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samedi 9 juillet 2022

Un amour qui justifie?

Les Evangiles ont cela d'extraordinaire qu'à chaque fois qu'on les lit, on en découvre un aspect inattendu.


Aujourd'hui, pour moi, dans la parabole du bon Samaritin, pourtant connue et ultraconnue, mâchée et remâchée, jusque dans l'inversion de la question de "Qui est mon prochain" en "Qui a été le prochain de cet homme", m'interpelle le motif de la question du scribe qui pinaille: "    Mais lui, voulant se justifier,

dit à Jésus :

« Et qui est mon prochain ? »


Il n'a pas la présomption du jeune homme riche, promettant, insatisfait, que tout cela, honorer son père et sa mère, ne pas voler, ne pas tuer, ne pas commettre l'adultère, il l'a observé depuis sa jeunesse. Il l'a observé, en est-il certain? Il l'a observé et cela ne l'a pas rendu heureux? Il l'a observé et cela ne lui a pas suffi? Il l'a observé et ne s'est pas senti justifié par l'accomplissement d'une loi qui était pourtant tout près de son coeur, comme le dit le livre du Deutéronome que la péricope nous donne à lire en première lecture de ce dimanche?


Mais ce scribe ne jurerait pas comme saint Thomas d'Aquin ou comme Jean-Marie Le Pen qu'il vaut mieux préférer ses soeurs à ses cousines et ses cousines à ses voisines. Il ne sait pas qui est son prochain. Il ne s'appartient plus, il n'appartient même plus à sa tribu. Si le Maître lui avait dit de prêcher premièrement aux habitants de la maison d'Israël, pas sûr que ce scribe devenu disciple aurait été content de l'ordre. C'est un scribe un peu cabochard et cosmopolite, un scribe qui ne trouve pas évident d'aimer son prochain, qui ne voit pas de quoi il s'agit, et qui pourtant perçoit, comme le jeune homme riche, qu'aimer devrait suffire, qu'aimer devrait nous justifier, même sans la précaution de voir Jésus derrière le prochain qu'on aime, mais ce n'est pas évident d'aimer, sous-entend le scribe.


Et d'ailleurs Jésus le lui confirme. Il l'emmène hors de son cadre et lui raconte l'histoire d'un homme qui n'est pas lui et dont des bandits n'ont pas pensé un instant à se faire les prochains, les camarades de vie, qu'ils n'ont pensé qu'à dévaliser et à laisser pour mort. Pourquoi ces bandits n'ont-ils pas été les prochains de cet homme? Pourquoi suis-je le bandit de mon prochain? Puis-je cesser d'être un bandit de grand chemin? Puis-je m'en sortir? 




Il se peut bien que la réponse n'aille pas de soi, il se peu à condition de laisser Jésus faire et tenir les cordons de ma bourse, déterminer ce que j'aurai mérité quand j'ai cru démériter et ce en quoi j'ai démérité quand j'ai cru acquérir des mérites. Je dois non seulement Le laisser tenir les cordons de ma bourse, et L'instaurer juge de mon existence, mais je dois me décentrer du service de mon prochain. Je dois m'en remettre non pas même à Jésus, mais à l'aubergiste pour le soin de mon prochain samaritin. A lui les soins du quotidien, à moi le pécuniaire, donc le superflu, ce qui ne compte pas, le geste de "grand seigneur" que l'on n'emporte pas au paradis. A moi certes l'élan des premiers secours, celui qui me pousse à penser qu'il n'y a qu'une chose à faire, que j'y arrive ou pas, que je le fasse bien ou non: c'est de prendre soin de mon prochain, c'est de désirer le faire ou l'avoir fait, c'est de vouloir l'aimer et cela me justifie, non pas parce que Jésus me surveille du coin de l'oeil et qu'Il regarde derrière moi, mais parce qu'IL veille sur mon désir, IL garde mon désir, Il clarifie mon regard, Il transforme ma volonté en Sa Volonté en exaucement du "Notre Père"." Il me demande de rester vigilant et c'est Lui qui veille sur moi. 

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