- Le
mauvais procès fait à Tariq Ramadan sur le moratoire est typique de l’incompréhension
dans laquelle l’opinion publique est alimentée en démocratie, par une
presse qui l’y encourage volontairement, à ne pas faire l’effort de
comprendre la logique de son interlocuteur. Il ne s’agit pas de ne pas « s’en
laisser imposer par les mécréants » à propos d’une religion qui n’est
pas la leur, mais en effet de « discuter entre soi », pour
obtenir entre cheikh et oulémas un accord canonique visant à savoir si une
loi islamique est abrogeable ou non. Tariq Ramadan avait pris soin de dire
qu’à titre personnel, il était contre la lapidation des femmes. Et il
proposait qu’un moratoire soit observé dans la totalité de l’oumma, de la « nation
islamique » ou de la « communauté des croyants », le temps qu’ait
lieu cette discussion canonique, dont l’issue n’aurait eu aucune influence
sur les lois de la République française, qui s’imposent aux religions du
fait de la laïcité, outre que la charia n’est intégralement appliquée dans
aucun pays islamique – il faut sortir des fantasmes -.
Que je sache, on n’a jamais
demandé au judaïsme rabbinique de se prononcer sur les lois sur la lapidation
qui figurent dans la Torah, et qui restent en vigueur même si on ne les
applique plus, donc à l’égard desquelles est observé une sorte de moratoire
pratique, dont j’aimerais être sûr que les juifs orthodoxes n’y dérogent pas
dans leurs enclaves.
- Tariq
Ramadan a, dans le paysage francophone et anglophone, un statut totalement
inédit : celui d’un intellectuel télé-évangéliste (ou télé-islamiste).
À partir de là, plusieurs questions se posent :
- Qui lui a conféré ce
statut ?
Est-ce lui qui
a repris les méthodes de Khomeini pour répandre sa « bonne parole » à
partir de cassettes comme celles que l’ayatollah enregistrait depuis Neauphle-le-Château
sans que le shah d’Iran s’en inquiète, bien que Giscard l’ait prévenu,
affirme-t-il dans le pouvoir et la vie.
Ou sont-ce les
intellectuels ayant voix au chapitre qui l’ont reconnu pour l’un des leurs tout
en l’excluant, et dont on peut se demander pourquoi ils acceptent de discuter avec
un télé-évangéliste islamique, qui se place de fait dans une autre sphère du
débat démocratique, serait-il par ailleurs professeur d’Université en Suisse et
en Grande-Bretagne (aux titres
controuvés comme ceux de l’ex-grand rabbin Gilles Bernheim) ?
- La même question se pose à
propos de son public.
Le paysage
intellectuel français (PIF) le prive-t-il de penseurs de qualité pouvant se
confronter aux intellectuels médiatiques, ou ce public a-t-il besoin de prêcheurs,
ce qui accuserait un manque de maturité politique et religieuse ?
Le violentisme
de cette immaturité est ici aggravé de l’incapacité où se montre ce public à
envisager que les accusations dont Tariq Ramadan fait l’objet soient vraies,
mais surtout des menaces et intimidations dont il fait preuve à l’égard des présumées
victimes de leur télé-évangéliste préféré.
3. Terminons en notant que les télé-évangélistes comme les leaders
charismatiques et autres gourous, ont souvent été impliqués dans des affaires
de mœurs et d’agression sexuelle, comme si l’ascendant qu’ils exercent devait
passer de l’esprit à la chair, par des voies dont je voudrais être une petite
souris pour savoir de quel prétexte ils se servent pour convaincre leurs pratiques
de manquer à la piété et de passer à la casserole…
Transmis par le Croissant de lune.
RépondreSupprimerMon Torrentiel, merci de rompre ton long silence.
S'agissant du statut de Tariq Ramadan, il n'est pas reçu comme prêcheur, enfin, pas comme d'autres Musulmans ou des télé-évangélistes, il est reçu aussi comme un intellectuel. La réalité est que l'influence et la réception de Tariq Ramadan était tombée assez bas, il fut plus célèbre dans les années 90. Ou bien, plus précisément, certains ont admiré le voire donner de la tablature sur certains plateaux à d'autres orateurs adversaires, un peu comme un boxeur sur un ring. Mais d'autres dont je suis n'ont pas trouvé digne de se commettre avec des faussaires genre Erik Zemmour et valider par là même son discours anti-musulman haineux.
Je ne suis pas sûr qu'avant les récentes affaires, on pouvait parler d'un public important de Tariq Ramadan, en France tout au moins. Il a probablement publié le plus grand nombre de livres, il a beaucoup écrit, mais dans la dernière décennie, la toile a permis une grande concurrence entre orateurs, souvent hostiles à Tariq, on se dirait bien qu'il y a un peu de jalousie, mais des concurrents parfois de faible valeur, puisque tout passe sur internet.
Non, le public Musulman qu'il soit réellement pro-Tariq auparavant mais le public Musulman plus large, s'est réveillé lors des affaires récentes, en fait, lors de la détention préventive qu'on trouvera quand-même abusive dans ce genre de plainte sans preuves matérielles. Et le public qui soutient la libération de Ramadan et une égale médiatisation de sa défense n'est pas que de Musulmans, il ne le fut pas ainsi depuis le début et il s'élargit davantage maintenant.
Je voudrais bien qu'il n'y ait que violentisme internautique des soutiens de Ramadan contre les plaignantes, mais hélas, il y a aussi un violentisme de Musulmans et d'autres hostiles à Tariq et sourds à tout argument. Nuance, donc. Et personellement, la troisième plainte a achevée de me convaincre de l'artificialité de ces affaires, la première déjà, celle d'Hemda Ayari était douteuse, mais la troisième alors là! Et il n'y a pas de quatrième plainte, les médias Français l'ont annoncé mais ce n'était qu'une plainte téléphonique pas encore déposée, peut-être un hoax en Amérique.
Non, j'apréhende le sort de Tariq Ramadan gravement malade semble-t-il, hospitalisation prolongée, faut plus rigboler, là! La peur me prend qu'il ne meure en prison avant qu'au cune affaire ne soit jugée ou bien, avant que la totalité des affaires soient jugées, ce qui peut prendre du temps attendu qu'on peut en susciter de nouvelles. Attention, ça peut devenir un fâcheux précédent, et sceller avec d'autres dispositions et lois dans les tuyaux, la fin de la démocratie, la fin de la libre information et expression, voire le retour à l'arbitraire, il faut se frotter les yeux maintenant!
Je voudrais bien me tromper, je t'assures, hélas, hélas.
Croissant de lune.