Pages

dimanche 27 janvier 2019

Le "librement correct"

Commentaire au billet éponyme de Philippe Bilger. https://www.philippebilger.com/blog/2019/01/pour-le-librement-correct-.html "Considérer qu'il n'y a pas de fond qui soit à ce point correct que sa contradiction serait indécente, est la base de la liberté d'expression." Quand j'étais petit, ma grand-mère abusait du mot "correct" et faisait claquer ses deux dernières consonnes comme le cliquetis d'une ceinture de chasteté. De là, je m'avisai un jour de consulter le sens du mot "correct" dans un petit Larousse en treize volumes (en Braille) dont mon père m'avait fait cadeau.Ce petit Larousse (édition 1963, placé sous la direction du lexicographe Paul augué, je cite de mémoire) était laconique (tout le contraire de moi). Sous l'entrée "correct", on pouvait lire: "conforme aux règles", c'est tout. Le "politiquement corect" dans un langage non connoté par les débats américains consisterait donc à penser conformément aux règles de son esprit et d'une certaine bienséance démocratique qui donne droit à la pensée de l'autre, et républicaine pour que notre pensée ne soit pas un pur solipsisme, mais s'exerce en vue de la poursuite du bien commun.Le "politiquement correct" tamisé par les interdits mentaux de l'autocensure américaine est devenu une sorte de conformisme de l'avant-garde, de la transgression des préjugés et des normes établies, et de l'antidiscrimination, cette dernière étant nuisible à la pensée, car la discrimination comme faculté de différencier est la base de l'intelligence. Comme la culture est l'art des rapprochements, de faire du lien, ce qui en fait une religion de substitution, une religion laïque, le substrat spirituel de la civilisation post-chrétienne, le christianisme étant profondément acivilisationnel et connaissant de nos jours un retour à ses sources métaphysiques: le christianisme est anticulturel du fait de la malédiction des savants. L'anti-politiquement correct me paraît un conformisme de l'anticonformisme. Je suis toujours curieux de connaître votre définition de l'attitude et de l'esprit "réactionnaire". Votre "librement correct" consisterait donc à observer la règle de sa liberté de conscience, en s'interdisant toute autocensure dans la pensée, mais en respectant une certaine politesse du langage qui bannisse la vulgarité et donc l'insulte, la malédiction ou l'appel au meurtre et à la suppression de ladversaire. (Le démocrate ne fait acception de personne et ne veut pas la mort du pécheur, le pécheur étant, comme il se doit, celui qui ne pense pas comme nous...) Personnellement, je préfère convoquer la politesse plutôt que "l'infraction". La politesse est un rempart contre la violence. Elle nous sauve de tous les bannissements que pourraient nous valoir nos inconduites -et je parle en connaisseur, car "je me suis très mal conduit" comme l'écrit Gabriel Mazzneff, bien que ce soit pour d'autres raisons que les siennes-. La politesse lisse notre réputation et notre rapport aux autres qui redevient respectueux, sitôt l'orage passé des incompréhensions inévitables et retombée la foudre de nos esprits éruptifs échauffés. La politesse préserve des "infractions". La politesse étant sauve, il ne devrait pas y avoir de délit d'opinion. Mais la politesse n'est pas à la portée de ceux qui ne maîtrisent pas le verbe. Il faut donc accorder des circonstances atténuantes à ceux-là.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire