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lundi 25 juillet 2022

L'État sans continuité

Il y a beaucoup de bénéfices à tirer du fait qu'Emmanuel Macron ne jouit plus que d'une majorité relative à l'Assemblée nationale. 


Les transferts aux départements d'allocations qu'ils doivent verser avec des dotations qui se réduisent au cours des années malgré un Etat qui leur promet que ces dépenses nouvelles seront compensées à l'euro près, c'est toute l'histoire de la décentralisation.


Gaston Deferre, puis plus près de nous Jean-Pierre Raffarin nous l'avaient vendu comme un moyen  pour nos provinces  de ne plus être des déserts en gagnant en autonomie. La décentralisation se révèle à l'usage un moyen d'appauvrir "nos territoires". Elle devrait faire prospérer des bassins d'emploi et permettre le développement d'activités culturelles, mais les départements doivent cracher au bassinet sans pouvoir entretenir leurs routes départementales qui seront bientôt aussi cabossées que des pistes africaines.


"Quel est l'impôt le plus injuste?" demanda Emmanuel Macron à Jean-Jacques Bourdin en accouchant à la dernière minute d'un programme en 2017. Bourdin aurait dû réondre: "La TVA", mais il resta sans voix. Macron se répondit à lui-même: "La taxe d'habitation", et décida d'amputer les communes de cet impôt local. Non seulement l'État ne dote pas les collectivités locales des sommes qu'il leur demande de verser, mais il les dépouille, par le fait du prince,  de ressources  qui leur étaient nécessaires et sur lesquelles elles comptaient pour continuer de fonctionner. 


On nous assurait que la décentralisation contribuerait au développement d'une "République de proximité". Mais comme nos gouvernants n'ont pas un grand sens de la continuité de l'État, Manuel Valls envisagea un temps de supprimer cet échelon de proximité que sont les départements.


Je ne suis pas contre les minima sociaux, sans lesquels j'aurais du mal à vivre et beaucoup de mes congénères moins bien lotis que moi ne le pourraient pas du tout. Mais je considère que des allocations comme le RSA ou la PCH (prestation de compensation du handicap), payées par les départements, devraient être réglées par l'Etat qui les alloue, et attribuées non au bon vouloir d'"équipes pluridisciplinaires" qui instruisent des dossiers en faisant des économies de bout de chandelle tout en devant respecter un cadre légal très contraint qui les empêche de personnaliser l'aide qu'ils voudraient apporter dans le cas du handicap, mais avec un forfait qui prendrait en compte  la déficience ou l'infirmité, et non la compensation  éventuelle mais hypothétique de la "situation de handicap" créée par la déficience ou l'infirmité.


Pour le RSA dont vont bientôt bénéficier tous ceux qui peuvent y prétendre sans avoir à le demander, l'obligation de faire un travail d'intérêt général devrait être évaluée selon la situation du bénéficiaire, qui peut être dépressif et donc hors d'état de travailler régulièrement de sept à huit heures par semaine. 


J'aimerais bien qu'on m'explique comment revenir à une société de plein emploi quand beaucoup d'activités de ce genre ne seront plus rémunérées puisque compensant le versement du RSA, ou concurrencées par le bénévolat (la vie associative nuit beaucoup au plein emploi en rendant bénévoles des tâches qui devraient être salariées. Je prends l'exemple d'une de mes casquettes, qui est celle d'écrivain public). Comment enfin le plein emploi est-il compatible avec la compression de personnel qu'on pratique pour restructurer toutes les entreprises et les administrations? Car, malgré l'augmentation de fonctionnaires, y compris territoriaux, que l'on vient de voter, les concours administratifs sont de moins en moins ouverts, il n'y a plus de postes à pourvoir. Damien Cuviller et Benoît Collomba l'ont très bien expliqué dans leur livre "De Pompidou à Macron, le Choix du chômage."


Quant à la colère de Bruno Le Maire qui installe déjà sa rivalité avec Edouard Philippe en vue de 2027, c'est celle du grand commis de l'Etat à qui on refuse son sucre, et à qui des parlementaires qui rejouent leur rôle de législateurs rappellent qu'un ministre est un exécutant, comme membre de l'exécutif, et qu'un ministère est un service, au sens étymologique. 

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