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lundi 2 avril 2018

Pâques et la liberté du récipiendaire


N. avait émis des réserves quant à l’exploitation de la figure du héros, Arnaud Beltrame, par les médias qui sont une fabrique de figures, au bénéfice d’une France qui a besoin de héros comme elle a besoind’ennemis, et qui pleure à peine les victimes du quotidien ou les victimes du bataclan.  De fait, la vie donnée d’Arnaud Beltrame embarrasse aujourd’hui Julie pour qui il l’a donnée et qui vit cloîtrée, bouleversée, surveilléeet ne sachant quoi en faire. C’est tout le dilemmedu christianisme à l’égard de Pâques : « Ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne. » « J’ai le pouvoir de donner ma vie et le pouvoir de la reprendre ensuite. » Liberté souveraine du donateur qui n’interroge pas la liberté limitée du récipiendaire, lequel pourrait aisément ajouter au banal (mais combien nonchalant, désinvolte, ingrat, désespérant et désespéré) : « Je n’ai pas demandé à naître », « Je n’ai pas demandé à ce que tu donnes ta vie pour moi. » En valeur absolue, le récipiendaire est embarqué dans un processus où il n’a pas la liberté de ne pas recevoir. Mais qu’il reçoive est la condition de la suite, de la Pâque, de ce que notait H. à la fin de son commentaire de l’Evangile sur les disciples d’Emmaüs : « Dans le texte, il n’est fait mention d’aucune auberge où rester avec eux pour celui que les disciples d’Emmaüs ont invité et n’ont pas encore reconnu à la fraction du pain carils n’ont pas encore partagé un repas avec lui. C’est qu’il devient l’hôte de leur cœur. » Pâque, a-t-il quasiment conclu, c’est le passage du « Où demeures-tu ? » qui ouvre l’Evangile de Saint-Jean non sans que Jésus se plaigne : « Le Fils de l’Homme n’a pas un endroit où reposer sa tête », à un :  « À présent que je suis ressuscité, si vous m’aimez, je viendrai demeurer en vous, et je serai pour toujours avec vous. » Pâque, c’est un passage du désir de l’homme d’habiter avec Dieu, d’habiter près de Dieu, d’ »habiter la maison du Seigneur tous les jours de sa vie » au fait que Dieu devienne « l’hôte intérieur » de celui qui lui ouvre son cœur. 

 

À quoi cela tient-il ? On passerait à côté de la réponse si on se limitait à cette remarque triviale que le Corps du rEssuscité s’est affranchi des limites du Corps physique et qu’Il est ressuscité comme on monte au ciel. Mais la Résurrection réalise la finalité de l’Incarnation : le Verbe est descendu du ciel pour que le cœur devienne ciel et pour que, même au sein de la résurrection de la chair, présente et à venir, le ciel soit moins un lieu qu’un état qui traduise l’état du cœur. Mais ce passage des temples païen ou du temple de Jérusalem au sanctuaire du cœur,  de la piété publique à celle des « adorateurs de Dieu en esprit et en vérité », des sacrifices de propitiation au sacrifice du cœur brisé de Dieu qui se réconcilie la création en déjouant ses forces de destruction, ou encore de la fausse alternative entre la transcendance et le panthéisme où Dieu est immanent à l’univers au choix du cœur, passe par le  processus pascal où le récipiendaire doit commencer par renoncer à la liberté de ne pas recevoir et à la protestation de ne pas avoir demandé à être sauvé et que le cadeau de la vie de dieu est bien pesant, à l’acceptation intérieure de ne pas avoir été créé pour jouir, mais pour être en relation, dans un dépassement de sa nature individuelle d’être de captation pour entrer dans la vie de la Grâce du choix du don et de l’accueil.

 

Pourquoi un itinéraire si compliqué, si difficile, et qui implique au commencement une limitation de la liberté par laquelle on doit recevoir si on veut avancer, on doit signer lecontrat vital… ?

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