Pages

lundi 4 juillet 2022

Dieu, essence et langage

Suite du dialogue précédent.


@Tipaza,


Vous ne semblez pas croire au diable, et pourtant mes tourments me persuadent qu'il existe un ennemi de nos âmes, qui ne veut rien de moins que leur destruction pure et simple, que cet ennemi soit allégorique, symbolique, métaphorique ou réel. Mais nous ne pouvons pas projeter notre propre mal à notre propre encontre, sinon peut-être à travers notre cerveau reptilien et les pensées rampantes qui le parasitent, comme sainte Thérèse d'Avila en parle très bien dans les "premières demeures" de son "Château intérieur". 


J'en veux à Gainsbourg qui m'a choqué par cette seule saillie (et par le fait qu'il ait demandé le concours de sa fille Charlotte pour consommer un "inceste" au moins artistique et d'autant plus réel qu'il se voulait symbolique): "Je ne crois pas en Dieu, mais je crois au diable." Et aussi parce qu'à deux jours de regagner Paris pour y mourir, il s'était installé dans l'hôtel de Vézelay sans mettre un pied dans la basilique, un des plus beaux lieux qu'il m'ait été donné de découvrir sous le ciel. Rien que pour cela, je pardonnerais à la Nièvre de s'être donnée François Mitterrand pour député parachuté.


_______________________________


@Pierre Durand /04 juillet 2022 à 09:18


"Arrivé à mon âge je n'ai toujours pas compris ce que pouvait bien vouloir dire :

Jean 1:1  Au commencement était le Verbe (la Parole), et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu."


Je ne vais pas vous faire comprendre ce mystère, mais essayer d'y plonger avec vous dans la méditation. 


Le Verbe-Parole=en tant que Logos, sens de la Création, sa logique, puis l'articulation de cette logique en un langage qui l'explicite, Lui en vue duquel ou en miroir de Qui la Création fut érigée, Lui, le futur suprême Erigé, ressuscité: "Emparez-vous de la puissance de la Résurrection", écrivait le théologien alsacien  François Durwell (un peu trop heideggerien à mon goût). C'est pourquoi  le Verbe était "auprès de Dieu au commencement", non pour manifester le "pourquoi" ni comme des mots qui précèdent la pensée (car il n'y a pas de pensée sans langage), mais la parole met en mots la pensée.


Et pourtant il y a un mystère du langage et comme une antériorité de celui-ci à la pensée. Roland Barthes concevait l'écriture comme un mystère où l'on regarde passer le langage et où on se fait happer par ce passage, car tout à coup, les mots débordent de nous et on parle en ne sachant pas ce qu'on a dit. On pense par éruption, impulsion, comme un moteur à explosion. C'est ce que ne comprenait désespérément pas mon ami René Pommier ou cette autre infirmière antillaise wokiste avant la lettre me disant, comme j'écoutais sur "France culture" une émission consacrée à Roland Barthes, pourquoi je m'intéressais à cet auteur qui "parle un petit peu pour ne rien dire". Justement, il parle, car bien qu'il n'ait pas écrit de romans, c'est un écrivain. Et  l'écrivain, c'est celui quiregarde passer le langage. 


En sorte que si j'essaie d'exprimer tout cela par une analogie trinitaire pour ajouter au recueil déjà trop foisonnant de ces aperçus,  j'obtiens que Pensée est le Père; Parole est le Fils et Langage ou Musique est l'Esprit, car autre est la Parole et autre le Langage, même si la parole est issue du langage: "y a du roulis, y a du tangage." 


Musique ou Langage, car la musique est un paralangage, ou l'essence du langage est incluse dans la musique, ce langage qui planait au-dessus des eaux et raconte dans un souffle ce "pourquoi en sons et sans sens qu'est l'intermédiaire entre deux râles qu'est une vie humaine.


Denis Monod-Broca a raison de dire que "Dieu n'existe pas, mais qu'il est", et vous ne devriez pas le railler: "Vous confirmez que Dieu n'existe pas." Vous faites fi de son essence.  Encore faut-il embrasser l'être comme ce fleuve héraclitéen dans lequel on ne se baigne jamais deux fois, l'être dans sa fluidité, l'être dans son imprévisibilité et non dans son impassibilité: "Je serai ce que je serai, tu verras bien qui je suis, je me oue de toi comme tu devrais jouer ta vie, car je serai qui je serai, je suis l'être en devenir. Je suis l'avenir qui ne t'appartient pas et que tu ne connais pas. Je suis la surprise du langage des événements, la moins définissable des choses, la plus efficientement causale, donc la plus sans intérêt, et pourtant n'est que ce qui intéresse et inter-est. Je suis l'être en relation." Tel est Dieu, me semble-t-il.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire