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mercredi 9 janvier 2019

Les gilets jaunes sont 5 étoiles

Mon croissant de lune, Je viens de lire ton poste sur les "Gilets jaunes". Ma critique de fond, qui concerne les derniers mots de ton texte, je te l'ai déjà adressée vertement et te la renouvelle : si tu t'extrais du destin national en tant que musulman et si tu exhortes ta communauté à en faire autant, à quoi bon revendiquer une appartenance à ce destin ? Tu te poses moins en "migrant absolu" qu'en conquérant qui mesure tes forces comme si l'autochtone était ton ennemi, et comme si tu attendais la bonne aubaine pour t'imposer sur fond de crainte. Heureusement qu'il existe des musulmans Gilets jaunes qui ne pensent pas comme toi et qui ont l'air intégrés à ce mouvement. Tu dis que ce mouvement a un fond droitier. Il en a toutes les apparences, mais il s'en est émancipé. Les apparences, c'est ce qui a commencé par me faire peur dans ce courant de manifestations et qui aurait dû susciter contre lui le parti pris médiatique, comme tu le dis. Tout à coup, ne se levaient plus des gens qui se contentaient de râler, réflexe gaulois s'il en est, mais ils râlaient aux commandes d’un bolide, d’une automobile, d'une "force qui va" et peut faire du vilain. L'automobiliste des années 2000, c'était le poujadiste des années 50 dont on pouvait redouter qu'il rentre dans le tas comme le camionneur de Nice. Or aucun gilet jaune n'a foncé dans le tas, mais on a foncé contre les gilets jaunes : d'abord une femme soi-disant prise de panique, et puis non pas un plombier, mais un routier polonais. Le pouvoir a accusé les Gilets jaunes d'avoir provoqué ces morts. Sur Twitter, un inconnu me prit un jour à partie, me croyant partie prenante de ce mouvement, et me dit qu'il commencerait à nous prendre au sérieux le jour où nous pleurerions nos mort. Ce jour est venu et on a arrêté Eric Drouet. Les Gilets jaunes sont un hybride, une population qui apprend à se connaître, qui commence à faire vivre la primauté de la fraternité dont j'avais écrit un jour alors que tu préfères garder la "passion de l'égalité" d'un Robespierre, primauté que mon cher abbé de tanoüarn a pensée dans un livre sans que je lui aie donné le tuyau, mais les idées circulent par des circuits d'époque dans des esprits qui ont quelque chose en commun. La fraternité fait son chemin sans les incantations de Ségolène qui parlait d'"intelligence collective" en scandant "fra-ter-ni-té", contre le machinisme au pouvoir qu'est l'idolâtrie ressentie par la "start-up nation" pour l'intelligence artificielle. Les Gilets jaunes sont la coalition de ceux qui vivent en france et qui croient en un "avenir en commun", pour parler comme Mélenchon, dont bien des idées ont été reprises et copiées-collées par ceux qui avançaient des revendications : l'appel à une assemblée constituante ou à un référendum révocatoire, le reste étant puisé dans l'escarcelle de Marine Le Pen et de sa "république référendaire" à laquelle les médias ont fait semblant de ne jamais rien comprendre. Tout le fond politique est donc issu de ces deux franges du populisme démocratique, c'est-à-dire de la démocratie directe, que tu as toujours sous-estimée. Je suis heureux que l'utopie à laquelle j'ai cru toute ma vie trouve enfin droit de cité, à la suffocation des Michèle Cotta ou des François de Closets, experts fatigués, mais que l'on invite quand même pour commenter le monde qu'ils ont fait et qui se défait, et dont il est humain qu'ils ne veuillent pas voir le crépuscule. Alors, de droite, les gilets jaunes ? Oui parce qu'ils sont une force. Oui aussi, parce que symboliquement et au moins au départ, ils sont assez riches pour avoir une bagnole. De là, j'en ai déduit moi aussi qu'ils représentaient la révolte de la classe moyenne, et je me suis senti flatté que le même jour, Jacques Julliard appelle cette révolte "le mai 68 des classes moyennes". Sauf qu'il n'avait pas assez travaillé sa sociologie des ronds-points et moi non plus. Dans les ronds-points, il y a beaucoup de travailleurs pauvres et de pauvres retraités. Ils demandent du pouvoir d'achat, donc de l'argent. Demandent-ils une baisse de la dépense public ? Ils demandent une réduction du train de vie de l’État, et surtout du train de vie des politiques, pour avoir plus d’argent disponible au service du public. Tout ça, c’est de l’argent, l'argent est de droite, donc les gilets jaunes sont de droite. Je simplifie ta pensée, avant d’avancer une inflexion. Tu dis que la gauche en a assez fait, tant sur le plan social que sociétal. Sociétal, oui ; quant au social, la gauche s’ouvrant à l’économie de marché a libéralisé l'économie. Ou plus exactement, elle a fait surgir cette chimère qu'est la bureaucratie libérale aggravée d'être européenne. La gauche a été sociale démoocrate, c'est-à-dire qu'ouverte à l'économie de marché, elle s'est satisfaite des inégalités salariales et de revenus, se réfugiant dans une idée du progrès dont elle croit avoir le monopole, et sur laquelle elle joue ce que j'ai toujours appelé son univocité culturelle, dénuée de tout pluralisme. Vois ce qui se passe avec la démocratie directe, que la gauche préférerait cantonner à la démocratie participative, rien n'est encore gagné. Débordée, la sociale démocratie accepte le principe du RIC à condition qu'on ne revienne pas sur ces acquis des Lumières que seraient l'abolition de la peine de mort, la libéralisation quasiment sacralisée de l'avortement et le mariage pour tous. Telles sont les lignes jaunes que le macronisme qui se prend pour un progressisme prétend imposer aux Gilets jaunes, à quoi même les communistes sont tentés de répondre : "Mais pourquoi donc ?" La droite détient la clé de la caisse et la gauche se pose en gardien du temple du progrès culturel. La tendance frériste que tu incarnes sans qu'elle te délimite est islamo-conservatrice comme la démocratie chrétienne est centriste. Tout cela semble dépassé, au moins pour un temps de frénésie, d'utopie et de rêve. Mélenchon n'a pas compris qu'il devait faire le front des populismes parce qu'il reste plaqué sur une vieille logique antifasciste. Entre le libéralisme et le fascisme, il a choisi le libéralisme. Au contraire, l'extrême droite a renoncé à l'anticommunisme. Tu dis qu'en Italie, ce sont les thèmes de la Lega qui sont prédominants. Sur le plan du discours, peut-être. Sur le plan du budget, il ne semble pas. Il semble que les travailleurs pauvres en ressortent gagnants. Etant précisé que le mouvement cinq étoiles est en marge de la France insoumise ou de Podemos, n'est pas d'extrême gauche. C'est ce mouvement et LUiggi di Maio beaucoup plus que Matteo Salvini qui tend la main aux gilets jaunes, non pas pour une Europe de l'ethnicisme, des identités et du fascisme, bien qu el'identité ne soit pas un impensé de cette alliance comme elle en est un pour Mélenchon, mais pour une "Europe de la démocratie directe", cela a été dit explicitement par di Maio. Eh bien moi, je suis pour cette Europe-là. Andiamo, croissant de lune. Toujours, la vie reprend ses droits. Ton torrentiel

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