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lundi 4 juillet 2022

L'innocence divine et l'innocent châtié

Je vous recommande ce billet de Philippe Bilger, d'une très grande sensibilité, assorti de ce mien commentaire beaucoup plus fruste:


Justice au Singulier: Woody Allen invente le licenciement divin... (philippebilger.com)


Ah, que j'aime votre billet, cher Philippe.


Pour commencer de le commenter de manière mondaine, je rappellerai que Laurent Dandrieu a écrit un livre sur Wa, intitulé "L'antimoderne". Je n'ai pas lu ce livre, mais j'ai eu le privilège de partager la table de Laurent Dandrieu, un homme très discret, assez solitaire, beaucoup moins flamboyant que moi dans sa manière de manger, de boire et de converser, mais très profond, qui nous dit qu'étant déjà un critique de cinéma expérimenté, il ne se voit plus s'infliger des films qui lui font perdre du temps, et WA n'est précisément pas un de ceux-là, c'est en quelque sorte un maître à vivre pour cet autre anti-moderne qu'est Laurent Dandrieu.


Francis James repris par Georges Brassens dit en un mot le plus grand scandale qu'on peut reprocher à Dieu de son vivant, tant qu'on n'en a pas la claire vision: "Pourquoi l'innocent bafoué, pourquoi l'innocent châtié?"


Ce n'est pas vous, Philippe, ni moi, qui, non contents de ne pas avoir demandé à naître, auriez imaginé qu'accédant à l'existence, vous devriez vous coltiner la responsabilité du péché originel de vos premiers parents à nous transmis. Ces parents que la psychanalyse (et c'est la pire de ses déconstructions, le plus grave de ses torts) nous a appris à déshonorer, en transgression du quatrième commandement, le seul assorti d'une promesse (non tenue): "Honore ton père et ta mère pour avoir longue vie sur la terre."


La liberté de l'homme, oppose-t-on au mystère du mal, quand du moins on essaie de le sonder, ce qui est à l'honneur des hommes d'Eglise qui le font. Tintin, oui. Surtout lorsque saint Augustin complète ainsi: "Dieu qui nous a créés sans nous ne peut pas nous sauver sans nous." Ah bon, il peut l'un et pas l'autre? Et ceci encore: Dieu nous a créés par amour, mais Il va nous juger. Juge-t-on ce qu'on aime? N'a-t-on rien de mieux à faire?


Un prêtre que j'aime beaucoup et qui a le discours le plus élaboré sur les fins dernières parmi ceux que j'accompagne pour des cérémonies de funérailles dit que toutes les religions s'imaginent un jugement dernier, donc que c'est une vérité anthropologique. Mais, rappelant la célèbre parole de saint Jean de la Croix, il ajoute que nous serons jugés sur l'amour, celui que nous avons donné et celui que nous avons reçu, car on ne peut donner que ce qu'on a reçu, affirmation qui me laisse perplexe. Mais il a raison d'ajouter que le véritable amour n'est ni dévorant ni fusionnel et qu'on ne peut pas éviter le combat contre soi-même. C'est sans doute la seule réponse à nos questions sans réponse. Je m'enlise de vouloir éviter ce combat. Et s'enliser, c'est enliser les autres.


Mais Dieu nous a envoyés son Fils pour nous sauver. Il s'est vidé de sa substance divine et s'est fait homme, "à l'exception du péché". Comme me le disait un chef de choeur que j'appréciais beaucoup, "nous ne sommes pas à un oxymore près." En effet, la nature humaine n'est pas déchue, mais elle est à demi pécheresse. Je crois dans la lutte avec l'ange, mais à la fin, ma raison s'inclinera, car je verrai Dieu, l'insensée bonté de Dieu, son Amour qui jettera bas toutes mes prises de bec intellectuelles qui ne m'en donnent pas la moindre idée.


Autre question que je suis à ma connaissance le seul à poser depuis plus de trente ans. Le même saint Augustin a imaginé un enfer d'éternelle combustion sans consomption, autrement dit un feu qui ne s'éteindra jamais et n'aura jamais fini de nous brûler. Mais un Dieu qui admettrait un enfer pareil serait pire qu'Hitler et que ses fours crématoires, qui n'a, somme toute, que métaphorisé cet enfer chrétien...


Dieu pardonnera aux hommes tous leurs blasphèmes et tous leurs sacrilèges, promet Jésus dans l'Evangile, à l'exception du péché contre l'Esprit. Qu'il Lui plaise que je ne l'aie pas commis, mais je sais que je ne l'ai pas fait. Je Lui fais confiance pour m'en préserver. 

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