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jeudi 19 avril 2018

QUAND LA CONTESTATION DÉPASSE LES CONTESTATAIRES !


Il ne faut pas redouter la chienlit, elle nous protège.

 


 

 

Chers billettiste, lecteurs et commentateurs,

 

Ce " prurit de contestations dont on ne sait plus trop bien ce qu'elles dénoncent", ne doit-on pas lui mettre en parallèle une confusion d'humeur louangeuse dont on ne sait pas bien ce qu'elle approuve ? Et les "insupportables déréglements sociaux et professionnels" n’ont-ils pas été provoqués par la déréglementation des professions réglementées qu'au titre de l'application du rapport Attali, mais aussi de la feuille de route de la Commission européenne, Emmanuel Macron a méticuleusement portée ?

 

Je dois reconnaître au président de la République que, dans sa volonté de restaurer "l'autorité de la démocratie" contre le risque de "démocraties autoritaires" ou "illibérales" -un de ces néologismes dont il raffole et qui dans sa bouche est synonyme d'" anti-individualiste »-, il refuse courageusement d'être une "machine à supporter toutes les interpellations", c'est-à-dire qu'il signifie qu'on ne doit pas attraper un président de la République par la manche avec un irrespect qu'on n’aurait pas pour un directeur d'école. Mais l'exercice de cette autorité est anachronique, pratiqué par le garant de l'organicité sociale, qui ne comprend précisément pas le caractère organique de la société, et qui brise les joyaux du patrimoine de la solidarité nationale.

 

Les " cheminots " "ignorent" "les étudiants » ? N'en a-t-il pas toujours été ainsi ? N'en fut-il pas de même en 1968 quand les ouvriers et le parti communiste ne trouvait pas très sérieux ce monôme sociétal avant la lettre, annonciateur de la dérive que connaîtrait le parti socialiste quarante-cinq ans plus tard, avec l'irruption du "mariage pour tous" comme priorité du quinquennat de François Hollande ? En 2005, les faiseurs d’opinion et Nicolas Sarkozy lui-même qui s'en servit comme tremplin pour avoir la peau de son rival Villepin, firent les yeux doux aux contestataires du CPE. Or ceux-ci, avec Bruno Julliard à leur tête, étudiant attardé qui juré craché ! ne ferait pas de politique et qu’on retrouva conseiller à l’Éducation nationale de Martine Aubry première secrétaire du PS, n’agissaient-ils pas beaucoup plus que nos bloqueurs d’aujourd’hui, au rebours de l'intérêt des salariés et des actifs de leur âge, qu'ils privaient d'un contrat qui leur aurait permis d’entrer dans l’emploi tout en faisant mécaniquement baisser le chômage des jeunes ? Ces étudiants d'il y a dix ans, à qui les médias faisaient la courte échelle,  étaient beaucoup plus nocifs que les agitateurs d'aujourd'hui, non qu'en s'opposant à une sélection minimale et nécessaire, ces derniers comprennent ce qu'ils font, mais ils sont l'avant-garde du service public, combattant consciemment pour la sauvegarde de ses acquis sociaux, comme s'il devait exister des droits acquis dans une République fondée par et sur l'abolition des privilèges ; mais combattant inconsciemment pour la sauvegarde de ce service public de la société par l’État, qu'une droite idéologiquement opposée à l’existence même des fonctionnaires a eu beau jeu, jusqu'à Fillon lui-même, d’attaquer comme un corps paresseux et non dévoué à sa tâche, mais dont on voit, maintenant qu'il n'y a plus personne dans les petites gares pour faire monter les personnes âgées et les handicapés, qu’il n’y a pas assez de policiers, pas assez de juges et que les tribunaux d'instance ferment à tour de bras, pas assez de personnel soignant, quelle déperdition est la casse de ce service public par l'ingénierie sociale des ronds de cuir, précurseurs de l'"et en même tempsisme (et tant pisme)" d'une République de la proximité qui s'éloigne ou de la "santé qui n'a pas de prix, mais a un coût", et qui prévoient un redéploiement partout, sauf dans l’ingénierie sociale...

 

Alors bien sûr, les cheminots ignorent les étudiants, mais ça ne compte pas. Il vaut mieux écouter les postiers qui, au coude à coude avec les cheminots, nous explique que la SNCF qui devient une société anonyme finira comme la poste qui ne distribue plus le courrier et n'aide plus ses usagers vulnérables à remplir un formulaire. Il faut entendre ces fonctionnaires qui nous rappellent qu’un statut protecteur et avancé des agents de l’État est la garantie d’un niveau élevé de qualité du service public. Il faut considérer ces soignants qui, dans l'émission "Les pieds sur terre" de ce jour, mettent Martin Hirsch devant ce bilan calamiteux et pire que celui de Stéphane Richard à France télécom, que cet ancien directeur du cabinet de Bernard Kouchner s’étant perfectionné au service de l’abbé Pierre, ce paupérocrate à la sauce Emmaüs, a causé le plus grand nombre de suicides qu'on n’ait jamais enregistré dans le personnel de l'assistance public hôpitaux de Paris (APHP). Je constate que les médecins de ville ne visitent plus leurs malades, même ceux qui ne peuvent plus se déplacer. Accompagnant il y a deux ans ma très proche, ayant perdu la vue et qui se paraparésiait, j'ai assisté à cette scène ubuesque et inoubliable de cinq cadres de santé compétents, bienveillants et au bord des larmes d’une clinique privée, qui refusèrent car c’était la loi du système, de la garder le temps qu’une solution soit prête pour l’accueillir à domicile, et qui prétendirent nous convaincre que la meilleure chose que nous ayons à faire était de rentrer chez nous, alors même que les infirmières à domicile nous avaient fait savoir par téléphone devant ces cadres de santé que nous avions pris à témoin, qu'elles n'assureraient pas la prise en charge médicale de ma compagne, qu’elles estimaient trop lourde.

 

Que dire après cela ? Faut-il laisser la France se tiers-mondiser et devenir une favela sans solidarité ? Le président de la République se frotte les mains parce que la promesse de la sociale démocratie de niveler la condition des salariés par le haut est intenable, la sociale démocratie étant le bras gauche de l'individualisation de la société dont le libéralisme cyniquement économique est le bras droit. Ce n'est pas parce que cette contestation sociale fait quelque chose qui la dépasse qu'il faut jeter le bébé de ce qui l’agit par-devers elle et de ce qui nous rassemble comme peuple et comme société politique avec l'eau du bain de méthodes d’expression d’une saine colère que, même dans le village d’Astérix, on aimerait voir plus matures et surtout plus opérationnelles. Et si, comme le disait Michelet, la France, au-delà d'être un peuple de râleurs, demeurait malgré tout "la Révolution » ?

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