sait aujourd’hui et que quiconque l’avait rencontré n’avait pas de mal à deviner. À choisir, Maurice Bellet préférait s’inscrire dans le sillage de « la french theory » que de servir de récupérateur des sciences humaines pour les enchâsser et les baptiser en les forçant dans l’anthropologie de l’Église.
Son préfacier écrit de lui que c’est une espèce de Nietzsche dont le seul point faible, selon moi, est d’interpréter Jésus positivement parce qu’il a envie d’y croire, et de l’envisager comme un « thérapeute » dont tous les actes sont dévolus au soin, le métier que lui-même exerce.
Maurice Bellet n’hésite pas à faire une « psychanalyse de Jésus-Christ » ou plus exactement à énumérer les diverses interprétations psychanalytiques auxquelles a donné lieu la figure de Jésus-Christ. Il s’aventure presque jusqu’à psychanalyser les fonctions symboliques que la théologie assigne à Jésus comme Fils, au Père Qui est seul et n’appelle pas la compensation de la sexualité humaine, qui mêle amour et mort, et à l’Esprit.
La thèse de l’ouvrage est que l’homme doit moins se croire un être pour la mort que se réconcilier avec sa naissance. C’est la réponse que Jésus n’a pas donnée à Nicodème quand ce pharisien venu le voir de nuit lui a demandé comment on pouvait retourner dans le ventre de sa mère. « Le vent souffle où il veut » fait certes référence à l’Esprit, mais aussi à la course spermatique, et à la rencontre improbable entre un spermatozoïde et un ovule qui a donné naissance à un être unique, quel que soit le désir de ses parents que ce petit né d’eux ne s’élance dans une direction nécessairement décevante à leurs yeux, car il les continue sans tout à fait les imiter, les prolonge en vivant son histoire.
Pas de renaissance qui ne puise dans un amour de sa naissance, dans une réconciliation, dans une conversion du « malheur d’être né » en amour de la vie, qui ne prolonge la naissance et ne devance la résurrection en enjambant pour le présent l’enfantement de la mort, car la foi en la naissance l’emporte sur l’espérance en l’autre vie qui n’est pas autre, espérance qui sans amour de la naissance, est vaine.
Cette réconciliation dépend de l’ »inscription » d’une parole première qui agréée fondamentalement l’homme et qui l’assure que tout ce qu’il est mérite d’être, que tout ce qu’il dit mérite d’être dit. « L’abrupt », qui met l’homme face à ses insuffisances et à sa médiocrité, ne contrebalance pas cette bénédiction première, mais la met dans l’axe de transformation qui ouvre à l’homme un chemin d’homminisation. L’homminisation et l’humanisation passent par la conversion, pas moyen d’y échapper.
La bénédiction première et « l’abrupt » installent en l’homme une « coïncidence paradoxale » où il est béni, mais doit aller vers son cœur et le cœur de son désir. Née des divers détournements névrotiques qui se font jour dans les croyances d’un homme compte tenu de l’inscription traumatique des gestes terrifiants et des paroles malheureuses dans sa biographie, la suggestion perverse joue du paradoxe pour installer un « Dieu pervers » à la place du vrai Dieu qui nous veut aller vers soi, vrai Dieu dont il faut retrouver l’ »intervention » et la « parole actuelles », moins dans une Révélation dont l’inscription n’a pas été à l’abri de la suggestion perverse, mais dans ce qui fait « loi » au sein de la « coïncidence paradoxale », à l’intérieure de laquelle le « moi » qui est le mien va pouvoir prendre son envol selon son axe de développement.
Ce qui m’intéresse dans une réflexion embryonnaire que je mène ur le lien entre adoration du tout Autre et acceptation guérissante de soi-même au service de l’autre, c’est le statut de la Parole. Je m’étais toujours insurgé contre la tendance qui a eu cours, dans toutes les religions, à « éteindre la prophétie », à « éteindre l’Esrit » et donc à clore le livre sacré après avoir établi un canon des Écritures dont Maurice Bellet nous dirait que c’est une inscription graphique et qu’il faut retrouver l’inscription hors texte, la gravure dans notre cœur de ce qui fait loi pour nous, en symbiose ou en infraction partielle et adaptée avec les principes universels au service de l’accomplissement de toute personnalité. La loi est grammaire qui cherche son acceptabilité au-delà de ses régularités.
Maurice bellet paie de sa personne et se risque à cet hors-texte, allant jusqu’à retranscrire la Voie en une « parole actuelle » et non en un langage nouveau ; en un style à lui et non en une parole à lui ; non pour actualiser l’Évangile, mais pour le retranscrire dans les termes de la mentalité d’aujourd’hui où doit s’inscrire son intervention, mentalité qui tirer de l’ancien et du nouveau de cette retranscription de la Voie. Et la Voie tire aussi du nouveau de la mentalité où elle s’inscrit. La retranscription de Maurice bellet ne filtre pas « l’Évangile au risque de la psychanalyse », mais contient la psychanalyse et l’Évangile.
L’affranchissement de la loi est adaptation du principe à la personne pour qu’elle soit en vérité, comme « la morale » est « compréhension des actes humains », qui ne sont pas des « actes-choses »régis par des impératifs catégoriques, mais des modes d’être. Et si les Écritures sont closes, ne s’y ajoute pas seulement, dans le livre de vie, comme je le croyais, l’histoire sacrée qu’est chaque destinée individuelle, mais la parole intérieure, l’inscription de la Parole dans une intériorité, la Parole étant ce qui fait vivre, soustraction faite des suggestions perverses, ces mauvais fantômes et engrammages, ou ces programmations faites suivant un mauvais codage.
Si la loi, jusqu’à un certain point, est relative à chaque individu, si la loi est au service de l’homme et non pas l’homme au service de la loi, c’est que, de même que le fils de l’homme n’a pas une pierre où reposer sa tête, il y a une enfance de Dieu qui fait planer l’Esprit au-dessus d’un ciel sans loi pour que l’homme « sorte de ses enfances ». Je l’exprime sans doute d’une manière hermétique, mais qui restitue ce que j’ai vécu dans ma propre enfance, quand la Parole de Dieu planait au-dessus de moi pour que j’écrive en Le faisant parler, comme un amour précaire cherchant à convaincre qu’en sa réalisation était le bonheur de l’homme et le bonheur du monde, si la chair du monde retrouvait la création, son âme : la Création est l’âme du monde et le monde, le corps de la Création. Dieu me parlait comme celui qui ne cherche pas à imposer à son bien-aimé de retrouver son âme, mais qui tant qu’il ne l’a pas retrouvée, erre à ciel ouvert en cherchant où demeurer. Précarité de Dieu face à l’homme précaire, dans le sens où Malraux avait ravivé cette expression, pour qui « l’homme précaire » était l’homme de prière.
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